Préparant mes séances de tutorat de la semaine, je relis la
sacro-sainte fiche que j’ai demandé à chacun de remplir, histoire d’un peu
mieux les connaître que sous leur simple « matricule d’étudiant »
dont ils paraphent la feuille d’assiduité et que j’abhorre cordialement.
Quand il sera midi, j’allumerai le micro, me pencherai et
prendrai la parole devant cet amphithéâtre plein : le premier des
premières années. Je leur dirai quelques mots pour leur présenter ces séances conçues
pour les aider.
Que dire d’autre ? J’aimerais leur dire d’aimer ce qu’ils
vont étudier, que la littérature, ce n’est pas seulement aller en cours, gratter,
apprendre à faire des plans (en 3 parties et en 3 sous-parties), qu'il ne suffit pas de citer
Genette n'importe comment, que ce n’est pas simplement disserter sur des sujets conceptuels… Que
c’est avant tout apprendre à lire, à lire vraiment, c’est-à-dire aussi à se
laisser toucher par un texte.
Mais je ne pourrai leur dire tout ça. Pourtant,
il faudrait leur dire…
Il était une fois (et même plusieurs),
dans une immense ville d’une contrée pas si lointaine, une ancienne université
qui, chaque année, tentait de ramener en son sein ses petits étudiants
dispersés. Elle aimait retrouver ces petits-là, pas toujours très sérieux, pas
toujours respectueux de son vieil âge mais elle les aimait car, même dans leurs
révoltes, ils l’aimaient.
Seulement, voilà, depuis des dizaines
d’années, elle accueillait chez elle de sombres sbires : impuissante à les
repousser, elle faisait avec mais ils l’envahissaient de plus en plus, tant de
leur présence que d’innombrables papiers qu’elle avait peine à digérer. Et, son
grief principal était le châtiment qu’ils faisaient subir aux étudiants.
Quand ceux-ci étaient déjà des
habitués, que cela faisait déjà 4 ans qu’ils tétaient le lait de la sainte
Connaissance dans sa belle maison, ces tristes sires manipulaient dans leurs
laboratoires secrets les pires méthodes pour les décourager et les en chasser.
Et Dame Sorbonne pleurait, pleurait encore, pleurait beaucoup : ces
petits-là, elle les avait formés !
Cette année encore, les larmes
emplissaient ses yeux quand elle regardait ce qu’ils avaient inventé pour
complexifier l’accès aux inscriptions et particulièrement l’inscription en 5ème
année chez elle, sous prétexte que c’était sérieux. Un formulaire, couleur
soleil et en 3 exemplaires, à retirer seulement une fois que tout le jury s’était
réuni pour dire qu’ils avaient bien obtenu leur 4ème année avec plus
de 13 de moyenne et ce de manière officielle. Là, encore cela allait : il
suffisait ensuite de le faire remplir par le Maître que chacun s’était choisi
pour progresser un peu plus dans ses études.
Seulement ? Non, l’étudiant qui poursuivait sa route
s’apercevait, après avoir passé quelques matinées en quête de ses bulletins de
notes dans un service où l’informatique était en panne (même si le service de
littérature possédait les notes mais ne pouvait s’en servir) qu’il y avait d’autres
pièges. Une fois son formulaire jaune rempli et ses bulletins de notes en main
(3 tout de même : semestre 1, semestre 2 et délibération), fringuant,
pensant enfin y arriver, il arrive au service des « masters » qui lui
dit qu’il faut d’abord retirer un dossier de réinscription à la scolarité. L’étudiant
perd de sa bonne humeur d’un coup.
N’oubliez pas que toutes ces étapes se
font avec un temps d’attente important où le jeune étudiant est appelé à
attendre longtemps bloqué le long d’un mur. Bien sûr, à la scolarité, c’est
particulièrement le cas. Une fois qu’il a attendu, il arrive devant un guichet
où, plein d’espoir, il tend son formulaire citron et ses bulletins de notes :
- Non,
mais je n’en ai rien à faire moi de vos bulletins de notes !
- Je
voudrais simplement avoir enfin mon dossier de réinscription.
Un
rapide regard sur le formulaire jaune fit sourire d’une manière narquoise le
préposé au bureau :
- Ah,
non, ce n’est pas possible, il faut aussi la signature du responsable de la
mention, son avis, et le tampon de l’UFR avant d’obtenir votre dossier de
réinscription.
