Zabou the terrible

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dimanche, février 5 2023

Méditation sur l'évangile de ce dimanche, sur la lumière et sur le sel

(Version courte pour le blog)

« Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre »... qui n’aime pas ces belles invitations ? 

C’est vrai qu’on se sent tout ragaillardis par ces paroles : quand on croit, on a parfois envie d’aller partout pour porter la Bonne Nouvelle, d’être comme le lampadaire rutilant du Seigneur partout. Cela est beau et cela est bon... Mais ces images sont-elles si évidentes ? 

 

Car en écoutant cet évangile, la tentation serait d’être sûrs de soi et vouloir briller, alors même que st Paul lui-même dans la 2ème lecture disait être « faible, craintif et tout tremblant » quand il parle du Seigneur. 

 

Être la lumière ? Ce n’est pas si simple : Une lumière trop forte, ça éblouit, ça brûle ! Et même après quand on s’est pris un flash trop fort, on ne voit plus rien. 

Quant à un plat trop salé... beurk : c’est immangeable, on a envie de tout recracher. 

 

Ca nous invite un peu à ralentir avant de partir tout feu tout flamme ou plutôt toute lumière et tout sel. 

 

Mais en même temps, sans lumière, on ne voit rien, on est dans le noir le plus profond ; 

Et sans sel, les plats deviennent fades et il faut trouver d’autres saveurs pour essayer de donner du goût ! 

 

Je crois que la clé et de la lumière, et du sel, nous est donnée dans la 1ère lecture du livre d’Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur : Partage ton pain avec celui qui a faim, accueille chez toi les pauvres sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l’aurore,  et tes forces reviendront vite. » 

 

C’est une fois qu’on a aimé son frère et seulement dans ce cas-là que la lumière peut jaillir. La vraie et juste mesure de la lumière que nous avons à porter de la part du Seigneur, la juste mesure du sel que nous avons à être de la part du Seigneur, c’est la hauteur d’homme ou à la hauteur de femme : c’est seulement quand on aime son frère qu’il peut y avoir de la lumière. Non dans les hauteurs, mais à hauteur humaine. 

 

Et cela, nous pouvons le vivre quand nous apprenons à nous laisser travailler par le Seigneur, à écouter sa Parole : comme dans cet évangile où les disciples sont réunis autour de Jésus à l’écouter, et notre passage du jour se situe juste après les Béatitudes, cette « charte » du Royaume de Dieu, comme nous chrétiens, à chaque fois que nous nous réunissons autour du Seigneur, autour de sa Parole et de son eucharistie. 

 

D’ailleurs, tant qu’on n’aime pas son frère, tant qu’on ne l’a pas reconnu comme tel, il fait nuit. 

Et dans notre monde, il y en a bien trop des nuits  : 

Tant qu’il y a de l’injustice, de la haine, il fait nuit ;

Tant que les hommes se déchirent et ne se reconnaissent pas comme frères, il fait nuit 

Tant qu’on oublie que notre planète souffre et qu’on continue à vivre comme si de rien n’était, il fait nuit ; 

Tant qu’on se croit auto-suffisant, tant qu’on croit qu’on peut se sauver tout seuls en oubliant les autres dans notre petit confort, il fait nuit : 

Chaque petit geste de fraternité est une étincelle de lumière... et c’est le Seigneur qui peut nous donner de l’apporter. 

 

Et ce qui est beau avec cette lumière, c’est qu’elle grandit, comme lors de la Vigile Pascale, quand on se passe cette lumière les uns aux autres : petite étincelle apportée au tout... Ce sera la lumière douce et bienfaisante, qui nous consume intérieurement et nous encourage, qui réchauffe le monde, sans jamais nous blesser. C'est ainsi qu'on peut tout transformer avec la grâce de Dieu, comme le disait Origène : l’Église, c’est le monde quand il est illuminé par le Sauveur. 

 

Bon dimanche donc, à être non pas les lampadaires glorieux mais à être les lampes de poche du Seigneur, des petites lampes tout-terrain qu’on peut emporter partout là où nous vivons, où nous travaillons, où nous servons.

Bon dimanche, donc, à être ce sel qui conserve humblement mais sûrement toute sa saveur à l’humanité et lui donne de se tourner vers le Seigneur ;  

Bon dimanche à être ces simples petites étincelles du Seigneur qui réchauffent le monde, ensemble, pour qu’il fasse un peu moins nuit. 

mercredi, février 1 2023

D'une parole libre avant que la parole ne se libère : in memoriam

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         Cela fait 10 ans aujourd’hui qu’un des prêtres ayant compté dans ma jeunesse est décédé et je dois dire que je ne peux que penser à lui ces temps-ci, très souvent. Pourquoi ? Parce qu’il fut abusé dans sa prime jeunesse, quand il servait la messe. 

 

         Je ne pense pas tant à lui parce que c’est une horreur de plus que parce que, à une époque où la parole ne s’était pas encore libérée, je me souviens de sa manière de nous en avoir parlé, à nous servants d’autel qu’il accompagnait, à tous les plus grands à partir de l’adolescence : à la fois en vérité, sans aucun voyeurisme, mais avec pudeur : que ce mal était possible, qu’il blessait plus qu’horriblement, que cela marquait à vie. Et, dans le même temps, que, dans son histoire, le Seigneur était plus fort que cette mort intime et qu’il Le servait comme prêtre, dans le même diocèse où il avait été abusé : dans ce mal qu’il nous confiait, il y avait aussi cette lumière incroyable dont il témoignait. Sans grands mots, jamais : dans la simplicité. Il faisait preuve d’une belle écoute, d’une prière pudique, un peu secrète, qu’on devinait avec une fidélité du quotidien même dans les tourments de la maladie, jusqu’à son dernier souffle. 

