Zabou the terrible

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Le gentilhomme de Dieu

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                Samedi, 13h. Je venais de manger un morceau, vite fait, le cerveau encore embrumé par cette belle matinée de séminaire XIXémiste où je m’étais encore une fois sentie si ignorante. J’étais seule, perdue dans la foule nombreuse qui se pressait déjà pour les achats de Noël. Songeuse, rêveuse, admiratrice des nuages et de la Seine, je me promenais nez au vent.

 

                Les églises parisiennes se prêtent volontiers au flâneur qui aime venir y re-poser son attention sur plus grand que lui. Alors, parcourant la nef d’un pas décidé, admirant au passage le jeu de lumières des vitraux, je me posai dans une petite chapelle que j’aime bien, sac plein de bouquins et de notes éparses à mes pieds, le regard se fermant alors pour s’ouvrir autrement. Pourquoi, comment, paroles ? Qu’importe, c’est une histoire de cœur à cœur et de logoi à Logos.

 

Alors que je m’acheminais vers la sortie tranquillement, on m’appela. Je me retournai et vis un homme, sale et pouilleux, visiblement très malheureux. Je vins m’asseoir près de lui. Premières paroles rudes, frustres, basses, où le désir d’une chair féminine, qui lui manquait, avait sa place… que je remis à la place qui devait être la sienne, calmement mais fermement. Alors, il se mit à parler, d’une voix d’abord geignarde, hachée, accusant le monde de ses maux, en quelques mots. La malchance, la fatalité, un complot ? La voix devenait de plus en plus assurée, cherchant simplement à dire son désespoir, à l’exprimer dans une parole qu’on lui refusait généralement. Je ne faisais qu’être là et écouter, témoin de ce petit logos qui grandissait, se dilatait et éclatait maintenant en des phrases qui ne s’arrêtaient plus. Touchée, profondément remuée, je lui parlai peu : c’était l’écoute qu’il attendait. Pas un jugement, pas un conseil.

 

                Je lui abandonnai ma main quand nous nous quittâmes. Il y déposa, à ma grande surprise, un baisemain digne du plus parfait gentleman.

 

               Comme si accéder à la Parole permettait de faire grandir son Humanité.

 

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