- Mais c’est
absurde ! Puisque l’on vérifiera mes différentes pièces avec mon dossier d’inscription
et que ce formulaire m’a déjà été délivré par l’UFR qui avait vérifié que j’avais
bien obtenu mon année précédente avec les notes suffisantes.
- Ce n’est
pas mon problème.
L’étudiant devient rageur et n’a personne contre qui se
retourner. Seule moi, Sorbonne maternelle, je le prends en pitié mais le pauvre
petit n’en sait rien et se dirige, passablement énervé, vers un autre service
de l’université qui, logiquement, vient de fermer. Le lendemain matin, la nuit
ayant porté conseil, c’est plus ser(e)in qu’il arrive et se positionne dans la
queue. Il tend son formulaire et on lui dit : « Bon, vous devriez
pouvoir venir le prendre à partir d’après-demain. J’espère ».
Et moi, la Sorbonne, rageuse, je pleure en regardant ces
petits si fatigués, pas encore inscrits, tremblants alors qu’ils s’inscrivent à
ce qui était autrefois le début d’un troisième cycle universitaire.
Et voilà, la loose dans un cyber du quartier. Ploum, ploum.
J'ai bataillé une matinée contre les bureaux fermés, contre ceux qui fermeront-dans-10-minutes-alors-non-on-peut-pas-vous-accueillir, contre ceux qui ouvriront-demain-peut-être, contre les portes-de-bureaux-réelles-ou-humaines à qui j'ai osé sourire : ouh, malédiction, que n'as-tu osé faire là, jeune Zabou ! Une réussite pour plusieurs échecs : j'attends le round de l'après-midi désormais qui devrait être musclé, avant celui de demain matin pour lequel il me faudra être en forme. Être sorbonnard, c'est boxer tout son mois de septembre.
Bon, pour être honnête... j'ai causé de Compostelle avec une prof rencontrée, j'ai rigolé (un peu jaune) avec des petits camarades croisés. Et là, j'attends avec mon café, tranquille, la vue sur le Panthéon.
Il était tard quand le soleil se coucha. Accoudée à sa fenêtre, elle songeait. Comment dire cela ? Comment dire ce plaisir d’un instant, cette étincelle qui surgit alors même qu’il est question d’aride méthodologie littéraire, de normes qui, souvent – trop souvent –, ne recouvrent plus rien ?
Elle se rappela le matin, quand, au détour d’un rappel sur les attentes d’un exercice si canonique, l’exemple se mua en discussion passionnée et inattendue sur Faust, Dieu, Goethe et Méphistophélès. Et pas avec elle, avant tout entre eux. La tutrice ne pouvait que sourire, heureuse de s’effacer derrière un texte, derrière le texte.
Elle rangea ses affaires, ravie de l’aventure, quand une étudiante étrangère vint la voir pour lui demander conseil. Comment se préparer ? « Lisez, lisez, et lisez ! Mais, avant tout, ajouta la tutrice décidément pendable, faites-vous plaisir ! Un texte, cela se déguste ! »
Il serait blasphématoire d’affirmer que la littérature peut sauver l’humanité de sa détresse ontologique ; il n’est pas tout à fait inconcevable de l’offrir en remède, en jeunesse, en fraîcheur, en sel contre le marasme abscons de notre milieu universitaire. Et j’ose le croire.
- Pour répondre à plein de gens : OUI, j'ai eu mon ZD [= Zertifikat Deutsch]. Avec la note de 261 points/300. On s'amusera à constater sur le détail des notes mon 75/75 en "Leseverstehen", i.e. en compréhension de textes écrits. Moi un Leserate (rat de bibliothèque) ? Noooooooon voyons.
- Ai déniché hier soir, enfin, alors que la fête battait son plein une autre personne du groupe connaissant Huysmans ! Un Italien ! Alléluia ! Faut dire qu'il est prof de latin. Comme quoi, les gens qui font du latin, c'sont vraiment des gens bien.
- Je reste en Allemagne pour quelques jours encore. Parce que l'Allemagne, c'est le Bien.