 

         Oh, certes, c’était loin d’être un homme parfait : ses coups de gueule sont restés célèbres et, sans doute, s’il avait vécu aujourd’hui, il en aurait poussé de plus gros. Parfois, il m’arrive même de les imaginer avec un grand sourire ! Mais c’était bien ainsi qu’il était aimé des paroissiens et des jeunes et qu’il les aimait, avec affection et exigence. 

 

         Pourquoi est-ce que j’en parle maintenant au-delà de l’anniversaire de ce décès ? Parce que je me dis qu’avoir entendu cette histoire dès mon jeune âge m’a rendue sensible à toutes les révélations qui tombent depuis plus d’un an, m’a préparée, m’a « sensibilisée » au sens allergique du terme et que c’est extrêmement précieux. Comment être prêt à dire "non" si nécessaire dans une Église que vous aimez ? Comment se préparer à écouter celui ou celle qui vient vous confier l’inimaginable ? Il n’y a sans doute rien de mieux que la parole, libre et vraie et cela dès l’âge où nous sommes aptes à l’entendre : cela n’enlève rien à l’amour du Christ et de l’Église, cela rend simplement aussi sensible qu’exigeant. 

 

Merci, père Claude Thibault pour cela comme pour le reste : je suis sûre que, là-haut, le Seigneur a essuyé toute larme de vos yeux... et que vous intercédez aussi pour que toute cette vérité se fasse au service d’abord des plus souffrants, pour le bien du plus grand nombre. 

 

 

 

dimanche, janvier 22 2023

Dimanche de la Parole de Dieu - Une lumière s’est levée

 

            Dimanche de la Parole de Dieu, entendre en écho la première lecture : « une lumière a resplendi » ; et l’évangile citant cette même parole d’Isaïe, « une lumière s’est levée ». 

 

Avec le Christ, la lumière s’est levée et plus jamais elle ne s’est éteinte ; 

Et plus jamais, elle ne s’éteindra, et pour toujours elle resplendit.  

 

Quand nous ne savons pas, ou plus, Le voir, 

La Parole de Dieu est cette lumière sur le chemin ; 

Cette lumière qui éclaire, qui illumine, qui réchauffe, qui brûle intérieurement, 

Qui nous fait Le rencontrer, 

Qui donne la clarté pour discerner, 

Qui impulse l’élan et la confiance pour poser un pas de plus. 

 

Elle n’a jamais à devenir notre objet et à se retrouver bible fermée qui prend la poussière, 

Mais elle a à devenir toujours plus le lieu que nous fréquentons,

Pour, progressivement, y demeurer, 

Afin de vivre, lumineusement, 

Afin de vivre, vraiment. 

 

dimanche, janvier 8 2023

Une bonne année sans les mots pour le dire

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(Source : Pixabay)

Longtemps sans écrire ici, manque de temps ? En partie mais pas seulement : mon dernier billet avait été écrit afin de prier pour l’assemblée plénière des évêques et depuis, eh bien, il est vrai que trouver les mots dans la situation si complexe n’a pas été simple (surtout quand les jours à côté sont chargés et que des travaux intellectuels occupent une bonne part de l’encéphale  !) tant ils manquent pour exprimer avec finesse et délicatesse, en vérité et en charité, tout ce qui nous habite face à ce que je nommerais « tout ça ».

 

À vrai dire, j’avais bien commencé des billets plus légers, des petits bouts de choses accueillies au quotidien, recherchées spécialement durant l’Avent, comme des lueurs qui me parlaient de Lui : Il n’a jamais manqué, vraiment, et au cœur des nuits j’ai vécu un bel Avent. Mais, l’écrire ? Pour une fois, le cœur n’y était pas, a fortiori quand la rudesse de la situation doublée des mots des réseaux sociaux donnent une irrépressible envie de douceur et de fraternité chrétienne : et même si cet espace cherche à être préservé, loin des « clashs » (même si cela n’y empêche pas quelques coups de gueule), il reste lié à cet outil si puissant.

 

Mais Noël est passé et voici l’an neuf : il est quand même temps de réveiller ici. Pourtant, là encore, les mots me manquent pour souhaiter une bonne année 2023 (et pas seulement parce que j’attends incessamment sous peu la livraison de mes cartes de vœux que je n’ai pas encore commencé à rédiger!). Que souhaiter quand l’horizon du monde semble sombre, quand bien même la joie et la foi sont toujours gracieusement là ? L’espérance, certes, mais la vraie espérance ne saurait être un hochet réconfortant : elle est exigeante ! Aussi je souhaite certes à tous de savoir la saisir, l’accueillir, la vivre et la faire grandir en et autour de soi. Mais cela saura-t-il s’adresser reellement au plus grand nombre ? Peut-être ou peut-être pas.

 

Bref, je ne saurais sans doute pas vraiment vous dire « bonne » année 2023 mais je crois que je peux souhaiter à chacun de vous de savoir accueillir quotidiennement la lumière donnée chaque jour par le Seigneur pour éclairer votre chemin, de la contempler avec gratitude afin d’en être rayonnants de l’intérieur, de la laisser nous « agir » selon le mot de Madeleine Delbrêl : pour que nous fassions en sorte que cette année soit vraiment « bonne », pour les autres et pour nous-mêmes. 

