Zabou the terrible

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Une vieille

On peut suivre via Facebook aussi !

 

Depuis ma plus tendre enfance, j’ai un amour marqué pour ceux que l’on appelle parfois pudiquement les Anciens – pas seulement de l’Antiquité. J’estime leur âge, leur expérience et cette forme de sagesse qui est souvent la leur, portant un regard devenu affiné par les années sur le monde et sur la vie. J’aime ces rides et ces regards qui disent une histoire, qui révèlent un être… J’aime vraiment les regarder, emplie de respect pour ces années qu’ils ont traversées, comme ils ont pu, le mieux qu’ils ont pu.

 

J’aime les retrouver à une messe, dominicale ou de semaine, souriant à ma jeunesse leur répondant parfois avec trop d’exaltation ; ou au détour d’une rue, faisant leur marché autant que leur provisions des derniers potins du quartier. Avec amusement, avec tendresse.

 

 

Parmi ceux-là, il y a elle. Elle avec qui j’ai une relation assez particulière, assez forte tant elle joua un rôle fort dans ma vie, assez unique en fait.

 

Elle, elle ne s’en laisse pas compter ; elle n’a pas sa langue dans sa poche. Quand elle gueule, elle gueule. Quand elle a un truc à vous dire, elle vous le balance dans la figure. Elle, c’est aussi un phénomène de Charité. Discret, tout caché mais dans le genre de la Charité qui brûle pour de vrai.

 

Elle, ça fait bien 15 ans qu’elle nous répète « je suis vieille ». Avec les années, bien sûr, cela commence à devenir vrai. Mais elle, elle trotte partout, poussée par ce feu intérieur, rendant des services à une multitude de personnes, parfois plus jeunes qu’elle. Comme elle dit : « ce sont mes vieilles. »

 

On a déjeuné ensemble récemment mais je l’ai surtout croisée dans la rue il y a quelques jours. Les circonstances familiales n’aidant pas cette veuve, elle est de plus en plus seule. Oh, bien sûr, elle voit plein de monde chaque jour mais qui voit-elle vraiment pour elle ? Qui voit-elle pour partager ensemble un petit rien ? Pas grand monde… Nous évoquions alors quelques visages connus tout en faisant un bout de chemin ensemble et là elle s’arrêta à un nom et me dit : « Ah lui, il est tellement gentil : il est parti mais dès qu’il est de retour ici, il vient me dire bonjour ! ».

 

J’ai profondément été frappée par cette remarque qui lui tenait à cœur vu la vivacité avec laquelle elle la faisait : un « bonjour », ce n’est rien pour celui qui le donne, mais qui en sait le prix pour celui qui le reçoit ?

 

Il n’y a pas de morale à cet apologue vécu, qui n’en est pas un…

 

Mais une invitation à notre attention envers ces aînés qui nous précèdent ; envers ces « vieux » que l’on cache pudiquement sous d’autres termes comme pour atténuer leur présence différente, parfois physiquement diminuée, mais réelle et bien humaine. Ils sont nos frères et nos sœurs, à plein.

 

Et moi, les considère-je tous – et non pas seulement elle qui est une amie – comme tels ? Moi qui cours si souvent pour attraper mon train, pour être à l’heure chez un tel ; qui marche si vite au quotidien qu’on croit que je cours, prise dans le tourbillon incessant des choses à faire ; qui marche le nez sur mon iphone ou dans un bouquin, en quête de la dernière information qui pourrait très bien attendre cinq minutes ? La réponse n’est pas forcément à mon honneur…

 

Merci. 

Invitation réelle, oui…

A redonner sens à mes bonjours furtifs ;

A savoir les éclairer d’un sourire vrai, d’un regard en face ;

A l’agrémenter d’une question, et à en attendre la réponse, même lente, dans l'écoute vraie.

 

Simple invitation à savoir ralentir le pas pressé du quotidien pour apprécier la marche du temps et, pourquoi pas, parfois, à rater mon train.

 

Commentaires

1. Le mercredi, octobre 5 2011, 08:00 par Corine

:-)

2. Le mercredi, octobre 5 2011, 08:15 par Tigreek

Ca marche pour les vieux (bienheureuses petites vieilles dont je vois le visage s'éclairer quand je croise leur regard au culte le dimanche), et ça marche aussi pour les autres "petits" : je ne compte plus les regards étonnés, lorsque je mets un genou à terre pour dire bonjour au mendiant, ou que je salue la femme de ménage en entrant au bureau...

3. Le mercredi, octobre 5 2011, 10:18 par Anne-Claire

Joli billet...
J'en croise tous les jours dans mon bureau du matin ! Hier encore, on l'a laissée dans la salle d'attente, oubliée par sa fille sans doute occupée par ailleurs à des choses bien plus importantes que sa maman. Elle a préféré attendre, refusant que je la raccompagne. Résignée, deux heures plus tard, je la déposais en bas de chez elle, elle a eu le temps de me dire sa solitude, sa vieillesse, sa fille qui ne vient pas assez la voir mais aussi sa joie de se lever encore chaque nouveau matin que Dieu lui donne à vivre...
Merci Zabou pour ce billet.

4. Le mercredi, octobre 5 2011, 11:24 par Nitt

Très joli billet en effet.

C'est moi ou sur la cathosphère complète, en cet automne, après une année scolaire très chargée on est tous en train de se dire qu'il faut ralentir le rythme et réapprendre à rater le train (expression géniale, je sens que je vais te la piquer) ?

5. Le samedi, octobre 8 2011, 22:41 par Zabou

:-)

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.zabou-the-terrible.fr/trackback/1164

Fil des commentaires de ce billet