Le stress aidant, les premiers mots me furent difficiles, accrochés sans cesse puis, peu à peu, je pus développer mes idées :
Mon mémoire : pourquoi ?
Mon mémoire : comment ? Mes galères et ma démarche.
Mon mémoire : ça donne quoi ? Mes résultats.
Mon mémoire : ça tend vers quoi ?
Bref, c'était un peu mon-mémoire-centrique mais c'était la règle du jeu, aussi.
Puis c'était à mon directeur de parler... glups.
Euh non pas glups finalement.
Beaucoup de compliments... du "vous avez très bien travaillé toute l'année" à "vous aimez bien jouer avec les mots, cela se voit" (ah bon ? Pleins feux sur l'artifice, va!), pfiou ! Ca fait plaisir mais ça fait tout bizarre !
Du coup, une belle note, 18, qui me donne une non moins belle mention : je n'en reviens toujours pas... à moi, l'ancienne scientifique devenue lettreuse, c'est fou !
Puis on a causé...
M2 ? Eh oui M2.
C'est partiiiiiii
P.S. : on attendra tout de même tous les autres résultats pour dire que le M1 est fini et bien fini !
Suite de nos observations du premier semestre : observons la Zabou ce soir.
* Le pot de nutella est soudainement devenu prisonnier de sa chambre pour une durée indéterminée.
* Elle écoute en boucle une musique que sa mère qualifie de glauque à chaque fois qu'elle passe devant la porte de sa chambre (i.e. "Mais non maman, ce n'est QUE la 5ème fois que j'écoute le Dies Irae du Requiem de Mozart / le Miserere d'Allegri ce soir ! Arrête de délirer ! Puis c'est beauuuuuuuuu !" )
* Elle a coupé son portable et émet des grognements indéfinis. <note de dernière minute, transcription proposée par notre observateur : "Mgrmpf, pourquoi grmpf grec moderne grmph mémoire, je t'aime grmph, débile Zabou, grmph, pourquoi dé-uh, grmpffff">
* La thermos de tisane est de sortie elle aussi et devenue aussi prisonnière de sa chambre : ça en fait du monde avec Jika et les autres copains !
Vous en tirez quelle conclusion, vous ? Cette bestiole-là m'inquiète beaucoup.
Nietzsche : ce n’est pas sans dessein intérieur que j’ai posté cette dernière citation. C’est qu’elle a fait « pouic-pouic » (copyright certains membres de la B-loge !) en moi quand nous en avons discuté en cours hier. Ce n’est pas que je me sente vraiment à rebours de la société, quelconque « intello maudite », loin de là, c’est qu’il est difficile, parfois, souvent, de se faire entendre quand on est une petite masterante obscure rédigeant son mémoire. D’expliquer ce qui est important pour moi dans une matière aussi inutile-inactuelle-futile-passionnante <rayez les mentions inutiles> que la littérature française.
Parce que j’en ai plus qu’assez que tout soit vu au prisme du profit immédiat, qu’il soit celui du diplôme à obtenir, ou celui plus subtil encore –et peut-être de ce fait plus perfide- du mémoire en lui-même. « Tu en es à autant de pages ? Sur 60 ? Oh, bientôt fini alors ! ». Au-delà de la simple précision que c’est « environ 60 » mais non 60, je ne puis plus supporter sans rien dire ces remarques, alors, voilà, je l’affirme : le nombre de pages, je m’en fous. Oui, je m’en fous. Et ne prenez pas ces airs de vierge effarouchée quand je vous le dis !
Oui, je serais heureuse (et un peu fière, oui, je l’admets aussi, même si ce n’est qu’un petit travail de rien du tout par rapport à ceux de nos maîtres) si ce mémoire me rapporte une note convenable et une moyenne en conséquence, je serais hypocrite de le nier, mais ce n’est absolument pas ce qui m’importe le plus. Du moment que je satisfais aux simples conditions pour continuer ma route à l’échelon supérieur, cela me suffit. Ce qui m’importe vraiment, c’est de faire un vrai mémoire, un petit travail de recherche à ma mesure, mon tout premier, et non une pseudo moitié de mémoire inintéressante et abêtissante, arrêtée dans son développement et sa réflexion parce que j’aurais enfin accompli le minimum syndical.
