Zabou the terrible

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Bris de glace

On peut suivre via Facebook aussi !

 

J’ai beaucoup apprécié ce récent billet de David, De perfectione, malgré sa presque trop grande densité : je crois connaître suffisamment son auteur pour subodorer qu’il ne s’attachait pas y à montrer l’antagonisme de deux figures de prêtres – inexistantes – mais tentait de dire un « au-delà » finalement pas si lointain : une fragilité proche, une humanité toute proche même.

 

Son billet m’a donné encore plus envie de continuer, comme à peu près tous les soir, à prier pour les prêtres de ma paroisse, ainsi que pour tous ceux que j’ai la joie de connaître : pour ce qu’ils sont. Ni vraiment type 1, ni vraiment type 2 : plutôt des types de Dieu, des hommes donnés non en héros mais en tant qu’hommes.

 

Ce que j’ai aussi apprécié, comme simple laïque, c’est particulièrement cette attention prêtée à la fragilité, qui ne les concerne pas qu’eux mais qui nous concerne tous.

 

Je vous le confesse : j’ai longtemps cru qu’il fallait être forte pour être croyante. Pas à se la raconter non, pas à être dans un catholicisme aussi triomphal que triomphant non plus, mais forte dans le genre cuirassée solidement : le croyant, pour moi, c’était inconsciemment celui qui avait réussi à se blinder contre ses passions démesurées, qui savait tenir bon dans les pires difficultés sans rien lâcher – même le coin d’une larme – : une personne forte, stoïque, droite dans ses bottes.

 

Je me savais loin de cette perfection formelle : cela m’attristait souvent et j’avais tendance à me barricader contre ce qui risquait de m’atteindre trop fortement. Je croyais au Christ de tout mon être et, pour L’annoncer, il me semblait que je n’avais pas le droit d’être faible.

 

Je me rappellerai longtemps de ce jour en bords de Loire, il y a quelques années, où je marchais à côté de ce moine qui est tout particulièrement mon père, mon frère aîné dans la Foi : cheminement tant physique que spirituel pour cette occasion, dans le vent violent d’un mois de mars glacial.

 

Nous parlions de choses et d’autres : de foi surtout, mais de crues de la Loire aussi, et puis bien sûr de ma vie. Quand soudain, il se mit à prononcer quelques paroles qui restèrent gravées en moi : il s’agissait d’Amour de Dieu qui précédait toutes nos démarches, toutes nos belles avancées morales également et d’une différence essentielle que je n’avais jamais perçue. Entre perfection et sainteté s’ouvrait désormais pour moi un fossé.

 

Je compris soudain, malgré la faiblesse de la rime, que sainteté rimait avec humanité. Qu’étant si follement aimée dans tout ce que j’étais, c’était aussi avec tout ce que j’étais que je pouvais et devais aimer, et même avec toute ma faiblesse, avec toute ma tendresse, avec toute ma fragilité : pas d’autre chemin, pas d’autre possibilité. Nous étions en plein hiver : si j’avais les joues humides, ce jour-là, ce n’était pas qu’à cause de la pluie.

 

J’ai alors commencé à apprendre. Il m’a fallu me désarmer contre mes rêves les plus stoïques, il m’a fallu apprendre à oser être faible pour me donner. Il me faut toujours lutter contre la tentation de la glace et de la dureté ; et accepter d’offrir mon visage le plus doux, le plus tendre, celui qui est vraiment mien, celui qui pourra être si facilement giflé et écorché par un autre.

 

Apprendre cette fragilité, cette faiblesse nécessaire pour dire « je t’aime ». Que l’on adresse ce « je t’aime » à Dieu ou à l’un de nos frères, c’est pareil : il est toujours inévitablement fragilité dans son ouverture à l’inconnu. Vivre en restant fragile, certains que « l’Amour sait tout vaincre, tout croire, tout espérer, et tout souffrir ». Vivre en restant fragile, en tant qu’humains, tout simplement.