 

mercredi, novembre 2 2022

Prière pour l'assemblée plénière des évêques

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Seigneur, envoie ton Esprit Saint sur nos évêques qui se réunissent à Lourdes en assemblée plénière ; 

Donne-leur particulièrement l’Esprit de force : pour regarder en face la vérité, si dérangeante soit-elle et pour poser des actes courageux bien plus forts que de simples et belles communications ; 

Donne-leur aussi l’Esprit de conseil : qu’ils sachent discerner des décisions judicieuses accordées à Toi et non pas celles qui veilleraient à sauvegarder les apparences d’une institution qui, sans Toi, de toute façon, n’est rien ; 

 

Envoie à l’ensemble de Ton Église ton Esprit Saint, Ton Esprit de vie, vraiment pleinement ! N’aie pas peur de souffler pour que s’éloignent toutes les odeurs macabres nauséabondes que nous répandons et pour que nous brûlions du vrai feu de la charité qui nous pousse toujours à l’exigence, en avant ! 

 

N’oublie surtout pas, Seigneur, en envoyant Ton Esprit, d’activer le don des langues : nous crevons d’entre-soi et de silence ! Viens à notre aide ! 

 

Que reviennent ceux qui sont loin

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        Ayant aimé avec passion Des Âmes simples j’ai immédiatement craqué en voyant la parution d’un nouveau roman de Pierre Adrian : Que reviennent ceux qui sont loin

 

         Le thème est moins directement spirituel : il ne s’agit pas d’un vieux curé des Pyrénées et d’une abbaye perdue et accueillante à quiconque mais le talent reste le même pour camper une atmosphère d’une belle densité qui conserve un degré certain de pudeur. De plus, il s’agit du récit d’une expérience que nous pouvons tous faire à notre mesure, même si nous n’avons pas de maison de famille bretonne en bord de mer : ce retour chez les siens et l’expérience du temps qui file, insaisissable, inarrêtable. Évidemment, pour qui a connu ces grandes maisons qui vivent l’été avec leur tablée de cousins et leurs histoires à hauteur d’enfance, le récit prend encore plus de chair. 

 

         C’est l’histoire du narrateur qui, arrivé à la trentaine et après plusieurs étés de jeune adulte à rêver d’ailleurs plus luxuriants, choisit de retourner passer août dans cette maison où il a tous ses souvenirs estivaux et tant de famille. 

          C’est un simple récit de retour, dans ce qu’il a d’ordinaire et d’extraordinaire, de personnages qui vieillissent, d’autres qui grandissent, de générations qui se succèdent, de choses qui demeurent comme elles ont toujours été et qui voient les hommes passer. Mais le temps s’écoule ainsi que le sable et vient redonner, grâce aux grains de sable qui demeurent malgré tout collés, du relief aux jours d’antan où l’on s’ignorait si heureux. 

          C’est un présent doux et sans illusion – sans amertume cependant non plus – qui mesure l’écart avec le passé mais apprend à savourer l’aujourd’hui, à le redécouvrir avec des yeux d’adulte et à s’enraciner dans là d’où il vient, comme réconcilié avec le petit garçon qu’il fut et avec l’adulte qu’il apprend à être pleinement, en endossant le rôle d’oncle. 

         C’est comme un souffle tendre qui émeut malgré toute la retenue qui y figure et qui nous donne à notre tour les yeux un peu brouillés, nous renvoyant malgré nous à nos étés d'hier et à ceux qui en sont définitivement partis. 

 

dimanche, octobre 30 2022

Zachée et la juste taille

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         L’histoire de Zachée, le petit homme, se déroule à Jéricho, ville certes célèbre pour ses palmiers mais aussi parce qu’elle est la ville la plus basse du monde. Petit, l’homme l’est dans ses actes aussi, prêt aux bassesses du détournement d’argent. 

 

         Et pourtant il est plein de ce désir vraiment très grand : voir Jésus, voir Dieu qui sauve. Et, pour le voir, il lui faut s’extraire de la foule qu’il connaît et qui le connaît trop bien et prendre de la hauteur, un peu, pour voir autrement. 

 

         Mais, à peine vu, Jésus lui demande de redescendre immédiatement ! 

S’il faut parfois prendre un peu d’écart et de hauteur pour parvenir à voir Jésus dans nos existences, c’est toujours au cœur de notre vie que nous sommes appelés à Le rencontrer. 

Car c’est toujours à hauteur d’homme et dans nos existences, si basses semblent-elles, qu’Il veut demeurer. 

Pour nous aider à nous convertir, pour nous aider à grandir à notre juste taille humaine, appelée à la sainteté. 

 

vendredi, octobre 28 2022

Sais-tu le silence ?

 

         Dans les offices monastiques, il y a toujours du silence : un beau silence, un silence plein de densité, du côté des moines comme du côté de leurs hôtes. 

 

         Ce n’est pas que les gens se font la tronche ou qu’ils ne savent pas quoi se dire, encore moins qu’ils se cachent des choses. Ou plutôt, ce n’est pas tout à fait qu’ils se cachent, ils sont pleinement présents, c’est que ce silence est révélateur de quelque chose de plus profond. Un silence extérieur qui révèle en intérieur une écoute, un babil amoureux, parfois suppliant, un colloque avec Celui qui est au plus profond de nous-même : un espace, un temps, un blanc juste pour le Seigneur. 

