Ouvrons la cage aux phobes
Par Zabou le lundi, août 20 2012, 15:49 - Lien permanent
Phobos, nom propre : en grec, le dieu de l’épouvante.
Phobos, nom commun : en grec, terme polysémique comme vous l’indiquera volontiers ce cher Anatole mais notamment « action de faire fuir en effarouchant », « fuite », « crainte », « frayeur », « effroi »… (et, même, je continue de citer, « crainte éprouvée par les barbares » (!!!))
Je n’ai pas pris part à tous les débats qui ont secoué les médias et, par contrecoup, la blogosphère aux alentours du 15 août (très avant, finalement peu pendant mais qui continuent après), de la prière proposée par Mgr Vingt-Trois (l’avez-vous d’ailleurs vraiment mais vraiment lue ?), par choix : pas la peine de produire de la prose supplémentaire. Mais un truc qui m’a marquée et même blessée, sur lequel j’aimerais revenir bien que cela soit assez en marge de toutes ces questions mêlées de prière, d’intervention de l’Eglise sur la scène publique ou du statut de l’homosexualité, c’est ce terme en guise d’accusation qui fleurit désormais un peu partout : « homophobie » !
Cela en deviendrait presque un nouveau point Godwin.
Traiter la personne d’en face, fût-elle catholique (ô horreur ?), d’homophobe, c’est immédiatement l’enfermer dans une posture et la disqualifier pour la conversation. Façon : « Tu as peur des homos mon coco catho, fais pas semblant de trouver des raisons, arrête donc de parler : tu penses juste avec tes réactions épidermico-papales ! »
Comme la plupart des catholiques je pense, je connais plusieurs personnes homosexuelles et ma mère invite à la maison depuis que je suis toute jeune deux homosexuels de ses amis. Une confidence : je ne me suis jamais enfuie en courant, traçant un grand signe de croix en lançant un vade retro satanas !
Comme la plupart des catholiques je pense, je connais plusieurs personnes homosexuelles et ma mère invite à la maison depuis que je suis toute jeune deux homosexuels de ses amis. Une confidence : je ne me suis jamais enfuie en courant, traçant un grand signe de croix en lançant un vade retro satanas !
Il est évident que je caricature mais cela n’en est pas moins important : le catholique lambda, espèce dont je me revendique avec fierté, n’est pas une personne vivant dans la crainte de l’autre, dans un effroi constant. Le catholique lambda, il sait que, même s’il n’est pas doué, il est aimé et qu’il est invité à aimer toujours plus et toujours mieux toute personne, en Dieu. Les homosexuels aussi, bien sûr. Donc l’homophobie, ce n’est tout simplement pas catholique.
En revanche, il convient de préciser que, quand je dis aimer, pour le catholique, ce ne sera pas du sentimentalisme, c’est un amour en Dieu, c’est un amour qui vise toujours à l’exigence pour aimer aussi parfaitement que Dieu… et, donc, il peut avoir des idées extérieurement un peu curieuses le catholique. Et il a le droit, même aimant ses frères, de donner un avis contradictoire, voire contrariant.
En revanche, il convient de préciser que, quand je dis aimer, pour le catholique, ce ne sera pas du sentimentalisme, c’est un amour en Dieu, c’est un amour qui vise toujours à l’exigence pour aimer aussi parfaitement que Dieu… et, donc, il peut avoir des idées extérieurement un peu curieuses le catholique. Et il a le droit, même aimant ses frères, de donner un avis contradictoire, voire contrariant.
Sans doute, pour nous, catholiques, beaucoup de nos pensées, de nos idées, de nos façons de vivre nous deviennent plus « logiques » si on les situe, si on les perçoit dans une perspective surnaturelle. Et elles ont de toute façon à le devenir puisque c’est en priant, en nous abreuvant à la Source, que nous deviendrons nous-mêmes plus chrétiens et donc mieux aimant. C’est d’ailleurs particulièrement indispensable pour des questions où il est si délicat de poser des mots justes.
Donc à nous aussi de ne pas balancer des arguments tout faits, des « loi naturelle » powaaaa en guise de joker imparable ou des qualificatifs amoindrissants mais de toujours plus chercher d’abord à ajuster notre pensée – ça, ça se fait par la prière d’abord, le travail de notre Foi ensuite – puis, également, cela me semble essentiel, à nous rendre audibles par chacun.
Et cela, ça doit être faisable : le christianisme est fait pour l’homme, dans une Foi où Dieu s’est fait homme.
