Zabou the terrible

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vendredi, septembre 3 2010

Réminiscence ou résurrection ?

 

            Certains jours, quand on travaille avec ardeur sur un siècle passé, et pourquoi pas, oh juste par hasard, le xixe siècle, on a tendance à le voir au présent. Ses écrivains deviennent des amis, des compagnons de route qui ne nous abandonnent jamais tout à fait.

 

Alors, quand même internet s’y met, l’on finit par se poser de sérieuses questions sur son propre état mental…

 

 

 

Argh !

 

samedi, mai 15 2010

Tu te souviendras de la multitude infinie...

En 1909, Léon Bloy dédie son ouvrage Le Sang du pauvre à sa fille aînée Véronique, en quelques lignes si belles que m’est venue l’envie de les retranscrire ici.

 

            Que ce livre te soit dédié, mon enfant bien-aimée. Il convient mieux qu’un autre à ton esprit grave, à ton âme inclinée vers la Douleur.

 

            En le lisant, tu te souviendras de la multitude infinie des cœurs qui souffrent, des enfants de Dieu qu’on afflige, des tout petits qu’on écrase et qui n’ont pas de voix pour se plaindre.

 

            Ton père a essayé de crier à leur place, de ramasser en une sorte de Miserere toutes les souffrances de ces lamentables. Tu sais de quel prix il en a payé le droit et à quelle école redoutable il s’est instruit.

 

            Alors, ma Véronique, vraie image du Sauveur des pauvres, demande à ce Crucifié qu’il ne m’oublie pas – vivant ou mort – dans son Royaume éternel.

 

Léon Bloy

 

samedi, janvier 30 2010

Une page pas tout à fait comme les autres.

                   Le 20 octobre 1917 se termine le Journal de Léon Bloy et le dernier tome de celui-ci, intitulé La Porte des humbles. Sa femme Jeanne le clôt en narrant en une page la mort de cet écrivain si peu ordinaire. Page que je retranscris ici, en forme d’hommage à un écrivain qui m’est cher, en guise de remerciement pour ce journal dont la lecture de longue haleine – que je viens d’achever – est si fécondante pour la pensée, sous son apparente violence, ce qui est, je crois, le propre des Grands. Merci.

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mercredi, septembre 9 2009

La sainteté selon Bloy

  

          « J’affirme que la Sainteté n’est pas autre chose que l’épanouissement heureux et complet de l’individualité et que l’étouffement de celle-ci est une œuvre démoniaque. Plus on est saint, plus on est singulier, à commencer par Saint Ignace de Loyola, qui fut le plus grand original de son temps. »

 

6 juillet 1908

In Journal, Léon Bloy

 

lundi, juillet 13 2009

Sur les routes des vacances ? Hum...

 
Tiré de "La Revanche de l'Infâme" :
 
         Il est évident que tout automobiliste ambitieux est un assassin avec préméditation, puisque un tel sport implique, à son escient et à peu près nécessairement, le massacre de toute créature animée qui pourra se rencontrer sur son chemin. Cela est formel, absolu, indiscutable et l'avachissement inouï des contemporains est seul capable d'expliquer l'ignoble patience qui encourage ce meurtrier.
 
         Il y a deux ans, me trouvant dans un pays mortellement affligé d'automobilisme, je conseillai aux cultivateurs exaspérés de saluer au passage les automobiles avec des pompes à merde. J'allai même jusqu'à préconiser l'obstacle devant et l'obstacle derrière, dans les bouts de route isolés, puis la destruction des machines à coup de merlin, sans préjudice d'une capilotade consciencieuse pour les touristes exaltés, mâles ou femelles. Mais tout le monde gueule et personne ne marche. C'est la couardise, la pusillanimité universelles.
 
         Jamais on ne s'est tant fichu des pauvres, c'est sûr, mais jamais les pauvres ne l'ont tant permis. Cela les flatte, semble-t-il, d'être écrasés par des machines qui ont coûté jusqu'à cent mille francs. Il se dit et il s'imprime que l'industrie des automobiles occupe un nombre incalculable d'ouvriers, qu'elle en occupera demain le double ou le triple, ce qui donne lieu d'espérer qu'à la fin elle occupera tous les ouvriers sans exception. Les deux tiers de la population de la France et des colonies fabriqueront exclusivement des automobiles innombrables au moyen desquelles il seront écrasés quotidiennement et studieusement par le dernier tiers. Il est possible que tel soit le joli destin. Ce serait la levée en masse pour la bonne guerre du parfait abrutissement français. Il y a dix ans, à peine, la bicyclette semblait avoir atteint d'un bond ce résultat. Personne déjà, ne lisait plus rien. Mais l'automobile est un instrument du progrès à tout casser, à tout enfoncer, à tout écraser.
 