 

          Et, dans ces offices, le silence des uns veille sur le silence des autres, qu’on y soit pleinement ou parfois un peu distrait, pas franchement présent, avec l’esprit qui rêvasse. Ce n’est pourtant pas le silence contraint d’un groupe avec un enseignant pour dire « chut les enfants » ou le silence mêlé de nos réseaux qui bruissent : c’est plutôt le silence des amoureux qui savent qu’il y a du temps à savourer simplement ensemble. Là, le silence amoureux s’est répandu et se garde comme un cadeau à s’offrir les uns aux autres avant de chanter, de parler ou de repartir dans le vaste monde : il est une source que tous s’entraident à garder la plus désensablée possible, l’oasis pour savoir mieux traverser les déserts de nos existences. 

 

         Et demain, je repartirai vers ma vie quotidienne pleine de ce beau silence qui viendra faire résonner autrement mes paroles et mes gestes, en les accordant un peu plus justement à Lui. 

 

Écouterons-nous leur cri ?

 

Au sujet de J’écouterai leur cri – cinq regards de femmes sur la crise des abus

 

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         Un livre qui prétend avoir tout compris sur la « crise des abus » et savoir comment la résoudre ? Non, il s’agit ici avant tout d’un livre d’amitié : amitié des autrices et auteur – les xavières ont élargi leur parole à une femme laïque et à un jésuite –, désir d’entrer dans une relation d’amitié avec les victimes comme le souligne dans son chapitre Agata Zielinski. Une amitié qui commence par l’écoute plénière des cris des victimes : c’est d’ailleurs à une victime devenue témoin, Patrick Goujon, qu’est confiée la préface. 

 

         Ici, on ne cherche pas à donner des leçons, on cherche à écouter, à constater des manques et des failles comme autant de lieux pour construire. On apprend aussi de la multiplicité des points de vue ici présentés : une théologienne, une criminologue, une philosophe, une bibliste, une doctorante en théologie anciennement au service de la CEF pour chercher à écouter au pluriel. C’est ainsi que leur propos prend tout son relief, osant poser de vraies questions, toujours écrites à la première personne du singulier comme des réactions au rapport de la CIASE : sur notre théologie du mal, sur la justice réparatrice, sur une lecture biblique qui n’instrumentalise pas le texte mais le laisse nous éclairer et même nous interpréter nous-mêmes, sur le fait d’oser nous reconnaître vulnérables et faillibles, sur la nécessité de cesser de nous concevoir comme Église comme une « société parfaite ».

 

Je pourrais relever de nombreuses pépites tout au long de ces pages – j’en ai d’ailleurs gardées de nombreuses pour moi-même – mais je vous invite surtout à lire à votre tour cet ouvrage. Pourquoi ? Parce qu’ici, l’on trace des pistes : on espère que celles-ci sauront être saisies plus largement par tout le peuple de Dieu pour avancer ensemble, en osant laisser toutes les périphéries et y compris les victimes, au centre d’une Église renouvelée. Alors, osons nous y engager !


J'écouterai leur cri, aux éditions de l'Emmanuel : c'est par là >>

jeudi, octobre 27 2022

Pauvreté(s) et grâce(s)

 

         Il y eut vendredi une visite à mon vieux confesseur en maison de retraite, peinant à se remettre d’un méchant zona qui le fatigue et nos discussions, courtes mais simplement pleines de Dieu : pauvreté pleine de grâce. 

         Il y eut samedi la joie d’une consécration dans l’ordre des vierges mais qu’est-ce d’autre finalement que la pauvreté humaine s’offrant simplement tout entière au don de Dieu pour en rayonner ? Pauvreté pleine de grâce. 

         Il y eut dimanche l’évangile du Pharisien et du Publicain et ce dernier capable de se reconnaître pécheur pour demander la grâce de Dieu : pauvreté pleine de grâce

 

         Il y a toutes ces révélations dans notre Église... Il me semble que ce n’est qu’en acceptant de nous reconnaître pauvres et vulnérables, faillibles, et non en nous cantonnant dans notre superbe façon tour d'ivoire que nous saurons vraiment ré-accueillir la grâce de Dieu, sans laquelle ni notre Église ni nous-mêmes ne sommes rien. 

 

vendredi, octobre 21 2022

De l'importance de regarder les blessures en face

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Sur l’affaire Santier

 

De la sidération, encore et encore ; 

Dans notre Église, quand on espérait un tout petit bout de mieux, 

On s’aperçoit que l’on se vautre encore et encore ; 

C’est ignoble.  

 

L’horreur, parce qu’encore une fois, cela concerne des vraies vies, 

Pas simplement des « on dit » lointains : non des personnes comme toi et moi, 

Qui ont été « abusées », trahies, détruites avec un sacrilège à la clé ; 

Et cette fois, on n’en peut plus : on nous a encore menti. 

 

Menti ? Ou au contraire sommes-nous malades en plus des abus sexuels d’une culture du secret néfaste et cancérigène ? 

 

Ces derniers jours, je n’arrête pas de répéter que nous sommes « membres d’un même corps » : ce ne sont pas que des mots !

Selon moi, c’est essentiel et cela se vérifie ici même :

Cacher une blessure ne l’a jamais guérie, 

C’est se voiler la face et la laisser s’infecter, grossir et rendre tout le monde encore plus malade.

 

Certes, il ne s’agit pas de tomber dans une impossible transparence, dans une forme d’hygiénisme à outrance qui désinfecterait sans cesse le corps, par peur, en l’empêchant de vivre : il s’agit, à tous les niveaux de l’Église, de cesser notre culture du secret, du non-dit, de l’entre-soi d’un secret malsain. 

 

Comment voulez-vous que le corps vive bien si seulement certains organes communiquent entre eux ? Comment voulez-vous poser un diagnostic sur une blessure grave si le corps entier n’en a pas conscience ?

