Zabou the terrible

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Un homme

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Préparant mes séances de tutorat de la semaine, je relis la sacro-sainte fiche que j’ai demandé à chacun de remplir, histoire d’un peu mieux les connaître que sous leur simple « matricule d’étudiant » dont ils paraphent la feuille d’assiduité et que j’abhorre cordialement.


Il y a sur cette fiche leur état-civil, un moyen de les joindre, leurs études en cours, les difficultés qu’ils cherchent à corriger en venant ici et quelques lignes devant répondre à la question « un livre que j’apprécie et pourquoi ». Quelques lignes, histoire de voir où ils en sont côté orthographe et côté argumentation, en m’efforçant de ne pas me crisper au vu de certains livres choisis.

 

Et là, je retombe sur celle-ci, si vide. Je marque un arrêt… je ferme les yeux et je le revois, lui.

 

Je fus surprise quand il rentra dans la salle, la semaine dernière, l’ayant déjà croisé dans les couloirs à plusieurs reprises et le supposant appariteur. Il le fut tout autant par ma jeunesse : « Vous… tutrice ? ». Oui, tutrice, c’est ce que je suis paraît-il, la forme féminine de cet objet qui permet aux jeunes pousses de grandir solidement et de s’envoler ensuite vers de plus grandes hauteurs : un chouette rôle, que j’apprécie même si je ne me sens pas souvent à la hauteur, justement. Mais lui, qui était-il ?

 

Comme les autres, il reçut la fiche et, excepté son prénom et son nom, il ne remplissait rien, l’air embarrassé, ce qui me fit venir à ses côtés. D’une voix hésitante, il se lança : « Je ne fais pas d’études, je travaille ici ».

- Soyez le bienvenu ici de toute façon !

Et la discussion s’engagea, en quelques mots simples, avant d’en venir à un mot : Tchétchénie… le nœud du problème, qui expliquait tout. Pas besoin de beaucoup de paroles supplémentaires. Mais, à la fin, un vœu déterminé, prononcé mieux que tout le reste : « je suis ici, je travaille ici, je veux apprendre le français ».

 

Je ne sais pas ce que cela donnera et encore moins ce que je pourrai faire pour lui. Mais sa démarche porte le nom de courage et j’eus la sensation fugace que, ce jour-là, j’avais en face de moi un Homme, un vrai.

Commentaires

1. Le lundi, octobre 19 2009, 08:48 par Anne-Claire

Hop, un de plus sur ta route...et qui a cette chance de croiser ton chemin. Et à mon avis, tu vas donner autant que recevoir, non ?...

2. Le lundi, octobre 19 2009, 09:31 par Edmond Prochain

<ton faussement offusqué> Les faux te remercient ! </ton faussement offusqué>

Bon, sérieusement, c'est une belle histoire. Je pensais vraiment que ça allait prendre une autre direction (à partir d'un livre choisi, par exemple), alors je suis d'autant plus agréablement surpris.
En tout cas, je note cette question dans la fiche de présentation. Je trouve qu'elle est drôlement pertinente, et même probablement très révélatrice du caractère de celui qui y répond.

3. Le lundi, octobre 19 2009, 09:37 par Hervé

A mon avis, cet homme a eu la chance de tomber sur toi : un autre tuteur aurait peut-être refusé de l'aider, sous prétexte qu'il n'avait pas de "matricule étudiant". Comme le dit Anne-Claire, vous aurez sûrement des choses à vous apprendre l'un comme l'autre !

ça me fait penser à une rencontre, il y a 2 semaines. Je vais chaque lundi soir rendre visite à des personnes de la rue et parmi un groupe de sans-abris, nous avons croisé un Letton (qui n'est plus à la rue, mais rendait visite à ses amis) qui nous a dit que pour pouvoir aider ses enfants -l'aînée va bientôt en maternelle- il aimerait approfondir sa connaissance du français en Sorbonne. ça nous a paru chouette, même si ce sera sûrement compliqué (je pense que les Cours Municipaux d'Adultes sont + accessibles qu'une formation universitaire, mais peut-être que pour lui, la Sorbonne, c'est le lieu de la Culture..). Ce fut une belle rencontre, car on ne croise pas souvent des hommes comme celui-ci dans nos rues du XVème arrondissement.

4. Le lundi, octobre 19 2009, 16:25 par Maggy

:-) Génial !! Tu m'étonnes qu'il lui a fallu du courage ! Go go go ! :-)

5. Le mardi, octobre 20 2009, 21:41 par inci

C'est amusant que tu parles de ces questionnaires. Personnellement, je les ai toujours bien aimés, surtout quand ils comportaient une question "pas comme les autres". Et en terminale, je me souviendrai toujours de ma prof de philo qui nous avait demandé tout d'abord l'éternel "quel métier voulez-vous faire plus tard?" et après un saugrenu mais passionnant "que voulez-vous devenir plus tard?" ^^
Sinon, question stupide, tes cours de tutorat, tu les donnes où?

6. Le mardi, octobre 20 2009, 23:15 par Zabou

@ Anne-Claire : bien plus en fait... Il était là, encore hier, et, suivant mon conseil, accompagné d'un lourd dictionnaire.

@ tous : oui, c'est une belle histoire. Et je m'aperçois de plus en plus combien l'enseignement me botte parce qu'il est plein de ces rencontres de rien qui lui donnent toutes sa force justement (hier soir, encore, des pépites de vie splendides), malgré la lourdeur et les difficultés.

@ Hervé : je crois que les cours sont adaptés... mais je n'ai pas testé !

@ inci : à Malesherbes ! Tu veux venir ? ;-) Si t'es dans le coin par hasard un de ces jours pour se prendre un café, voilà les horaires où j'y suis : http://www.paris-sorbonne.fr/fr/IMG/pdf/AfficheTutFRL1L2S12009-2010.pdf puisque tu connais mon nom, tu devrais t'en sortir ;-)

7. Le jeudi, novembre 12 2009, 00:39 par Caribou

J'espère qu'il s'en sort bien. Bon courage à tous les deux.

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