Zabou the terrible

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Rencontres au gré du Camino… et Dieu ?

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Hein ? Quoi ? Comment ? 

Je sursaute : mon réveil post-sieste vient de sonner[1] et il y a quelqu’un à 5 m de moi qui vient de me saluer. Hum mais euuuuuh… il ne faut pas me parler quand je viens de me réveiller, surtout quand on ne me parle pas en français !

 

Enfin, elle ne pouvait pas savoir et devait penser que je l’avais entendue arriver et s’installer mais qui me connaît sait combien j’ai le sommeil profond ! Bref, voilà qu’était arrivée au gîté une autre pèlerine : une Néerlandaise, H., mère de 2 enfants et qui avait visiblement envie de parler. Je l’ai laissée se présenter[2], cela me permettait de me réveiller un peu mieux.

 

Très vite, lorgnant sur la petite croix en bois autour de mon cou, elle me demande si je suis chrétienne et, sur ma réponse affirmative, m’interroge sur le pourquoi de mon pèlerinage. Normalement, cela fait partie des questions qui ne se posent pas sur le Camino ou, en tout cas, qui appellent mesure dans la question, comme dans la réponse tant les motivations sont diverses mais souvent profondes, touchant au cœur. Chacun doit pouvoir garder sa part de secret et en livrer des bribes seulement quand et comme il le désire : règle non inscrite mais très suivie du Camino qui vise simplement au respect, à l’accueil de chacun.

 

Mais elle, elle a seulement commencé sa marche aujourd’hui, elle ne connaît pas les usages… D’ailleurs, elle ne serait pas venue me parler si vite autrement sans doute !

 

Je décide de tabler avant tout sur l’aspect chrétien et d’expliquer, un peu… Ce n’est pas très facile en anglais, d’autant plus qu’elle est athée et n’a reçu aucune éducation religieuse.

 

On parle, longtemps. Après les remarques habituelles sur le catholicisme, je me fais bombarder des débats habituels puis de questions « formelles » sur  ma religion : je les fais plutôt souvent dévier sur ma foi… Mais, que dire pour être à peu près juste ?

 

Il y a une messe prévue, le soir, dans la petite église juste en face du gîte : je lui propose de m’accompagner et, à ma  surprise, elle me dit oui[3].

 

Elle se marre devant la dizaine de personnes priant le chapelet avant la messe : je tâche de lui expliquer cette prière mais il est vrai que l’allure de ces dames me fait sourire aussi…

 

La messe commence. Je n’ai pas appris l’espagnol mais la connaissance de la messe est largement suffisante pour suivre ! D’autant plus que l’espagnol n’est pas du tout une langue hermétique pour qui a fait suffisamment de latin et de linguistique.

 

C’est ce que je lui explique en sortant quand elle me demande comment je faisais pour suivre avec les gestes aux bons moments : la messe, c’est toujours pareil même si c’est à chaque fois différent. Hmm, je m’aperçois que je commence à m’embrouiller là, pourquoi donc ne parle-t-elle pas français ?

 

Et puis, soudain, elle eut cette remarque : « You’re so cute when you pray »

 

Un peu surprise, je lui demande ce qu’elle veut dire par là. Elle me dit qu’elle voyait bien que c’était important pour moi la messe, les gestes.  

 

Je n’allais pas lui dire que j’essayais d’être présente à chaque geste durant la messe - mais que j’étais bien loin d’y arriver ! - ; que chaque geste, de l’assemblée comme du prêtre, signifiait très profondément quelque chose ; que la liturgie, c’était grandiose ; que l’Eucharistie, c’était un mystère dans lequel on avait à entrer à chaque messe un peu plus… Ou même, pour être plus juste, un mystère dans lequel Dieu nous faisait entrer chaque jour un peu plus, même les jours où l’ennui venait nous étreindre, où le danger de la routine nous guette au tournant…

 

Tout cela, c’était un peu compliqué…

Je lui ai simplement répondu que, pour moi, Dieu, ce n’était pas égal à « la messe », ou simplement « quelque chose » : c’était Quelqu’un.

 

Elle a souri : « you’re a little mad, you know, but full of faith ». C’était dit avec tellement de gentillesse que ça m’a fait sourire aussi.

 

Il y a eu elle… Il y a eu A. ce Canadien qui avait tout organisé et lu même tous les bouquins pour savoir comment vivre spirituellement le Camino. Lui, je n’ai pas réussi à lui parler en profondeur, je ne savais pas comment dialoguer  tant tout était bien mis en système dans sa tête.

Il y eut B. cette Allemande protestante[4] qui m’offrit une bière en me cueillant à la sortie d’une autre messe et qui me raconta ses doutes sur sa Foi : élevée dans une famille très protestante, vivant en athée et réfléchissant à faire baptiser ses futurs enfants ; recherchant à nouveau la foi à travers toute la culture de ce Camino (… et pourquoi pas ?)

Et puis, rencontre étincelante, il y eut A. cette Suédoise protestante avec qui j’eus un superbe échange sur l’épître aux Romains qu’elle lisait lors d’un petit-déj : on s’est dit au revoir en priant ensemble d’un chant de Taizé…

 

Il y en eut d’autres, et d’autres encore : je reste marquée par chacun d’eux et, à chaque fois, par la beauté des dialogues, par la pertinence des recherches, des questions autant que la petitesse de mes réponses… J’ai beau croire, je ne suis qu’en recherche, moi aussi.

Il me faut encore grandir, en Lui, pour chercher des réponses qui L’enferment moins, des mots susceptibles d’ouvrir  à Celui qui est amour sans tomber dans la grandiloquence.

Mais ce que j’ai palpé du doigt, c’est que la belle phrase de l’apôtre « Soyez toujours prêt à rendre compte de l’espérance qui est en vous », elle était vraie, exigence venant nous surprendre n’importe quand, surtout quand on s’y attend le moins.

 

Et aussi que cette Espérance, j’avais à en témoigner, oui, à chercher à la dire en la puisant dans ma prière, mais que je la recevais aussi de ces mêmes échanges qui venait me la demander.

Et ça, c’était sacrément beau.

 

 



[1] Ben oui, sinon, je dormirais trop longtemps et serais complètement décalée ! Donc la siesta – quelle heureuse invention espagnole ! Peut-être la meilleure ! – reste très mesurée chez moi.

[2] En m’aidant de l’excellente technique de mon père spi : « quand tu rencontres une mère de famille que tu ne connais pas et que tu ne sais absolument pas de quoi lui parler, fais la parler de ses enfants, ça marche à tous les coups ! ». Euh, enfin, mères de famille amies qui me lisez, rassurez-vous, c’est sincère quand je demande des nouvelles de vos enfants : ce n’est que pour les inconnues !

[3] En route pour l’église, elle m’offre un gâteau que je refuse… Elle insiste et je me vois partie à tâcher de lui expliquer le jeûne eucharistique ! Ben c’est déjà pas forcément le truc le plus simple à expliquer en général mais face à une athée et en anglais, ça devient périlleux !

[4] qui me faisait la joie de corriger mon allemand quand je parlais ! Il n’y a pas mieux pour s’améliorer ! 

Commentaires

1. Le vendredi, août 10 2012, 23:14 par Meriem Grace

Merci pour ce beau témoignage!

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