Tous les organes d’un corps sont importants : ils doivent tous savoir tout ce qui les concerne, c’est urgent, même si c’est pour dire qu’on n’a pas assuré, que la gangrène nous menace... mais enfin, c’est un risque que nous courons alors tous et qui risque de contaminer particulièrement les plus fragiles ! Peut-être qu’on pourrait apprendre à partager, en frères et sœurs, les mauvaises nouvelles, aussi, au lieu de se complaire seulement dans les bonnes ? 

 

Et Toi, Seigneur, viens-nous vivifier, s’il Te plaît : 

On en a tous bien besoin. 

 

 

vendredi, octobre 14 2022

Sortie imminente

Chers amis lectrices et lecteurs de ce blog, 

J'ai la joie de vous annoncer la naissance, euh, la parution de mon deuxième livre Membres d'un même corps aux éditions Artège le 19 octobre prochain. 

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Ce livre questionne le lien entre eucharistie et Eglise : qu'est-ce que recevoir et devenir le Corps du Christ ? Mais va aussi plus loin en réfléchissant aux conséquences très pratiques de nous considérer comme autant de "membres d'un même corps".

Pour en savoir plus, c'est par là >> et vous pouvez bien évidemment vous le procurer dans votre officine préférée. 

Pour ceux qui seraient Franciliens, une soirée de présentation est prévue ce vendredi soir 14 octobre à 20h à l'église St Pierre St Paul de Colombes. 

mercredi, octobre 5 2022

Un an après la CIASE – quelques libres propos

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            Je ne pouvais pas laisser passer cette date – je n’ose écrire cet « anniversaire » – sans en dire un mot tant ces révélations ont été un raz-de-marée dont nous n’avons pas fini de sentir le ressac des vagues. 

 

Des vagues qui permettent de porter plus loin ceux dont la parole avait été jusque-là éteinte ; 

Des vagues qui montrent la violence possible de la marée humaine ; 

Des vagues qui viennent entrechoquer les certitudes ; 

Des vagues qui nous laissent dans l’inconfort de l’instabilité :

Que sera demain ? 

 

            Un an plus tard, est-il vraiment plus facile de poser un mot sur ce sujet ? Peut-être pas vraiment. Il subsiste déjà, comme l’an passé, la difficulté à poser des paroles qui respectent pleinement la vie et le ressenti unique de chaque victime : il n’est pas possible de parler à leur place. Mais il faut aussi parler du « et maintenant ? » et les choses ne se simplifient alors pas. Il est vrai que l’Église a mis en place une série de mesures réelles, une instance de réparation, des groupes de travail et il convient de voir tout ce chemin parcouru avec gratitude et comme un premier pas sur lequel s’appuyer avec confiance pour bâtir la suite. Et, en même temps, il est difficile de pouvoir en être pleinement heureux et il convient de le reconnaître en vérité : retards inhérents à l’humain, réticences qui peinent à se lever face à la réalité, ras-le-bol de certains ou, pire, désir de tourner la page définitivement. « C’est bon quoi, on en a assez fait ». 

 

            De l’autre côté, quand on dit qu’il faut continuer à interroger les conditions qui ont permis à de tels abus non seulement de se vivre mais encore de proliférer dans le silence, certains feraient vite de nous des révolutionnaires alors qu’il ne s’agit évidemment pas de mettre l’Église à plat ! 

 

           Bien au contraire, il s’agit d’aider l’Église – c’est-à-dire toi, moi et nous-mêmes, d’abord – à se placer vraiment sous la motion de l’Esprit Saint et à être une ecclesia semper reformanda.

             Bien au contraire, il s’agit de la rendre plus vivante en acceptant qu’elle ose porter l’interrogation constante sur ses fonctionnements : pas seulement des petits conseils pratiques de bonne conduite – essentiels AUSSI, évidemment – mais en osant réfléchir sur chacune de nos pratiques. Qu’est-ce qui pourrait encore conduire à des pratiques abusives ? Il s’agit non pas de faire de l’Église une société parfaite utopiste mais seulement d’évaluer nos actions de pécheurs sous le regard du Christ. Avouons-le, si nous sommes engagés dans l’Église, nous savons tous qu’il y a encore largement place pour un chemin de conversion tant personnel que communautaire. 

            Bien au contraire d'une révolution, il s’agit également et simplement de libérer toujours plus la parole en Église, entre chrétiens : en créer des lieux et des conditions – la synodalité ? – et cela même quand les prises de parole nous semblent déplacées. Personne n’est de trop dans l’Église et mon frère souffrant doit pouvoir s’exprimer facilement, même s’il gueule, même s’il chiale, même s’il me dérange – parce que, avouons-le, la souffrance d’autrui n’est jamais agréable à « supporter ». 

 

            Bref, la route est amorcée mais elle est encore longue : sans doute faut-il voir cette année comme une simple étape d’un chemin à continuer de parcourir, ensemble. 

 

          Avec quelques amis, l’an passé, nous avions lancé le hashtag #AussimonEglise quelques jours après la publication du rapport, pour montrer combien nous nous sentions concernés et combien nous voulions agir par notre prière, notre compassion, mais aussi par nos manches retroussées là où nous étions. Ce hashtag est toujours et plus que jamais d’actualité. Cette Église qui comprend victimes et abuseurs, cette Église qui avance mais parfois renâcle aussi, qui tâtonne à enlever toutes les zones obscures dans sa suite du Christ qui la fonde, c’est #AussiMonEglise et c’est pour cela que je continue de la regarder, d’y appartenir avec foi et d’y travailler avec espérance, certes, mais aussi avec exigence ! Il en va de toi, il en va de moi, il en va vraiment de chacun d’entre nous : il en va de nous conformer toujours plus à notre foi dans Celui qui a donné sa vie pour nous. Et ce ne sont pas que des mots mais bien une aventure de vie. 

