La Vierge et moi
Par Zabou le vendredi, décembre 27 2019, 23:31 - Lien permanent
Il ne s’agit pas de vous narrer ici mes relations avec la sainte Vierge (non, non, désolée, toujours pas d'apparition) mais bien du dernier ouvrage de Marion Muller-Colard dont j’ai fortement apprécié les précédents (surtout L’Autre Dieu qui garde une place toute spéciale dans mon petit cœur de croyante : si vous ne l’avez jamais lu, je vous le recommande chaudement !). Jusque-là, je l’avais lue uniquement dans le style de l’essai et dans le domaine de la spiritualité. Et là, cet ouvrage est profondément déroutant puisqu’il s’agit d’une courte pièce de théâtre.
La situation initiale est simple, il s’agit d’une statue de la sainte Vierge et trois femmes qui gravitent autour : une jeune mère, une amoureuse et une clocharde. Trois femmes que tout pourrait opposer, trois femmes qui n’ont pas les mêmes vies, trois femmes qui sont pourtant réunies autour ou peut-être au pied d’une statue qui semble tant silencieuse. Autour d’elle, les trois femmes vont se chamailler puis se rencontrer, en vérité, peut-être même davantage encore en charité car ce n’est pas antinomique.
Il y a de belles répliques, des phrases parfois fulgurantes ( par exemple : "je suis sûre que si on se mettait à fouiller la vie des saints, on trouverait bien des tordus. Parce que c’est quoi l’intérêt d’être saint si on n’est pas tordu à la base ?") et, de façon ténue, une manière de vouloir creuser le mystère du cœur d’une femme (amis pro-gender, pas frapper, elle embrasse peut-être l’homme aussi. Enfin, je n’en sais rien, vous lui demanderez) et très certainement et plus fortement, de vouloir laisser le silence de Marie dire ce qui rayonne d’elle, de sa fraîcheur et de sa liberté dans ces trois femmes. Seulement cela n’est pas toujours aussi éclatant, aussi rayonnant que dans ses ouvrages de spiritualité : on a l’impression que notre théologienne oscille entre le théâtre qu’elle a ici choisi et sa plume si gracile d’essayiste qui sait bien s’envoler, presque malgré elle et je ressors donc un peu partagée quant à cet ouvrage dont l’idée d’origine me semble pourtant réellement bien trouvée : n’est-ce pas en effet dans notre prière la plus humble, la plus humiliée, que nous osons nous montrer au plus intime et au plus juste de ce que nous sommes ?