        Sans doute la culture des champs est abandonnée et il se pourrait assurément qu'on crevât de faim en allant plus vite. J'ignore s'il y a là une difficulté inextricable et ce n'est pas à moi qu'il appartient de la débrouiller. Toutefois cette circonstance ne change rien au fait indéniable de l'idiotification d'un peuple qui fut le premier de la terre. Ceci est autrement grave que l'écrasement éventuel des individus ou des multitudes.
 
        Qu'un milliardaire infect enrichi par les plus criminelles spéculations et gavé de la substance des misérables, vienne à s'aplatir bêtement et ignoblement contre un arbre ou contre un mur, désormais impurifiable, en accomplissant, au mépris de la vie des autres, un balourd exploit de vitesse, deux cent journaux, le lendemain, lui décerneront le marture et glorifieront en cette charogne une victime du devoir et de la PENSEE !!! Ne dirait-on pas un faire part du décès de la Raison humaine.
 
in Léon Bloy,  Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne.
 

mercredi, avril 22 2009

Violence d'une plume aimée

 
Il est des auteurs qui sont vivifiants par leur vitupérante faconde. De temps à autre infréquentables, ils sont pourtant d'une puissance magistrale et, si parfois on les trouve too much, on ne peut s'empêcher de les admirer, malgré tout.
 

Léon Bloy, Introduction du Pal.

4 mars 1885

         J’ai longtemps cherché le moyen de me rendre insupportable à mes contemporains.

         Il serait tout à fait puéril de raconter les absurdes et impraticables desseins que ce désir m’a successivement inspirés.

         Notre époque de faiseurs d’affaires et de cabots dans tous les genres est tellement abjecte, que rien, je crois, - sinon la fuite ailée de Mercure ou l’indifférence du spectateur, - n’est presque plus capable de toucher personne.

         L’âme humaine oxydée d’argent, intoxiquée de littérature et de politique, avachie, défoncée par tous les chiens errants de l’histrionisme, est en chemin de trépasser dans une sorte de paix ignoble et épouvantable.

         On ne s’indigne plus et on ne proteste plus. Le ferment d’aucune grande idée ne soulève plus le fumier moderne. On est fixé dans l’inscrutable sérénité de l’ignominie absolue, et le derrière humain, désormais impassible, est devenu semblable à un immense Maelström pour coups de bottes.

 
 
NdZabou : Le Pal est un journal pamphlétaire créé par Bloy qui ne connaîtra que quelques numéros par manque de financement.
 

mercredi, mars 4 2009

Dans les parties

 
Histoire de commencer cette cinquième année d'une manière désobligeante, aut juste pour faire sensation : silence ?
 
- On nous a enseigné dans notre enfance, me disait Apemantus, qu'il y a dix parties du discours. La profonde grammaire de l'avenir dira que le silence est la onzième et la plus redoutable, étant désignée pour dévorer toutes les autres, comme le serpent d'Aaron dévora les autres serpents.
 
     Le lieu commun du "silence éloquent", par exemple, n'est pas une sottise, et le "silence des passions", est plus à craindre que la pire loquacité. La "conspiration du silence", autre lieu commu, n'a rien de chevaleresque, sans doute, mais elle est indiscutablement efficace pour tuer un homme supérieur qu'il est impossible de déshonorer. C'est le désert du steppe immense autour du conquérant forcé de mourir d'inanition. C'est la solitude infinie de Dieu lui-même dont nul ne veut parler et ne veut entendre parler...
 
Léon Bloy, "L'Enragé volontaire ou la conspiration du silence", introduction de ses Histoires désobligeantes
 

samedi, février 14 2009

Ce qui s'appelle répondre à une objection !

 
"Vos lettres ne m'apprennent rien, sinon la banqueroute de votre raison. Eh quoi ! mon cher, vous doutez de l'Eglise parce qu'il y a des prêtres ou des fidèles indignes dont vous ne pouvez, d'ailleurs, savoir le compte. En d'autres termes, vous doutez des mathématiques parce que vous connûtes un professeur ou trois cent soixante-dix-sept professeurs d'algèbre ou de trigonométrie qui étaient des porcs.
Vraiment, c'est trop bête, souffrez que je vous le dise avec amour"
 
Léon Bloy, Journal
 

mardi, juin 24 2008

Du fanatisme

 
          "Le Fanatisme, c'est de prononcer oui ou non sur n'importe quoi. Il n'y a pas d'autre définition. "Que votre discours soit : Oui, oui ; Non, non." Telle est la formule du fanatisme dans le Sermon sur la Montagne. Vous voyez combien c'est simple. Seulement il faut savoir.
 
           Quand on vous demande : Etes-vous chrétien ? si vous répondez : Oui, sans périphrase, vous êtes un fanatique. Si vous répondez : non, vous êtes encore un fanatique. Si vous ne répondez pas du tout, on vous soupçonnera du fanatisme le plus dangereux."
 
in L. Bloy, Exégèse des Lieux Communs, n°LXXXII