 

Commentaires

1. Le dimanche, janvier 9 2011, 09:24 par Zabou

La dernière citation est un extrait d'une réécriture par Racine du chapitre XIII de l'épître de Paul aux Corinthiens. 

2. Le dimanche, janvier 9 2011, 09:48 par Baroque

Vivre en acceptant que l'amour de Dieu (ou l'amour humain) soit premier, inconditionnel, et se résoudre à l'abandon qui permet de l'accueillir vraiment, c'est une lutte incessante... mais il n'y a pas d'autre chemin pour aimer vraiment ! Bon, ce qui n'est pas mal, c'est qu'on y trouve des joies incomparables.

Finalement, c'est toujours ce fichu orgueil mal placé qui nous amène à poser la question "Mais comment peux-tu m'aimer tel que je suis?". Mais comme ni Dieu ni la personne aimée/aimante ne peuvent répondre à cette question... il faut bien se laisser aimer. Et se rendre compte après coup que c'est sans doute le seul moyen pour dépasser notre médiocrité, sortir de nous-mêmes et de notre péché. Merci pour ce billet !

3. Le dimanche, janvier 9 2011, 11:42 par Incarnare

Merci pour ce billet ! J'ai joint en trackback un billet (ancien) où j'évoquais cette différence entre perfection et sainteté (plus sous l'angle des attentes des non-cathos par rapport aux cathos)

4. Le dimanche, janvier 9 2011, 13:43 par Procedamus

Très beau billet qui fait l'éloge de la faiblesse. La sainteté consiste en définitive à avoir l'humilité de reconnaître son imperfection, son état de créature en chemin (in via). Chemin sur lequel il faut certes faire de son mieux, mais surtout apprendre à se laisser guider par Celui qui est. Et rassurons-nous, il nous connaît mieux que nous nous connaissons.
Ainsi, saint François de Sales écrivait à Madame Bourgeois : Non, non, Dieu n'est pas si terrible à ceux qu'il aime. Il se contente de peu, car il sait bien que nous n'avons pas beaucoup.

5. Le dimanche, janvier 9 2011, 14:20 par Corine

Merci Zabou! Lorsque j'étais enfant, j'ai vécu entourée de beaucoup de religieuses: dans ma famille, à l'école...Elles me paraissaient PARFAITES, elles l'étaient dans ce qu'elles me renvoyaient. Plus tard, elles m'ont tenu les mêmes paroles...Oui, Dieu nous aimait avec nos faiblesses, nos fragilités, notre humanité.
Merci encore de nous redire tout cela, avec tes beaux mots.

6. Le dimanche, janvier 9 2011, 22:05 par Tigreek

Ton billet me fait penser à Paul et son "lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort" (2 Corinthiens 12, 10).

Dire oui à Dieu, c'est pas seulement quand tout va bien, ou au contraire en guise d'assurance-vie... C'est tout le temps ! Pas facile... Et c'est quand on se réfugie en Lui, dans nos faiblesses, que Sa grâce est la plus visible, à mon sens... et "c'est alors que je suis fort" :)

7. Le lundi, janvier 10 2011, 10:46 par nicolas

C'est parfois fatigant de devoir être fort comme le monde voudrait que l'on soit fort alors que ce n'est souvent qu'une forme de violence. La faiblesse ne doit pas être une excuse pour refuser le combat mais, simplement, l'abandon de notre orgueil pour accepter de donner ce que nous avons à offrir.
(écouter Bach méditer l'épiphanie : http://thomasmore.tumblr.com/post/2...).
Pour être franc, j'en suis très loin...

8. Le mercredi, janvier 12 2011, 20:49 par Zabou

@ tous : Il est beau de voir que nous sommes tant de faibles... en puissance :)

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

1. Le dimanche, janvier 9 2011, 11:39 par Théologie du Corps

La perfection et la sainteté

Le battage médiatique autour de la proclamation des vertus héroïques de Pie XII et la controverse autour de sa possible béatification révèle un contre-sens total de notre société par rapport &agra...

URL de rétrolien : http://www.zabou-the-terrible.fr/trackback/1056

Fil des commentaires de ce billet