Zabou the terrible

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mercredi, février 6 2013

Être du monde sans être du monde : en Esprit et non en esprit !

 

« Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde.

Consacre-les par la vérité : ta parole est vérité. De même que tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde.

Et pour eux je me consacre moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité. »

 

Évangile selon saint Jean xvii, 15-19

 

 

… et, en écho, quelques mots d’Ernest Hello ?

 

« L’esprit du monde est contraire au don ; l’esprit du monde, c’est de retenir, ou, s’il donne, c’est de donner avec mesure, avec calcul, avec obligation : on donne quand on a reçu, dans la mesure où on est obligé de rendre. Il a fait ceci ; je ferai cela. L’esprit du monde (j’écris à dessein dans cette phrase le mot esprit sans majuscule), l’esprit du monde, c’est l’affreuse petite réserve du moi humain, qui calcule, à partir de lui, et en revenant sur lui, la restriction du moi humain, qui a toujours peur d’être trop bon. Ce n’est pas ce danger-là qu’il court, le malheureux ! Et c’est pourtant ce danger-là qu’il craint.

 

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dimanche, janvier 13 2013

Bernanos, ou la joie éclatante au cœur des ténèbres


 

Mettre une simple citation de Bernanos sur Facebook éveille parfois une discussion inattendue… d’autant plus quand elle est avec un de ses oncles ! Je ne vais pas rentrer dans les détails ici mais tout a eu pour source cette citation du Journal d’un curé de campagne que je trouve magnifique et qui s’adaptait à mon état d’esprit. Je cite donc :

 

« Mais c’est du sentiment de sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie. »

 

Mon oncle a rebondi sur différents points mais, quant à l’auteur en lui-même, il disait : « Bernanos est un romancier du ressentiment, de la culpabilité et du désespoir » alors, que pour moi, Bernanos est le romancier de la joie ! D’ailleurs, l’un de ses romans porte même ce titre et je ne crois pas que ce soit un hasard.

 

L’ambiance des romans de Bernanos est certes lourde et pesante à chaque ligne comme si la bourbe du Mal et du péché empêchait aux phrases de prendre leur envol. Y percevoir la joie semble peu aisé car il ne s’agit pas d’une joie légère ou superficielle, il ne s’agit même quasiment pas d’humour dans ses romans et dans celui-ci en particulier – quel triste sire en apparence que le pauvre curé d’Ambricourt !

 

Et pourtant, et pourtant … « l’enfer, c’est de ne plus aimer » dit-il à la comtesse lors de leur mémorable entretien ! Et que lui répond-elle dans sa dernière lettre ? « Je ne suis pas résignée, je suis heureuse. […] J’irai me confesser demain à l’abbé X… [ …] J’ai péché volontairement contre l’espérance, à chaque heure du jour. » N’est-ce donc pas le curé qui la rend à la vraie joie ? En lui montrant qu’elle peut déposer, et donc dépasser aussi bien sa douleur de mère que le poids de son péché ? Que l’espérance est plus grande, que le bonheur est plus vaste ?

 

Et le curé est-il si triste pour s’exclamer en mourant, à l’instar de la petite Thérèse : « tout est grâce » ?

 

Alors que dire de cette citation si ce n’est que je la lis comme un appel à nous tourner humblement, les mains vides vers Dieu pour qu’il nous comble de joie ?

Encore plus profondément : comme un appel à savoir que nous n’avons rien à nous pour Le laisser emplir notre existence ?

« Te ipsum tibi reddam quando te mihi reddidero » (« Je te rendrai à toi-même lorsque je t'aurai rendu à moi ») fait dire à Dieu saint Augustin.

Impuissants… mais pouvant tout en Dieu !

 

jeudi, décembre 6 2012

Tout préparé pour le bonheur

 

 

 

« Le martinet se blessa pour que la rencontre fût possible. Vint le jour que l’enfant, jailli des rochers, happé par sa propre émotion, se précipita vers l’homme : il tenait un oiseau dans ses deux mains. Hirondelle, dit l’enfant. Martinet, dit l’homme. Pourra-t-il repartir ? dit l’enfant. Le martinet avait une aile cassée. On s’était affairé toute une matinée. On avait construit une cage minuscule. Il ne fallait pas que l’oiseau pût s’agiter. Avec du sparadrap, on avait serré les ailes sur le corps fragile, l’aile valide, l’aile malade. Il ne faudrait pas y toucher avant quelques semaines.

