Job ou la torture par les amis
Par Zabou le dimanche, juin 15 2014, 23:54 - Lien permanent
Courte pièce de Fabrice Hadjadj créée pour le Parvis des Gentils sur ce personnage emblématique de l’Ancien Testament qu’est Job, je ne l’avais pas encore lue.
Le scénario est d'une simplicité... biblique : Dieu, le diable, ce formidable serviteur de Dieu qu’est Job et les tentations permises pour l’éprouver, cette fois représentées par les amis successifs qui viennent visiter Job à l’hôpital.
La tonalité est grinçante mais pourtant si juste... On pourrait regretter que les visiteurs de Job soient finalement si « uniformes » et n’aient pas de profondeur dans leur personnalité, contrairement au personnage principal, ce souffrant si croyant et de manière si touchante. On ne pleure pas mais on est pris aux trippes de l’étoffe humaine de Job.
Pourtant, celui, Celui qui me touche le plus dans cette histoire, c’est le Bon Dieu. Vous me direz que c’est normal : peut-être. Mais les mots que met Hadjadj en sa bouche sont terriblement puissants et en voici quelques-uns tirés de la première scène de la pièce :
« Je suis
Terriblement myope.
Et c’est pourquoi je dois me tenir tout près de chacun au point qu’il puisse sentir mon haleine dans son cou…
Parce que, pour ainsi dire, je suis l’Acteur pur,
Incapable jamais d’être ce spectateur qui jouit d’observer la tour en flammes au loin depuis son balcon de marbre rose,
Incapable aussi d’être ce comédien qui s’agit sur la scène mais n’agit pas au-delà des derniers strapontins du paradis.
Je connais chaque assistant comme mon propre souffle,
Comme mon fils unique,
Comme ma fiancée sous les arbres en fleurs.
Oui, je sais de chacun d’entre vous le nom absolument propre,
Non pas ce mot général : « Hom ! Hom ! » comme le son d’une bouche qui happe le hameçon des systèmes,
Ni seulement ces menues syllabes : Renée, ou Monique, ou Jean-Charles,
Mais le nom qui t’appelle jusqu’en tes moindres retraits,
Le nom qui te recueille de part et en part et ne convient qu’à toi seul,
Le nom qui te prononce dans la pénombre nuptiale et déclare l’univers singulier que tu ouvras par la faille de tes yeux,
Et par-dessus tout, c’est cela qu’il me fallait plus que toute autre chose te révéler ce soir,
Car pourquoi es-tu ici… »