Zabou the terrible

Nuit.

L’heure tourne, les paupières se font pesantes, la lecture difficile : chaque phrase s’allonge dans le temps et aurait presque tendance à s’étirer indéfiniment…

J’ai encore une masse de travail,

Des trucs de prévus pas faits,

Des devoirs entamés pas terminés,

Des mails en retard,

Des personnes à rappeler pas rappelées…

Mais je suis fatiguée : j’ai vraiment passé la majeure partie de ma journée à travailler.

Vous savez, c’est cette fatigue « heureuse » du travail qui a avancé, cette vraie fatigue du corps qui a accompli sa tâche ;

Pas bien, pas assez, mais qui a avancé : il est temps.

La fatigue me ramène à moi-même, à mes limites,

Mais, avant d’aller me coucher, elle me ramène aussi à Toi, mon Dieu : oui, il est temps.

Je pose mon stylo et viens me mettre en prière face à cette croix. D’un signe, de quelques mots qui tracent l’espace de la prière : « au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit »

Mais mes mots, au lieu de s’allonger comme les phrases difficiles à lire, se font brefs, cherchent à se poser… Ils deviennent hésitants, bafouillent là encore de fatigue, s’emmêlent des prénoms de ceux pour qui je prie d’un passage d’Evangile.

Piteuse prière en vrac que je T’offre…

Je cherche à faire silence, je cherche à écouter,

Je cherche à T’écouter dans ce silence où Tu es : je le sais, je le crois.

Mais je suis fatiguée, je n’arrive pas à me concentrer.

Ca arrive, mais là, c’est particulièrement réussi ; enfin, raté ; enfin pas vraiment mais voilà.

Distraits, mes yeux se posent sur mon chat qui dort déjà en boule au pied de mon lit. Il semble bienheureux, il semble confiant…

Presque, toutes proportions gardées, comme ces enfants qu’on voit dormir, tout abandonnés de confiance dans les bras de leurs parents. Je souris.

Mes yeux se posent sur ma bible ouverte, puis se reposent sur la croix.

Je souris encore, tends les mains, ferme déjà les yeux et commence à prier doucement, d'un tout simple mais tout essentiel « Notre Père ».