Zabou the terrible

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Un roman français - Beigbeder

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Ce qui est bien, avec Noël, c’est qu’on a reçoit parfois des trucs qu’on n’aurait pas achetés soi-même. I. e., en l’occurrence, Un roman français, le dernier Frédéric Beigbeder, et accessoirement prix Renaudot de l’année. On me cultive en contemporain, soit, bonne idée, d’autant plus que j’ai déjà lu trois autres livres de cet auteur.

 

Lisons donc…Achever cette lecture un dimanche de la Sainte Famille… triste ironie. J’hésite entre le conchier et l’encenser, est-ce normal ?

 

Frédéric Beigbeder, drogué malmené, hédoniste sans pitié, passe à confesse. Il ne le fait pas sans son lustre habituel mais la vox populi le dit bien « tout ce qui brille n’est pas d’or »

 

Mais enfin, voilà, j’ai envie de le conchier parce qu’il y a écrit sur la première page « roman », parce que ce livre au reçu un prix  littéraire, parce que ce livre veut être de la littérature. Et que ce livre ne correspond pas à l’idée que je me fais de la littérature, à l’idée que je me fais d’un roman. Je suis sans doute (certainement) snob, mes études me donnent des habitudes d’exigence et j’aime de surcroît, personnellement, les livres qui me résistent, au moins un peu, et non pas ceux qui s’offrent déjà dénudés, impudiques, à un premier regard.

 

Et le dernier Beigbeder est ainsi. Il tente d’enrober d’une surface littéraire – creuse – un fond, un témoignage, une douleur, un vécu… qui, lui, est intéressant. Les fissures profondes et ordinaires d’un gosse de divorcés. Il est des pages qui ne pourraient être écrites par quelqu’un qui n’aurait pas connu certains événements et qui ne résonnent sans doute que dans le cœur d’autres gosses de divorcés de milieu assez aisé. Il est des phrases intelligentes qui sonnent comme des sentences, sans illusions sur un présent douteux. Et c'est réussi, et c'est juste.

 

Mais il n’est pas nécessaire d’enrober tout cela de cette amère ironie qui ne trompe personne, de ces phrases si peu élégantes pour faire le gars cool. Beigbeder sait analyser une facette du mal-être de notre civilisation souvent individualiste, il sait le dire ce malaise, mais à la façon d’un témoignage, pas d’un roman… Et peut-être est-ce finalement l’élément le plus symptomatique de tout cela que ce livre ait reçu un prix "littéraire" alors... qu'il ne l'était pas ?

 

Commentaires

1. Le mardi, décembre 29 2009, 16:38 par Isabelle

Je n'ai lu qu'un ouvrage de cet auteur, ce qui m'a définitivement ôté l'envie d'en lire d'autres... Il fut un temps où j'allais jusqu'à quatre livres pour me faire une idée d'un écrivain. Je n'ai plus la patience nécessaire et, parfois, vais même jusqu'à ne pas finir certains livres!

2. Le mercredi, décembre 30 2009, 15:20 par Zabou

@ Isabelle : j'ai encore le courage (à moins que ce ne soit le vice ?) d'aller (ou au moins de tenter) d'aller jusqu'au bout. Mais j'ignore pour combien de temps ;)

3. Le mercredi, décembre 30 2009, 18:36 par solko

Ce qui est spectaculaire et aussi attristant, c'est que la personne qui vous l'a offert (de bonne foi et sans doute en pensant vous faire plaisir) a choisi précisément cela (elle aurait pu aussi prendre ndyaye, au hasard) et pas, par exemple, le "zozo" de notre ami bertrand redonnet. C'est cela qui ne va pas dans cette culture de masses et ce n'est pas du tout snob de le dénoncer, mais très charitable, très chrétien, bien au contraire, je vous assure !
Un livre qui ne résiste pas n'est pas littéraire. On le détruit par l'usage (sens de "consommer"). C'est un produit. Rien d'autre. On peut aimer le ketchup et, quand même, le distinguer d'une sauce tomate fait maison. Encore une fois, c'est vous qui avez raison, pas ceux qui vous traitent de snob.
Bon allez, j'arrête là et vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'années. Beig..., quand vous l'aurez fini,vous pourrez toujours emballer le poisson avec (ou tout autre usage privé...)

4. Le mercredi, décembre 30 2009, 22:55 par Zabou

@ Solko : l'accusation de snobisme est devenue une constante... Cela ne me dérange pas en soi, c'est peut-être vrai qu'il est "snob" de ne guère se faire thuriféraire des admirations communes ! Ce qui me semble dommageable, même si je m'en amuse, c'est que ce genre d'accusations arrive quand l'on cherche à se bâtir une culture littéraire solide et personnelle, ce qui ne me semble déjà pas si facile. Former son goût et sa plume au contact des Grands, je ne connais rien de mieux mais cela n'est pas vraiment à la mode ! 

