Zabou the terrible

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Maux d’espérance

On peut suivre via Facebook aussi !

https://cdn.pixabay.com/photo/2020/05/20/21/36/corona-5198347_1280.jpg

 

            Ceux qui m’ont connue du temps de mes études littéraires ou avec qui j’ai discuté littérature un peu sérieusement connaissent mon goût pour le xixe s. et, parmi les auteurs de ce siècle, pour ceux que l’on regroupe commodément sous l’étiquette des « antimodernes » : pas pour leur propos mais pour leur style inimitable (Baudelaire, Huysmans, Barbey d’Aurevilly et Bloy demeurent mes insurpassables favoris). Alors quand, au gré d’un parcours d’accompagnement à Baudelaire et aux Fleurs du Mal, je peux me faire un peu plaisir dans le choix des textes, j’aime bien faire découvrir aux élèves le poème « Aux modernes » de Leconte de Lisle, critique virulente de la modernité mais tellement belle ! 

 

Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin 
De toute passion vigoureuse et profonde.

 

Lire tout le poème par ici >>

 

Ca « clashe » fort comme aiment le dire les élèves. J’aime bien le proposer en « devoir maison », moyen pour moi de vérifier en début d’année si les élèves ont bien compris d’une part les révisions sur la versification, d’autre part de vérifier par quelques questions comment ils réagissent face à un texte inconnu.

 

Ma dernière question est la suivante « ce texte est-il actuel selon vous ? » les invitant à un regard personnel et argumenté sur le texte. Si j’avais déjà eu des parallèles sur l’importance forte de l’argent aujourd’hui, c’est la première fois que j’ai tant de réponses portant sur l’actualité du texte quant à la crise écologique, faisant référence à la 3ème strophe du poème : 

 

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches,

 

            Mais ce n’était pas seulement « c’est pareil, m’dame » : beaucoup m’ont écrit que la mort qui régnait dans ce poème était celle qui rôdait dans notre monde, dans une crise climatique pouvant aller jusqu’à l’extinction de l’homme et qu’ils en étaient inquiets. 

 

            C’est la première fois de ma vie de prof, je crois, que je lis des textes aussi désespérés et apeurés face à l’avenir. L’angoisse qui les étreint ne m’est pas étrangère mais, comme chrétienne, j’ai choisi et tente de choisir au quotidien l’espérance, cette vertu théologale qui est don de Dieu, celle qui nous fait rester dans la nuit et croire que Dieu, malgré tout, est bien là. 

 

            Quid en contexte de laïcité, en dehors de rester là, malgré tout à son tour ? Je n’ai pas de réponse sinon, bien évidemment, de les inviter à l’action si urgente mais pour le reste ? Je pense qu’un travail de l’année pourra être, en plus de la préparation du bac de français, une invitation non pas à chausser des lunettes roses bisounours devant un monde qui va réellement mal mais peut-être d’oser initier leur regard à voir les graines minuscules d’espérance, les petits actes lumineux qui restent dans le monde et nous aident à voir clair, en contraste, et à élargir les petits cercles où une lumière vacillante se diffuse et se répand, et cela même si c'est de nuit.  

 

Ajouter un commentaire

Les commentaires peuvent être formatés en utilisant une syntaxe wiki simplifiée.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.zabou-the-terrible.fr/trackback/2136

Fil des commentaires de ce billet