Zabou the terrible

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Salle d'attente

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Une grande clinique parisienne, département radiologie.

Je m’assieds, prends mon livre, lis quelques lignes, le repose et lève les yeux : beaucoup de monde, un superbe échantillon de la plus belle des humanités. Je souris et contemple ce qui s’offre à mes yeux.

Tous marqués par l’attente, cela se voit, cela se sent.

Il y a là la celle au ventre arrondi attendant son échographie, joyeuse, heureuse : même silencieuse, sa joie de future mère transpire par tous les pores de sa peau. Doublement vigilante dans l’attente, elle fait plaisir à voir par le rayon de soleil qu’elle offre en ce lieu étrange.

Etrange, oui, sordide aussi, parce qu’il y a aussi là des tristes, des blessés qui n’arrivent pas à être tranquilles. Ils ont sans doute leurs raisons d’être inquiets de ce qui n’est qu’un banal examen, au pire faisant « mal-mais-pas-trop ». Là, c’est leur anxiété qu’ils ne parviennent pas à cacher, trahissant une peur contagieuse qui a plus que droit de cité dans l’endroit.

Enfin, il y a là une petite fille, jouant à la DS, s’éclatant un max sur Mario, je pense, vu le bruit. Elle n’est pas seule : à côté, il y son papa. Il se ronge les poings, se faisant un sang d’encre. Il y a là une souffrance dont je ne connais pas la source mais elle n’est que trop visible dans cet amour paternel. Il est comme un lion à qui l’on aurait passé une camisole, n’osant rugir son chagrin à la face du monde. Je ne sais pourquoi mais j’avais envie de pleurer en les regardant. Et non pas parce que Barbey a dit, un jour, que les pleurs étaient faits pour orner les yeux de la femme mais parce que la scène était douce, touchante mais sombre par les gros nuages gris qui s’accumulaient au-dessus de leurs deux têtes si belles. A en chialer comme une gosse, rageuse de son impuissance.

Quelques autres personnes étaient là, trop perdues dans leur lecture pour que j’arrive à savoir quelque chose d’elles : peut-être blasées ? Mais, elles aussi, elles attendent. Tous, on attend d’être appelés par notre nom.

Et moi ? Moi, je viens ici pour continuer à apprendre mon humanité, section confiance, leçon « j’apprends à être blessée ». A accepter de me dessaisir de la maîtrise d’une partie de mon quotidien. A accepter que mon pas si sûr de lui –paraît-il !- cède la place à un pas boiteux, hésitant, paresseux… même souffrant, en fait, disons-le clairement. Les escaliers deviennent autant d’épreuves mais il importe peu : ce que je ne puis oublier, c’est cette salle d’attente.

Pour moi, ce sera une affaire de jours, pour certains d’entre eux, non.

C’est avec ces images, ces humains, que je prie ce soir. C’est avec mon corps endolori, aussi, comme une sorte de communion. Pour eux, pour tous ces blessés de la terre, peuple de Blessés, d’Ecorchés, de Souffrants ! Une face du Visage du Christ que l’on n’aime pas voir, que l’on préfère cacher, camoufler sous de stupides oripeaux parce qu’elle fait peur, que c’est plus confortable ainsi alors qu’elle est autant Christ que les autres ! Christ Amour qui ne l’a pas dédaignée !

Christ aimant, donc Christ souffrant qui nous rejoint encore -aujourd'hui, à chaque instant !- dans cette énigme sans fin qui a pour nom souffrance.

 

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