Zabou the terrible

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Et de l’écoute, et des victimes (suite et fin du précédent)

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Vous connaissez probablement ce petit aphorisme sans prétention mais juste de Bernard Werber : « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous entendez, ce que vous comprenez... il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même ». 

 

Ce n’est pas si simple mais essayons car il y a tout de même des paroles particulièrement centrales à écouter ces temps-ci : celles des victimes. J’ai l’impression de l’avoir répété à de nombreuses personnes ces derniers jours : je crois que beaucoup de choses changent dans notre relation à ce qui est dit dans le rapport de la CIASE quand on a eu, une fois, ou plus, l’occasion d’entendre une victime. Parce que notre cœur est alors déjà attendri, plus disponible, moins engoncé dans la graisse de sa sécurité tranquille. 

 

          Vous savez, il faut parfois attendrir la viande à coups de maillet : si la comparaison est peu poétique, elle est pourtant ce qui se passe avec notre cœur quand il entend un récit de victime. Notre raideur se fait souplesse, notre dureté de cœur – nous en souffrons tous ! – s’estompe pour accueillir vraiment. Même s’il y a probablement un écart entre ce que la personne veut dire et ce qu’on en entend, on entre alors dans une attitude de choc et d’infinie compassion. Et cela change tout. 

 

            Est-ce que je peux oser écrire que j’ai la « chance » d’avoir rencontré, jeune, une victime ? Je n’oublierai jamais le jour où un prêtre, aujourd’hui décédé, qui a compté dans ma jeunesse, m’a raconté avoir subi des abus de la part d’un prêtre dans son enfance. Et il était devenu prêtre malgré tout… Comme quoi Dieu peut briller malgré les horreurs humaines, voire au sein de celles-ci. C’est le mystère de Dieu, c’était aussi le grand mystère de cet homme et de sa relation avec son Dieu. Il n’empêche que sa figure m’habite beaucoup ces dernières semaines et je le prie pour qu’il intercède pour les victimes mais aussi pour nous tous Église ces temps-ci. 

 

Ce que je trouve frappant, c’est qu’à partir de ce premier récit d’abus, j’ai découvert au fil des années (pas immédiatement non plus !) qu’il y en avait d’autres autour de moi, pas immédiatement proches mais finalement pas si loin non plus : comme si avoir été sensibilisé nous rendait soudainement plus accueillants à entendre des drames. Et c’est dans le même état d’esprit que j’ai accueilli ce rapport. 

 

            Parfois, quand je parle de mon travail, je dis que mes élèves d’éducation prioritaire m’ont changée : progressivement, au fil des années, j’ai perdu des certitudes et sans doute de ma superbe mais j’ai appris et j’apprends encore à m’engager certes pour eux mais avec eux. Habitant plus l’inconfortable incertitude, j’ai l’impression qu’ils me font aussi devenir plus humaine. 

 

            Or, il y a sans doute quelque chose de cela dans ce que nous sommes invités à vivre en ce moment avec les paroles des victimes : pas en surplomb mais à accueillir en notre commune humanité. On peut les lire (https://www.ciase.fr/medias/Ciase-Rapport-5-octobre-2021-Annexe-AN32-Recueil-de-temoignages-De-victimes-a-temoins.pdf ) mais si on le peut, le mieux est d’en rencontrer une : non par curiosité malsaine mais pour que ce membre souffrant du Corps du Christ dessille les yeux de notre coeur et ouvre nos mains à la prière, à l'affection et à l'action.  

 

 

Que le Seigneur nous donne la grâce de l’accueil et de l’écoute,

Qu’Il nous donne un cœur tendre et compatissant et Le travaille comme il Le veut, 

Qu’il nous fasse devenir plus humains selon Sa volonté, 

Qu’il nous fassent devenir frères, en mettant au centre le plus souffrant, 

Amen.