Et cela, ça doit être faisable : le christianisme est fait pour l’homme, dans une Foi où Dieu s’est fait homme.
En ouvrant la cage aux phobes, en ouvrant la possibilité de parler et de se parler sans tomber dans de grands mots qui n’ont aucun sens sinon la force de blesser, cela crée un dialogue et le vrai dialogue, c’est certes difficile mais c’est respectueux, c’est grandissant pour chaque homme. C’est même un art d’humanité.
Commentaires
Entièrement d'accord avec toi Zabou, c'est donc dire si nous cathos nous avons un gros travail à faire !
nb : très bon cage aux phobes !!!!
Il y a un déploiement bien large de cette manière de faire : de censurer syntaxiquement l'adversaire. Il ne s'agit ni de la rhétorique - qui demande une certaine classe, ni de la sophistique - qui demande une certaine puissance intellectuelle... Il s'agit tout simplement d'une soumission à l'ordre intellectuel ambiant.
Il s'agit d'une force invisible et omniprésente qui emporte toutes les consciences et s'auto-détermine en discriminant sémantiquement et syntaxiquement l'adversaire, anihilant dès la racine toute possibilité d'ouverture dialogique.
Mais tous sont emportés. Réflechissez bien, quand vous traitez l'adversaire catho d'extremiste ou d'intégriste, de xenophobe ou d'islamophobe, vous faites le même jeu..
Merci pour l'article !
Beau texte, ça me rappelle la formule "n'ayez pas peur".
Réaction et non réponse comme d'habitude. Pour ma part je pense que quand on associe catholique et homophobe, ce sont deux caractéristiques sociales que l'on associe : on ne parle pas de la foi catholique, du croyant catholique, mais d'un groupe social, qui se distingue par un ensemble de pratiques, jugements de valeurs, traits culturels globalement partagés en son sein. Décrire ce groupe social, cela revient à lui coller une étiquette, forcément caricaturale, et qui ne correspond exactement à aucun membre de ce groupe. Là ce n'est même pas un groupe social, mais différentes caractéristiques que l'on va trouver plus largement dans un groupe se disant catholique que dans la moyenne. Le croyant catholique se doit de vivifier par sa foi sa pensée, pour ne pas tomber lui-même dans une vie stéréotypée qui le rapprocherait du profil sociologique dominant, des étiquettes qui consistent en des régularités statistiques historiquement constatées. De l'art d'être catholique, sans "être catho". Et de l'art de ne pas confondre la pratique des sciences sociales avec le fait de juger les gens en leur collant une étiquette sous prétexte qu'ils ont des traits culturels qui les rapprocherait de tel groupe. Je ne sais pas si je suis très claire, j'ai essayé, mais maintenant j'ai faim. Bizzz, et bon ap' peut-être.
La prière je l'ai entendue le 15 août à Notre Dame, c'est à dire que je l'ai vécue ! à la sortie de la Messe les télés interviewaient les fidèles qui sortaient : "Que pensez-vous du fait de mêler la politique à la prière pendant la messe ?" (sic)...
C'est au milieu de cette prière que j'ai commencé à réaliser qu'il devait s'agir de la fameuse prière contre le "mariage" homo tant c'était clair en langage catho d'aujourd'hui... j'ai du mal à devenir bilingue à l'église, je ne pense pas que j'y arriverai jamais et pour tout dire je ne le souhaite pas, bien que je fasse des efforts dans ce sens en lisant ton blog même si je ne comprends pas tout, il me faudrait "Le langage de l'Eglise de France d'aujourd'hui pour les nuls" qui complèterait le "youcat" ou autres amuseries du genre... et je ne suis pas 'tradi' du tout, d'ailleurs ils ont leur langage à eux aussi, chaque petite école de spiritualité à son langage abscon, pour parler poliment, je préfère le style des Evangiles, au moins on comprend, dès qu'on passe à l'homélie on ne comprend plus grand chose, on se demande bien pourquoi puisqu'on comprend très bien les Pères de l'Eglise jusqu'à Jean-Paul II et Benoît XVI inclus... ça doit être une exception française, à Jérusalem où j'ai eu la Messe tous les jours dans toutes les langues pendant un mois, je comprenais mieux qu'en français les homélies en italien, en espagnol et en anglais, et je ne suis pas très doué pour les langues...
Raaaah, j'avais tapé une longue réponse pour vous tous qui vient de s'effacer ! :'(
Bon, dans ce cas, je m'en vais prier : après tout, c'est sans doute la meilleure réponse ! En communion depuis Rome avec vous tous...