Zabou the terrible

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Ecrire, un tison ardent sur la langue

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« Ainsi, avec tout le passé et tout le présent qui affluent en moi, je roule mes flots de la montagne à la mer lointaine.

 

En moi ? Non. Dieu est mon seigneur. Une foule de satellites tournent autour de moi mais moi et les miens nous tournons autour de la grande Vérité centrale, solaire, immuable et lumineuse à jamais dans un firmament que rien ne contient.

 

Le tison ardent est sur ma langue. […]

 

Tandis que j’écris, je pâlis, je tressaille au grincement de ma plume, ma couvée d’aigles fous me dévore et je voudrais renier mon audace ; mais un gantelet de fer serre ma main dans un étau et trace chaque lettre malgré moi. Je voudrais jeter bas ce Dionysos qui chevauche mes reins ; mes pensées m’écrasent et je gémis. Des champs lointains m’arrive la chanson du moissonneur tandis que je défaille, prisonnier dans cette cellule. La fièvre court en moi comme une lave. »

 

Herman Melville, Mardi

 

Commentaires

1. Le samedi, août 6 2011, 23:20 par Lionel

... bien sûr on aimerait lire ce qu'il y a entre les crochets après le "tison ardent est sur ma langue"... car c'est aussi fort que le sermon qui débute Moby Dick, à moinss que je ne me trompe de film !

Oui, la Normandie est propice à l'écriture et aux sombres écrivains, dont un bon nombre sont mes préférés, tout comme la Bretagne est la providence des poètes fous, préférés aussi, les Normands ne sont raisonnables qu'en apparence, tout comme les Bretons ne sont fous qu'en apparence, ce sont derrière les apparences que l'on va à l'essentiel.

Personne ne répondra au tison ardent sur la langue parce que personne n'y comprend rien, moi non plus, ça ne fait rien.

2. Le jeudi, janvier 12 2012, 22:27 par Lionel

Pendant cette période de ténèbres, Achab, bien qu'assurant le commandement sur le pont glissant et dangereux montra une ombrageuse réserve, adressant moins que jamais la parole à ses seconds. Par de pareilles tempêtes, lorsque tout est assuré tant sur le pont que dans la mâture, il n’y a plus rien à faire qu’à attendre qu’elles passent. Le capitaine et son équipage devenaient fatalistes. De sorte que, sa jambe d’ivoire fixée dans son trou de tarière comme à l’accoutumée, une main agrippée à un hauban pendant des heures et des heures, Achab se tenait debout, le regard au vent, tandis que, parfois, une rafale de neige fondue soudait de gel ses cils. Pendant ce temps, les hommes chassés du gaillard d’avant par les paquets de mer qui passaient par-dessus les pavois, s’alignaient le long du bastingage de la coursive et pour se mieux protéger des lames ils s’assuraient dans des boulines fixées aux râteliers des haubans qui leur faisaient une ceinture lâche. On ne disait mot ou presque et le navire réduit au silence, comme s’il était monté par des matelots de cire peinte, s’arrachait, jour après jour, à la folie et à la joie démoniaque des vagues.

La nuit, les hommes opposaient un mutisme pareil aux cris aigus de l’Océan ; taciturnes, ils étaient bercés dans leurs boulines et sans mot dire, Achab faisait front au vent. Même lorsque la nature semblait réclamer une trêve, il n’allait pas chercher le repos de son hamac. Jamais Starbuck n’oublierait l’aspect du vieil homme, lorsqu’il descendit une nuit dans la cabine pour regarder le baromètre, et le vit assis tout droit sur sa chaise rivée au plancher, les yeux fermés, son chapeau et son caban qu’il n’avait pas ôtés dégouttant d’eau et de neige fondue ; sur la table, près de lui, le rouleau d'une carte des courants et marées dont nous avons parlé. Dans sa main crispée, son fanal se balançait. Bien qu'il fût assis avec raideur, sa tête était rejetée en arrière de sorte que ses yeux clos étaient dirigés vers l'aiguille de l'axiomètre pendu au plafond.
" Terrible vieil homme ! pensa Starbuck en frissonnant, tu dors dans la tempête et pourtant ton regard reste implacablement fixé sur ton but !"

Herman Melville, Moby Dick

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