 

... Continuandum...

 

jeudi, septembre 29 2022

Dieu, viens à mon aide : le tempo de la foi

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Dieu, viens à mon aide ! 

Un signe de croix, une petite croix tracée sur ma bouche, 

Les mots entremêlés du matin, mal réveillés, mal caféinés, 

Les mots qui trébuchent un mélange de « Seigneur, ouvre mes lèvres » 

Un appel à l’aide devant l’inconnu, face à l’aventure que sera la journée, 

Une demande : car, moi seule, je ne saurais aimer. 

 

Dieu, viens à mon aide 

Ce sont les mêmes mots, redits en rentrant du travail, 

Les mots plus assurés mais les mots fatigués, éreintés parfois, 

Les mots passés au crible d’une journée ordinaire, avec ses hauts et ses bas, 

Avec ses victoires et ses défaites, avec ses péchés et ses grâces, 

Avec toutes ces intentions – confiées ou qui s’imposent de charité – 

Avec ces personnes croisées, avec ce qu’il y a de fait et ce qui reste à faire, 

Un appel : car, moi seule, je ne saurais pas gérer. 

 

Dieu, viens à mon aide !

Dans le silence du soir, à l’issue d’un calme temps d’oraison,

Sans tambour ni trompette et bien trop souvent distraite, 

Avant les mots du Confiteor et une relecture du jour,

Avant de redire « merci », « pardon » et « s’il te plaît », 

Se remettre devant la source de Celui qui illumine les jours, 

Qui ressource tout en Sa joie, et même les tristesses, et même les colères ; 

Un compagnonnage : car, moi seule, je voguerais dans le noir. 

 

Dieu, viens à mon aide !

C’est le rythme dans la prière de l’Église, 

Au moins trois fois par jour, 

Posologie minimale, mais si possible davantage répétée, même en version minimaliste ; 

Pas une médecine alternative mais un ancrage dans la réalité de la foi : 

C’est le cri de notre cœur pour chercher à battre au même tempo que celui de Dieu 

 

Et demain, je recommencerai, 

Parce que, même quand je ne sais pas, 

Même quand je me trompe, 

Même quand je chute, 

Sa grâce ne saurait me manquer, 

Sa grâce ne saurait refuser de m’aider, de m’éclairer :

Dieu, viens à mon aide !

 

lundi, septembre 26 2022

Ce que nous savons d’eux

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            « Au fait, sais-tu pourquoi... ? », ainsi les profs s’interpellent-ils parfois à l’occasion d’un couloir moins fréquenté ou d’un recoin plus tranquille de la salle des profs. Et là se dévident des bribes de vie d’un élève qu’on a eu, dont on a été professeur principal, sur lequel on sait des éléments extra-scolaires avec la plus grande délicatesse et la plus grande pudeur possibles. 

 

            Comme professeur et a fortiori dans les zones plus difficiles, nous entrons souvent de plain-pied dans des existences qui ne sont pas les nôtres : nous n’avons pas forcément donné notre accord, nous y avons rarement été conviés avec politesse, c’est juste ainsi. L’un s’est écroulé en sanglots devant nous un jour sans prévenir, l’autre a demandé à nous voir pour parler du stress d’un examen et a tout déballé sans qu’on s’y attende ou encore une fin de cours s’est prolongée en vaste confidence pour telle autre, et cela sans parler des réunions parents-profs qui offrent encore d’autres aperçus relationnels. Malgré nous, on apprend à plonger un peu dans la bourbe tourmentée qui entoure tel élève, simplement pour faire, malgré tout, un bout de chemin avec lui, avec elle. A vrai dire, il y a souvent des choses qu’on préférerait ignorer... mais qui refuserait de les écouter si cela permet d’aider un peu moins mal ? 

 

            Or, quand un élève change de classe et donc de professeur principal, il n’y a pas de transmission formelle des informations : déjà l’équipe change beaucoup d’année en année, l’établissement est bien trop grand pour que ce soit formalisé avec tant de classes même si l’équipe était stable – rêvons ! – et puis, sincèrement, qu’en dire sans voyeurisme ? Il y a des choses trop personnelles pour les écrire, pour les transmettre sans contexte et sans détails trop gênants. Parfois, cependant, un collègue sait qu’un autre collègue sait quelque chose et va le trouver et c’est là que naissent ces échanges un peu bizarres, où nous parlons non des notes mais de la vie de ces autres qui nous sont confiés : je connais peu d’échanges aussi pudiques entre profs que ceux-là tant on ne se sent pas vraiment fiers devant les horreurs que nous partageons. 

 

            Ce que nous savons d’eux, c’est souvent beaucoup et en même temps pas grand-chose : des sortes de grosses roches noires qui prennent trop de place dans leur existence, bien malgré eux et qui les gênent pour mener paisiblement leur existence d’élève. On sait bien qu’on ne les enlèvera pas mais on peut se tenir à côté d’eux pour contourner une partie de l’obstacle au fil d’une année, peut-être, si les choses se déroulent bien... pour être vigilants et empêcher qu’elles s’effondrent sur eux en faisant appel à d’autres soutiens si nécessaire. 

