Zabou the terrible

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Notes en vrac d'espérance

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            Ce sont de curieux moments que les conseils de discipline. 

 

            J’ai du mal à expliquer en quoi cela constitue une place de choix pour une chrétienne qu’y siéger tant ce sont indubitablement des moments douloureux, souvent accompagnés d’une certaine violence et qui me laissent intérieurement groggy plusieurs jours de suite. Mais, en même temps, ce sont des lieux porteurs d’une incroyable espérance pour qui ose y croire : et le chrétien a, ce me semble, à s’en faire particulièrement l’écho. 

 

            Quand l’élève a – gravement – fauté, on n’est pas juste là pour le juger et le « virer », même si la disposition de la salle s’apparente alors à un tribunal, qu’on y est grave et qu’il n’est pas rare de voir nos élèves et leurs parents y trembler, voire y pleurer. Et, pourtant, si l’on prend la peine de ce moment, ce n’est pas pour exclure d’un coup parce que le cadre a été outrepassé, c’est bien plutôt pour jauger la situation et, surtout, toujours, espérer. Il ne s’agit pas la petite et à la fois si grande Espérance chrétienne mais un peu tout de même : il s’agit d’espérer l’élève dans ce « plus beau », dans ce « meilleur » dont il n’a pas encore su faire preuve et réfléchir ensemble au moyen de l’y conduire. En gros, c’est ne jamais croire que tout est fichu, ne jamais s’y résoudre… même si cela n’empêche pas la sanction d’être posée. 

 

            Mardi soir, c’était encore un peu différent. Parmi les deux élèves qui passaient dans ce que nous appelons en langage de profs un « CD », il y avait un élève de la classe dont je suis professeur principal. Je ne sais pas comment font ceux qui arguent ne pas avoir d’attachement spécial avec les élèves : tous les ans, je crée, sans spécialement le chercher, un lien un peu particulier, à durée annuelle, avec les élèves de « ma classe ». Alors, j’avais beau trouver cela juste, c’était douloureux, d'autant plus connaissant malheureusement bien la situation personnelle et familiale si difficile de cet élève. Les règles étaient claires et tiennent bien compte de ce lien spécial : comme professeur principal, je témoignais le temps d’un bilan sur lui mais n’avais pas le droit d’y siéger et encore moins de voter. Pour le premier « CD », en revanche, je siégeais. 

 

            Qu’est-ce que cela avait de plus ou de différent par rapport à tous les autres conseils de discipline ? Là encore, une situation familiale faisant horreur… Oh, certes, cela n’excuse pas tout mais, ces deux ados-là, ce sont de vrais pauvres gamins faisant pitié. Alors, jauger, juger leurs actes ? En réalité, on se trouve surtout dépassé par tout cela et par la société : nous, représentants de l’Éducation Nationale nous trouvons face à des situations qui nous échappent de loin. Oh, bien sûr, on prend des décisions mais on se sent surtout complètement impuissants. C’est difficile à accepter, non seulement quand on a la charge d’un élève et a fortiori quand on a un tempérament aimant se bouger pour changer les choses. La révolte intérieure de ne pouvoir faire davantage demeure tout en acceptant, par la force des choses, de consentir à cette impuissance et d’abandonner le tout à Dieu en une prière massive : Seigneur, prends pitié… Et d’aimer la personne malgré la gravité des actes commis, et d’espérer pour la suite. La seule arme qui reste est le désarmement profond de nous-mêmes, n’ayant rien à offrir qui convienne sinon nos mains vides, sinon l’indispensable prière. Et juste veiller à continuer à offrir un regard aimant et une oreille attentive. 

 

Et alors ? Les deux ont été punis mais, aux deux, on a donné leur chance. Je ne sais pas ce qu’il adviendra tant leur situation est difficile. Mais, voyez-vous, ces deux enfants, ce sont ne sont pas juste leurs bêtises, ce sont leurs vies tout entières qui crient « aimez-moi » ! Alors, quand j’entends toutes les revendications sociétales actuelles autour des enfants à naître, j’ai parfois envie simplement, en contrepoint, de montrer ce qui se vit en éducation prioritaire et tous ces enfants qui auraient juste tant besoin d’être accueillis pour ce qu’ils sont et d’être aimés. Le problème, ce n’est pas demain et nos pseudo-révolutions technologiques qui nous permettraient d’assouvir notre envie du moment, l’urgence la plus réelle, elle est là, tout de suite, c’est l’urgence de la plus grande de toutes les pauvretés, celle du manque d’amour. 

 

            Et s’il n’y en a qu’un seul qui sache aimer, nous qui nous savons aimés infiniment, nous pouvons tous y contribuer à notre mesure, ne serait-ce qu’en continuant à porter un regard d’espérance sur ceux qu’on appelle trop souvent ces « petites frappes » de banlieue et dont on pense qu’il n’en sort jamais rien de bon.

 

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