Un mémoire, en tout cas pour ma part, on y met de soi. D’ailleurs, en général, tout naît d’une question que l’on se pose face à un texte aimé. Comment supporter alors d’interrompre une réflexion parce que, hop fini, on balance tout ? Comment supporter de rendre quelque chose qui serait médiocre à nos yeux même ? Sans aucun sens du fini, de la réflexion, de relecture et de re-travail ? C’est une question d’honnêteté intellectuelle, avec soi-même d’abord, avant même de penser à celui qui subira la lecture de nos éventuels ubuesques délires. Il ne s’agit alors pas d’aller vite, de laisser courir les lettres à tout va le long des pages pour les remplir. Il s’agit d’aimer, passionnément.
Il s’agit d’arriver à la « philologie » que je considère dans son acception étymologique si noble et de la contempler d’une aussi belle façon que Nietzsche. De prendre le temps, simplement et consciencieusement, d’apprendre à lire et à « bien lire » dans ces terrains si mouvants de la connaissance : « lentement, avec profondeur, égards et précautions ». Pour, un jour, « bien » écrire ?
Ce n'était pas sans anxiété que je voyais s'approcher le dernier cours de grec moderne de l'année (j'entends déjà les mauvais coucheurs : "en mai ?" Oui, oui, mais super visite-conférence avec notre prof en vueet examens ensuite : ce ne sont donc pas des vacances !). D'ailleurs, mon dernier cours de grec moderne tout court dans la filière parallèle que je suis depuis trois ans en sus de ma filière principale.
Je me doutais donc bien que ce cours allait avoir une saveur tout particulière et qu'il fallait ouvrir grand mes oreilles pour le savourer : aujourd'hui serait peut-être le jour des révélations. Qui sait, j'allais peut-être enfin réussir à parler grec pour de vrai ?
Je pris mon stylo plume, contemplai le buste du Vénéré Psycharis me rappelant que j'étais dans un haut lieu néo-hellénique, et commençai à écouter avec attention.
Cela commençait bien :
"Mes enfants, aujourd'hui, nous allons tuer des enfants à Skiathos."
Hum... oui. Certes ?
Mais surtout, j'appris un secret qu'il ne faudra pas révéler, chers lecteurs : je compte vraiment sur vous pour ce coup-là.
"Mais, pour Papadiamantis <ndZabou : un auteur grec de la fin du XIXème que j'ai découvert grâce à ce cours et que je vous recommande>, les femmes sont des êtres créatifs, des êtres VRAIMENT intelligents, capables de trouver des solutions."
Je ne sais s'il est réellement besoin de commenter pareille assertion.
Photo prise en cours (à la pause, tss !) avec mon portable : qualité catastrophique et ambiance glauque à souhait mais l'on peut deviner au fond le buste de Jean Psycharis, fondateur de l'Institut Néo-hellénique de la Sorbonne.
Je viens de m’apercevoir en préparant un cours particulier sur Andromaque combien je citais Aristote tout le temps cette année. Rares sont les cours ou les tutorats où je m’en abstiens : pour mes tutorés comme pour mes deux élèves, je vais devenir miss Aristote, c’est certain si ce n'est déjà le cas (à moins que ce ne soit miss Huysmans, pour d'autres mais évidentes raisons !).
Et que dire de mon introduction de mémoire et de la « sentence thomiste d’inspiration aristotélicienne » qui en guide pour une bonne part le cheminement ? Que dire des deux références à De l’âme qui émaillent déjà ma rédaction ?
Pourtant, je ne suis pas du tout spécialiste d’Aristote.
Dans les couloirs de la Sorbonne règnent des êtres étranges, nommés Centaures qui, tel le Sphinx, aiment aborder les pauvres étudiants passant à leur portée pour mieux les piétiner. Leurs acolytes sont des schtroumpfs ou, à l'extérieur, de Fringants chevaliers en armure (tel Maduc !). Toute une faune peuplant ce superbe biotope qu'il me faudra, un jour, vous détailler. Mais cela importe peu pour aujourd'hui.
Qui êtes-vous ?
Où allez-vous ?
Telles furent les questions du Grand Schtroumpf à casquette bleue.
Devant pareilles questions, je marquai un temps d'arrêt : que répondre ?
- D'où viens-je ?
-> Non, cela sent son ironie.