L'enjeu est alors de continuer tout en adoptant une attitude de justesse vis-à-vis des personnes qui lancent le grand mot de "snob". En écoutant, en lisant même parfois, en répondant sans s'enfermer dans les grands mots savants qui cataloguent immédiatement. Pour conserver une possibilité d'échange, même ténue, autour de la littérature.

Sinon votre comparaison avec la sauce tomate est tout simplement... délicieuse ! Je ne vais pas dire qu'elle est à consommer sans modération mais elle est très bien vue.

Bonnes fêtes de fin d'année à vous encore une fois !

P.S. : rassurez-vous, j'ai aussi eu le Ndiaye, parce que Renaudot ne va pas sans Goncourt ;)

5. Le jeudi, décembre 31 2009, 09:04 par Isabelle

Ah, la sauce tomate maison!...

6. Le dimanche, janvier 10 2010, 19:21 par Philarète

C'est drôle, j'ai lu le "roman" français, et même je l'ai terminé aux petites heures du premier janvier, après la fête. J'ai failli écrire dessus en retenant l'option "encenser", ou du moins résister à la tentation d'en dire du mal. Parce qu'il y a autre chose dedans que les angoisses d'un gosse de divorcé qui est en même temps un gosse de riche (et ça fait deux gros handicaps dans la vie, handicaps dont Beigbeder prouve une fois de plus qu'on peut les retourner en avantage lucratif).

Il y a aussi cette quête pathétique de la mémoire et cette obsession — très contemporaine, mais non moins significative pour autant — de la transmission: génération issue de la génération qui a refusé de transmettre (68…), et qui se retrouve à quarante ans en train de se demander ce qu'elle va transmettre à ses propres gosses — à part le divorce et l'aisance matérielle. Le dernier chapitre est tout de même assez réussi, dans le genre. Avez-vous remarqué que la génération qui loupe systématiquement ses rapports de couple se raccroche désespérément aux rapports de filiation — ceux qui, inscrits dans la chair, sont de même plus difficiles à effacer…?

Cela dit, d'accord aussi pour conchier. Beig a du talent, mais si peu de profondeur… Son style fait penser, quand il est inspiré, à Nimier, mais sans sa qualité intime de vrai pathétique, et sans les calembours. Le reste du temps, il fait penser à d'Ormesson.

7. Le mardi, janvier 12 2010, 22:01 par Zabou

@ Philarète : bienvenue ici  (ce qui me donne l'occasion de découvrir au passage votre très intéressant blogue : merci !!!)

Le problème du "fond" de ce Beigbeder, c'est qu'il est trop proche de moi sur certains points, ce qui me donne moins d'objectivité que d'habitude pour juger clairement... mais ce fichu caractère "je fais de la littérature, moâ, un vrai roman, moâ, j'ai des problèmes, moâ" m'escagasse sérieusement. Ceci étant, oui, je suis d'accord, le dernier chapitre (et notamment l'histoire des ricochets !!!) n'est pas mal.

Sur le côté sociologique de la chose, vous avez sans doute raison mais je me demande si ce rapport ne s'estompe pas également, un peu, dans les générations suivantes.

Enfin, concernant son style, j'aurais du mal à le comparer à Nimier tant ce dernier est doué d'une véritable élégance dans son impertinence profondément amorale. Ses phrases semblent autant de saillies spirituelles tandis que je ne dirais pas cela d'un Beigbeder !

8. Le mercredi, janvier 13 2010, 18:07 par Philarète

En fait, c'est le problème de ce livre: il y a deux, trois bonnes idées. Le reste est quelconque. Ce garçon a trop de facilités, en fait, et sans un gros travail, les facilités, c'est mauvais pour la littérature… Difficile d'imaginer que Beig puisse faire une œuvre en menant la vie qu'il mène, non?

J'ai dit "Nimier", c'est juste parce que pour le style, Beigbeder me semble se calquer sur le style "hussards". Mais ses formules tombent à plat 8 fois sur 10. Il y a une belle phrase vers la fin (je n'ai pas le livre sous la main), où il dit en gros que dans sa famille "on se bat pour vous mais nous ne sommes pas des vôtres". J'ai trouvé cela bien exprimé. Il y a des éclairs, quoi.

Reste que le "moâ, moâ, moâ", évidemment, ça lasse vite. Il ne faut pas lire ça comme un "roman", au fond, mais comme un document sociologique.

9. Le dimanche, janvier 17 2010, 15:52 par Zabou

Quelques "éclats" dans la masse de pierre brute, certes.
Qui sait, peut-être, un jour, parviendront-ils à faire exploser cette informité de l'intérieur ?

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