 

           De l’extra-scolaire et du scolaire, des drôles de trucs que je n’aurais pas imaginé en entrant dans le métier. Évidemment, comme chrétienne, c’est toujours une invitation à les remettre sous le regard de Dieu, à s’efforcer mieux de les voir comme Dieu les voit, à les aider aussi à voir tous les rebords lumineux, malgré tout, de leurs existences : ce sont les marchepieds qui s’appellent « petites joies du quotidien », « talents », « éducation », « espérance » ou encore « confiance » grâce à l’appui desquels ils pourront s’élever. 

 

 

 

jeudi, septembre 1 2022

L'été en... un podcast - les romans qui ont changé le monde

 

            Si mon été 2021 avait été marqué côté podcast par la formidable série sur l’Apocalypse, texte et culture, « d’hier à demain » de François Bessonnet et de ses compères (n’hésitez VRAIMENT pas à aller l’écouter : ce n’est que du bon ! J’ai notamment découvert grâce à ce podcast la série Good Omens qui est délicieusement décalée et que je vous invite à regarder si ce n’est pas le cas), l’été 2022 et ses trajets fut plus littéraire avec des épisodes proposés par France culture : 

 

Les romans qui ont changé le monde

https://www.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/2022/08/c4631fc3-fc0a-4aba-9b20-a6bbc2ce57bf/400x400_comment-les-romans-changent-le-monde.webp

 

            Dix romans du xxe siècle dont le choix comporte une claire part d’arbitraire (enfin, je pense que tout amoureux des Lettres ferait son propre choix, potentiellement différent) mais superbement présentés : un ou plusieurs invités en sus du présentateur Mathias Enard, deux extraits lus par une comédienne – dont, systématiquement, l’incipit – un ou deux morceaux musicaux en écho... on est plongé dedans ! Je dois dire qu’écouter l’incipit de Voyage au bout de la nuit au volant de ma Zaboumobile a été une belle expérience où la langue si travaillée autant que relâchée de Céline prenait tout spécialement vie ! Les échanges sont dans l’ensemble de bonne tenue et l’on ne s’ennuie vraiment pas. 

 

            Dix épisodes qu’on savoure et qui nous poussent à lire encore et toujours, même quand la rentrée s’annonce... mais c’est loin d’être péché quand on est prof de Lettres, non ? 

 

P.S. : France culture a sorti aussi 2 séries avant et après qui ne sont pas sans lien et que je compte écouter : « comment les films changent le monde » avec 10 films sur le même principe et, après les romans, « les œuvres d’art qui ont changé le monde ». 

P.S. 2 façon page de pub : Mais on n’oublie pas de se préparer à écouter début octobre la saison 3 du « Café de Sèvres » 

Avant l’accueil, devant la liste de classe

 

Comme une litanie de prénoms à égrener en chapelet : 

Seigneur, donne-moi de les aimer ! 

Chacun et tous, dans leur globalité et dans leur singularité. 

 

Aide-moi à étancher mais surtout à creuser leur soif d’apprendre, leur soif de vivre ; 

Aide-moi à trouver les mots justes pour qu’ils apprennent mais aussi pour les aider à grandir, à s’épanouir, à avancer sur leur chemin personnel d’homme ou de femme responsable, bientôt adulte ; 

Donne-leur d’avoir des rêves et d’avoir le goût de la persévérance pour aller au bout de ceux-ci 

 

Donne-nous, ensemble, une bonne année : je la place, pour eux comme pour moi-même, tout entière sous Ton regard. 

Amen. 

 

mercredi, août 31 2022

L’été en... une vertu – l’hospitalité

 

« Que demeure l’amour fraternel ! N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. » (He 13, 1-2) 

 

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            Je clos cet été le cœur empli de gratitude pour l’hospitalité reçue, à plusieurs endroits, au fil de mes pérégrinations, mais en particulier sur le chemin d’Assise. Alors que pendant des jours et des jours, je peinais à trouver des lieux d’hébergement à notre petite communauté itinérante, tout s’est débloqué providentiellement et au-delà de ce que j’escomptais personnellement. Trois soirs particulièrement nous avons été reçus avec le cœur : d’un apéritif offert avec chaleur le premier soir alors que nous avions trouvé porte close à l’église, un autre soir chez des anciens pèlerins qui avaient tout préparé pour que nous soyons au mieux et enfin par des paroissiens chargés par leur curé de nous accueillir et qui en avaient recruté d’autres pour une inoubliable soirée ; Trois cas où les gens n’étaient pas tenus de nous accueillir et où, en plus d’ouvrir leur porte, ils ont largement laissé s’ouvrir leur cœur. 

 

 

Merveille que la gratuité de l’amour ! Se laisser accueillir, aussi, de l’autre côté, en n’ayant rien à donner en retour est pleinement désarmant : alors qu’on n’avait à première vue rien en commun, on se retrouve autour d’une même table ! Il y a là quelque chose d’une justesse de l’amour qui outrepasse toutes les conventions sociales qui nous servent trop souvent d’oripeaux, il y a là sans doute un écho de l’évangile qu’on entendait dimanche dernier, juste remis à notre juste place de frères et sœurs.

 

            C’est sûr que, après avoir expérimenté cela, quand on rentre chez soi, on a envie de faire de même, même si rares sont les pèlerins qui croisent nos banlieues. 

 

Pourtant, l’attitude de cœur pourrait être la même : non pas d’inviter tous ceux dont nous croisons la route mais être ouvert à ces temps partagés avec ceux qui croisent notre chemin, temps osés par nous-mêmes ou par autrui, simplement gratuits. Derrière ces rencontres, même sans lendemain et surtout s’il n’y a pas possibilité de « rendre », ce n’est pas seulement l’autre que nous rencontrons mais, en filigrane, l’Autre. Si l’hôte désigne en français celui qui accueille comme celui qui est accueilli, c’est comme pour nous inciter à nous mettre donc toujours plus à l’écoute de l’hôte le plus intérieur en chacun de nous et à Le repérer en nos frères. Et le cœur s’en emplit de gratitude et d’action de grâce. 