- Je ne sais pas.
-> la réponse la plus sage, montrant mon incommensurable ignorance
- "Je suis le Ténébreux, le Veuf, l'Inconsolé"
-> la réponse la plus classe, incontestablement.
Quid ?
Je pouffai de rire, embarquée dans de farfelues pensées : cela ne fut pas du goût du Virgile.
- Mademoiselle, sortez immédiatement !
Chaque jour, je rends grâce à la Sorbonne de me poser des questions philosophiques à haute teneur métaphysique.
Tarzan : une lecture métaphorique de la relation étudiant – directeur de mémoire en master 1 de Lettres Modernes
Voir ici l'article de Melle Maggy J., dite ESU dont il sera question dans ce compte rendu.
Mademoiselle ESU nous offre là un bel ouvrage, dénotant sans nul doute un intérêt brûlant dans l'affaire (on rappellera qu'elle-même effectue actuellement un travail de recherche en master 1 de littérature comparée sous la direction de, de... euh, son nom m'échappe). La démarche est claire, on suit bien sa pensée même si quelques détails nous échappent parfois à cause du mode souvent allusif de l'auteur : nous comprenons qu'elle ne souhaite attirer sur son dos les foudres Mâgistrâles mais il faut être conséquent avec le sérieux d'une étude universitaire, vouée certainement au plus grand avenir.
Son choix est d'aller à contre-courant des Normes Lettreuses avec une étude proposant une structure binaire (bouh !), choix surprenant mais porté par une allégresse formidable de la plume et l'on adhère, quand même. (Bon, je dis ça pour pas qu'elle m'agresse en fait).
Argumenté, son propos est éclairant mais nous ne pouvons nier le caractère de parti-pris et d'absence de sources précises pour certains de vos propos : que vous apprend donc votre directeur, mademoiselle ? Où sont les notes de bas de page ? Et la bibliographie ? Et les petites cap'... Et les petites majuscules ? Concernant le parti-pris, pourquoi ces deux cas visiblement choisis aux antipodes ?
Pourtant, il suffit d'écouter... et l'on se sent entraîné dans la folle ronde propre aux masterants : folie, désespoir, folie, enthousiasme, folie, rage, folie. C'est tragique mais tellement sublime !
Je dois arrêter là ce maigre compte rendu car "La préparation du mémoire représente la partie essentielle du travail dans l’année de master ; c’est aussi la spécificité de l’initiation à la recherche." (Maison des Fous) et autre chose mobilise donc mon esprit de jeune masterante sinon vais me faire tancer par mon directeur.
Mais, surtout, souvenez-vous de TOUT lire métaphoriquement.
Hier midi donc (oui, je répète le titre parce que certains ne suivaient pas, ne dites pas le contraire, je vous ai vus), mes grands-parents m’ont invitée au resto alors que nous rentrions de Normandie. Je suis sûre que vous êtes heureux de l’apprendre.
Le problème actuel de la Zabou, c’est que, ô surprise, vous ne vous en seriez pas doutés à la lecture de ce blogue, elle est actuellement passée en mode « rédaction de mémoire », un mode qui ne s’enclenche pas automatiquement mais délicat à passer sur « off » une fois que le cran est passé. Ce qui ne veut pas dire que ça rédige beaucoup mais que ça pense, un peu, ou parfois pas du tout, là-haut. En tout cas, ce qui est clair, c’est que l’intellect est à l’ouest. Alors, quand il l’était déjà un peu initialement…
Bref. Il y avait du monde, plein de monde. Et Zabou, seule, commença à avoir une terrible envie de rigoler, à la stupeur de ses grands-parents -gens comme il faut, pas de bruit, pas de désordre, insupportable d’avoir une terrible petite-fille !-, et à avoir une démangeaison insupportable. Il me fallait dégainer mon exemplaire d’À vau-l’eau pour déclamer ces quelques lignes :
Et M. Martinet s’arrêta sur le palier, devant une porte à tambour vert. Là sonnaient de grands bruits d’assiettes sur un bourdonnement ininterrompu de voix ; puis la porte s’ouvrit et, en même temps qu’un violent hourvari, des gens en chapeau se précipitèrent dans l’escalier et ! battant la rampe avec leurs cannes.
