Zabou the terrible

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Ecrire selon Didier Rimaud

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        Ecrire pour la liturgie, écrire pour soi, écrire à quelqu'un, c'est toujours écrire. La seule loi que je connaisse ici est celle de la présence à soi-même, du silence, du temps et du travail. Que j'aie envie d'écrire le texte d'un libre poème, d'une hymne ou d'une litanie, que l'on me demande de faire un texte pour un service liturgique précis, je suis toujours ramené au point en moi où quelque chose de ma foi cherche à se dire dans mon rapport à Dieu, aux hommes et au monde. Et ce rapport-là est un rapport de forces.
 
        Le Dieu auquel j'aime m'adresser, de vive voix ou par l'écrit, est celui à qui je dis : "Père, je te rends grâce !" et aussi : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?". Le monde où se célèbre la liturgie chrétienne est, tout à la fois, l'histoire sans parole de la Gloire de Dieu et la question qui m'interroge, lancinante : "Où est-il, ton Dieu ?" Les hommes que je rencontre, et avec qui je lutte sans savoir leur nom, sont des hommes qui me ressemblent : ils disent pouvoir se passer de Dieu, tandis que le Christ les assure de sa présence. Je ne cherche pas à écrire en pensant à tel ou tel type de pratiquants à qui je fournirais sa prière : j'écris ce que je me sens capable de chanter à Dieu, et de Dieu, dans le plus secret de moi où je sais ne pas être seul et retrouver mes frères.
 
        Mais il est vrai que ce qui me fait prendre un crayon et du papier, c'est souvent un mot de la Bible qui commence à bouger en moi et ne me laisse plus de repos, ou deux bouts de versets qui se mettent à jouer l'un avec l'autre et trouvent du sens, ou telle image fugitive cueillie dans la parole d'un autre et qui m'habite. Je ramasse. Je ramasse avec le désir que la trouvaille venue d'ailleurs se greffe dans l'entaille de mon coeur sauvage tout occupé d'amitié, de terre et de musique, avec le désir que le greffon bourgeonne et donne une pousse neuve. Et si cette pousse, longtemps taillée et retaillée, travaillée, me paraît avoir suffisament de vigueur, et de rigueur, pour être risquée dans l'univers liturgique, à côté des mots jaillis de la bouche de David, d'Isaïe, de Job, de Jean et de tous ceux qui ont fait le Livre, alors je lui laisse courir ce risque.
 
        Et c'est toujours en tremblant, toujours en me disant que je n'ai pas assez contemplé ce que Dieu me donne à lire dans le monde, les hommes et son Ecriture, toujours en me demandant si je ne me trompe pas sur la nature de celui qui me souffle à l'oreille : "Ecris donc ce que tu as vu". Il faudrait, comme Jean, n'obéir qu'à cette voix et n'écrire que cela : ce que d'abord elle nous aurait montré.
 
Didier Rimaud, sj
Introduction in Anges et grillons (Chants et poèmes I)

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