 

 

lundi, août 29 2022

L’été en... un roman – imaginer la pluie

 

            J’ai été silencieuse ici cet été : densité des choses à vivre, travail important également qui m’occupait l’esprit et nécessité d’écrire pour moi-même avant tout. Alors, avant de trop plonger vers la rentrée, retour en quelques flashs non narratifs mais catégoriels. Enfin, si je peux. On commence par le roman qui m’a le plus marquée cet été. 

 

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            J’ai lu avec appétit comme tous les étés et avec un ravissement certain dans la plupart des cas. Toutefois, parmi les fictions, un roman se détache sans contredit par l’étrange atmosphère qu’il dégage à laquelle on se laisse prendre : Imaginer la pluie de Santiago Pajares aux éditions Actes Sud (maison d’édition dont j’apprécie d’ailleurs beaucoup les couvertures), paru en France avril 2017 pour le grand format ; en avril 2021 pour le format poche. 

 

            Qu’en dire ? C’est un roman étrange, poétique et tout autant post-apocalyptique que merveilleux, jouant de surcroît avec grâce avec l'univers du Petit Prince de Saint-Exupéry.

 

Imaginer la pluie : rien que le titre nous emmène dans vers la rêverie... Pourtant, s’il s’agit d’imaginer la pluie, c’est bien parce qu’il s’agit du drame d’une mère seule avec son fils en plein désert après une catastrophe ayant touché l’humanité entière et, pour eux deux, après la chute d’un avion : le fils, lui, ne connaît pas la pluie, il ne peut que la rêver. D’ailleurs, il ne peut qu’imaginer beaucoup de choses puisqu’il ne connaît pas le monde d’avant : ils n’ont quasiment rien, seulement l’essentiel pour vivre et encore, à peine. Mais ils vivent et surtout ils aiment. 

 

            Ils ne sont que deux alors les dialogues sont rares et le blanc prend autant de place sur la page des courts chapitres (souvent une page recto-verso) que le silence du désert qu’ils habitent et qui les habite. On lit au rythme du pas sur les dunes. C’est le récit de l’essence d’une vie qui comprend aussi la mort de la mère, le départ jusqu’au bout des forces, la rencontre non du Petit Prince mais de l’altérité et, encore, un long exode. Je ne divulgâcherai pas la fin mais, si la grande majorité du roman joue avec la prose poétique, la fin est plus directement narrative et presque « classique », ce qu’on ne lui reproche d’ailleurs absolument pas. 

 

On se laisse saisir par le désir d’en savoir plus sur la raison de leur présence dans le désert mais notre attente sera toujours déçue au fil du livre : de fait, il ne s’agit pas pour l’auteur de nous dire comment une partie de l’humanité a précisément réussi à se détruire mais de nous faire habiter et demeurer dans l’écrin de l’essentiel, même s’il s’agit d’un appentis dans le désert. Pour que nous n’ayons pas besoin, nous, un jour, de faire « imaginer » la pluie à des plus jeunes, pour que nous nous comportions en êtres responsables de nos choix et pour que nous puissions créer de belles nouvelles histoires ! 

 

dimanche, août 28 2022

L'humilité : regarder celle de Dieu... et la nôtre ?

 

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            Il y a des dimanches où c’est plus facile que d’autres de trouver le fil conducteur des textes bibliques, comme aujourd’hui : l’humilité. 

 

            C’est facile sur le papier, d’ailleurs aussi, l’humilité. D’un certain côté, c’est également facile d’en parler : ne pas s’auto-glorifier de ses actes ou, en termes plus contemporains ne pas se la raconter ; en termes plus anciens, se souvenir toujours avec Montaigne que « sur le plus haut trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul » (non, mais ne soyez pas choqués, ce n’est pas moi qui le dis, c’est Montaigne !) ; en termes plus chrétiens, se souvenir toujours davantage que tout est don de Dieu : « qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » nous interroge saint Paul (1 Co 4, 7) nous montrant le chemin de l’humilité chrétienne. 

 

            Mais, quid, en vrai ? On peut être tenté de se rabaisser ou d’aller prendre volontairement la dernière place comme dans l’évangile du jour : parfois, c’est fructueux pour dompter nos tentations de pouvoir ; parfois cela ne peut être que déguisement, n’assumant pas les dons reçus et les cachant ou jouant à la personne humble sans glorifier le Seigneur pour ce qu’il me donne. En réalité, l’humilité, ce n’est pas si aisé à vivre avec justesse : c’est une ligne de crête. 

 

            Je crois que, ce qui peut aider davantage à la vivre, c’est en regarder l’étymologie : humus, la terre. Nous, hommes et femmes, sommes gardiens de celle-ci et établis les pieds posés bien à plat dessus par le Seigneur. 

 

En fait, la terre, l’humus, c’est la hauteur qui nous est donnée : ni plus, ni moins. 

Rester les pieds sur terre, c’est rester dans le réel, le don de Dieu : c’est regarder à la simple mesure qui nous est donnée qu'Il n'a pas craint de venir partager, ni plus, ni moins. 

C’est assumer notre condition humaine : ni plus, ni moins. 

C’est vivre du don de Dieu : ni plus, ni moins. 

 

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