Zabou the terrible

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Ce que nous savons d’eux

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            « Au fait, sais-tu pourquoi... ? », ainsi les profs s’interpellent-ils parfois à l’occasion d’un couloir moins fréquenté ou d’un recoin plus tranquille de la salle des profs. Et là se dévident des bribes de vie d’un élève qu’on a eu, dont on a été professeur principal, sur lequel on sait des éléments extra-scolaires avec la plus grande délicatesse et la plus grande pudeur possibles. 

 

            Comme professeur et a fortiori dans les zones plus difficiles, nous entrons souvent de plain-pied dans des existences qui ne sont pas les nôtres : nous n’avons pas forcément donné notre accord, nous y avons rarement été conviés avec politesse, c’est juste ainsi. L’un s’est écroulé en sanglots devant nous un jour sans prévenir, l’autre a demandé à nous voir pour parler du stress d’un examen et a tout déballé sans qu’on s’y attende ou encore une fin de cours s’est prolongée en vaste confidence pour telle autre, et cela sans parler des réunions parents-profs qui offrent encore d’autres aperçus relationnels. Malgré nous, on apprend à plonger un peu dans la bourbe tourmentée qui entoure tel élève, simplement pour faire, malgré tout, un bout de chemin avec lui, avec elle. A vrai dire, il y a souvent des choses qu’on préférerait ignorer... mais qui refuserait de les écouter si cela permet d’aider un peu moins mal ? 

 

            Or, quand un élève change de classe et donc de professeur principal, il n’y a pas de transmission formelle des informations : déjà l’équipe change beaucoup d’année en année, l’établissement est bien trop grand pour que ce soit formalisé avec tant de classes même si l’équipe était stable – rêvons ! – et puis, sincèrement, qu’en dire sans voyeurisme ? Il y a des choses trop personnelles pour les écrire, pour les transmettre sans contexte et sans détails trop gênants. Parfois, cependant, un collègue sait qu’un autre collègue sait quelque chose et va le trouver et c’est là que naissent ces échanges un peu bizarres, où nous parlons non des notes mais de la vie de ces autres qui nous sont confiés : je connais peu d’échanges aussi pudiques entre profs que ceux-là tant on ne se sent pas vraiment fiers devant les horreurs que nous partageons. 

 

            Ce que nous savons d’eux, c’est souvent beaucoup et en même temps pas grand-chose : des sortes de grosses roches noires qui prennent trop de place dans leur existence, bien malgré eux et qui les gênent pour mener paisiblement leur existence d’élève. On sait bien qu’on ne les enlèvera pas mais on peut se tenir à côté d’eux pour contourner une partie de l’obstacle au fil d’une année, peut-être, si les choses se déroulent bien... pour être vigilants et empêcher qu’elles s’effondrent sur eux en faisant appel à d’autres soutiens si nécessaire. 

 

           De l’extra-scolaire et du scolaire, des drôles de trucs que je n’aurais pas imaginé en entrant dans le métier. Évidemment, comme chrétienne, c’est toujours une invitation à les remettre sous le regard de Dieu, à s’efforcer mieux de les voir comme Dieu les voit, à les aider aussi à voir tous les rebords lumineux, malgré tout, de leurs existences : ce sont les marchepieds qui s’appellent « petites joies du quotidien », « talents », « éducation », « espérance » ou encore « confiance » grâce à l’appui desquels ils pourront s’élever. 

 

 

 

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