M. Folantin et son camarade se garèrent, puis ils poussèrent à leur tour la porte et s’introduisirent dans une salle de billard. M. Folantin, pris à la gorge, recula. Cette pièce était noyée dans une épaisse fumée de tabac, traversée par des coups de queues ; M. Martinet entraîna son invité dans une autre pièce, où la buée était peut-être plus intense encore, et çà et là, dans des chants de pipes bouchées, dans des écroulements de dominos, dans des éclats de rire, des corps passaient presque invisibles, devinés seulement par le déplacement de vapeur qu’ils opéraient. M. Folantin resta là, aliuri, cherchant à tâtons une chaise.
M. Martinet l’avait quitté. Vaguement, dans un nuage, M. Folantin l’aperçut, sortant d’une porte. Il faut attendre un peu, dit M. Martinet, toutes les tables sont pleines ; oh, ce ne sera pas long !
Une demi-heure s’écoula. M. Folantin eût donné bien des choses pour n’avoir jamais mis le pied dans cet estaminet, où l’on pouvait fumer, mais où l’on ne se nourrissait pas. De temps à autre, M. Martinet s’échappait et allait s’assurer que les sièges étaient toujours occupés. Il y a deux messieurs qui en sont au fromage, dit-il d’un air satisfait, j’ai retenu leurs places.
Une autre demi-heure s’écoula. M. Folantin se demanda s’il ne ferait pas bien de se diriger vers l’escalier tandis que son compagnon guettait les tables. Enfin, M. Martinet revint, lui annonça le départ des deux fromages et ils pénétrèrent dans une troisième pièce où ils s’assirent, serrés comme des harengs dans une caque.
Sur la nappe tiède, dans les éclaboussures de sauce, dans les mies de pain, on leur jeta des assiettes, et l’on servit un bœuf coriace et résistant, des légumes fades, un rosbif dont les chairs élastiques pliaient sous le couteau, une salade et du dessert. Cette salle rappela à M. Folantin le réfectoire d’une pension, mais d’une pension mal tenue, où on laisse brailler à table. Il n’y manquait vraiment que les timbales au fond rougi par l’abondance, et l’assiette retournée pour étaler sur une place moins sale les pruneaux ou les confitures.
Certes, la pâture et le vin étaient misérables, mais ce qui était plus misérable que la piâture et plus misérable que le vin, c’était la compagnie au milieu de laquelle on mâchait ; c’étaient les maigres servantes qui apportaient les plats, des femmes sèches, aux traits accentués et sévères, aux yeux hostiles. Une complète impuissance vous venait, en les regardant ; on se sentait surveillé et l’on mangeait, découragé, avec ménagement, n’osant laisser les tirants et les peaux, de peur d’une semonce, appréhendant de reprendre d’un plat, sous ces yeux qui jaugeaient votre faim et vous la refoulaient au fond du ventre.
Bon, je n’ai pas lu à voix haute mais ricanais consciencieusement : le mémoire nuit gravement à la santé. Finalement, cela a tardé mais je peux vous le dire : j’ai bien mangé.
Pour fêter ma 100ème note de bas de page (eh oui, m'sieurs-dames, j'en suis réduite à ça...), un texte qui me fait vraiment rire issu d'un groupe Facebook.
A brief guide to scientific literature:
- It has long been known == I haven’t bothered to check the references. -It is known == I believe. -It is believed == I think. -It is generally believed == My colleagues and I think. -There has been some discussion == Nobody agrees with me. -It can be shown == Take my word for it. -It is proven == It agrees with something mathematical. -Of great theoretical importance == I find it interesting. -Of great practical importance == This justifies my employment. -Of great historical importance == This ought to make me famous. -Some samples were chosen for study == The others didn't make sense. -Typical results are shown == The best results are shown. -Correct within order of magnitude == Wrong. -The values were obtained empirically == The values were obtained by accident. -The results are inconclusive == The results seem to disprove my hypothesis. -Additional work is required == Someone else can work on the details. -It might be argued that == I have a good answer to this objection.
Ah ah ah !
Comment ça ?
Je vais pas bien ?
Vous croyez ?
Bon, je viens d'apprendre ce qu'étaient des "scabieuses" et des "poutargues de mulets".
C'est cool en fait de faire un master 1 de littérature : ça change la vie !