 

- Pourquoi a-t-il des pattes si petites ? dit l’enfant. S’il tombe à terre, est-il vrai qu’il ne peut jamais repartir ? Pourquoi Dieu lui a-t-il fait des pattes si petites, des ailes si longues ?

- Dieu ! dit l’homme. Dieu n’a pas de réponse, il pose les questions.

 

L’enfant survenait, déposait sur la seconde marche la boîte peinte qui contenait les insectes – car Dona Paca, la gouvernante, supportait mal que l’enfant s’introduisît dans la villa, - repartait vers ses jeux, revenait avec la mer.

- Tu crois qu’il volera ? disait un jour l’enfant.

- Patience, disait l’homme.

- Ils disent qu’il n’y a pas de martinet ici, disait l’enfant.

- Non, il n’y a que les mouettes. Ici, il y a trop de pierre et de soleil pour les oiseaux de grand ciel.

- Saura-t-il retrouver son chemin ?

- Oui, disait l’homme : ils ont leur chemin dans leurs ailes, tout préparé avec leur bonheur. »

 

Jean Sulivan, Mais il y a la mer, éd. Gallimard, p. 25-26.

 

mardi, juillet 31 2012

D’une plume (d’oiseau), une nouvelle épître à Diognète ?

 

Les vacances sont propices aux lectures différentes. Et l’esprit rêveur a tendance à constituer des liens étranges avec des lectures déjà connues et la pensée comme l’âme en font alors leur miel : je n’ai pu m’empêcher de trouver, à peine grimé dans ce texte de Chamoiseau, le peuple de Dieu dans la légèreté d’un colibri. La faute à l’épître à Diognète, sans doute.

 

Oui je sais, ce n est pas un colibri mais une cigogne : c est presque pareil, non ;-) 

 

« Ces inconsistances dépensaient l’énergie d’un volcan pour une existence qui ne changeait rien à l’ordre du monde et qui se maintenait ainsi : totalement dérisoire, tout à fait inutile, et dans une intensité vaine…

 

Un autre phénomène me sidérait : elles étaient faites de scintillements. Ce qui couvrait leur corps microscopique était une complexité de structures qui captaient les luminosités pour les diffracter dans les des irisations. Ce sortilège transformait leur dérisoire volume en … Hinnk…. Une splendeur absurde qui parcourait en mille instantanés tout le spectre concevable de l’ombre et de la lumière. […]

 

Son intensité et sa fréquence étaient insolites mais, plus que tout, c’était sa manière d’être toujours à contretemps qui aiguisait mon attention. Son vol disséminait une onde, claudicante mais vibratile à l’infini au cœur de tout ce qui existait. Et, par ce vibratile, tout ce qui existait au fond de mon esprit s’éveillait, se troublait, commençait à changer… »

 

in Patrick Chamoiseau, Les Neuf Consciences du Malfini

 

dimanche, juillet 8 2012

Cela


« Ainsi la conversation quotidienne n’est que rengaine jusqu’au moment où quelqu’un parle de son propre regard, de sa voix, remonte de son fond une impression, une révélation qui est sienne ; comme dans les livres tout est vain qui n’est pas cela, le jaillissement irrépressible de la vérité la plus intime qui appartient à tous… Et sans doute l’exil n’est-il supportable que parce qu’il y a cette frontière perdue, retrouvée, au-delà de ce qui protège et masque, mots, briques, papiers peints…

 

Comme si ces impressions qui peuvent surgir d’un magma de médiocre souvenirs et qui vous envoient à l’improviste un coup léger, vous griffent le cœur d’une fine blessure, comme si ces impressions, ces traces actives en nous, presque sans nous et souvent à jamais ignorées, étaient ce qu’il y a de plus intime, de plus incommunicable et cependant de plus universel, si du moins la parole vient à leur donner existence.

 

Point n’est besoin de toujours les avoir ressenties soi-même, chacun les croit reconnaître dans le tremblement de la voix, d’une écriture, participe au bonheur de celui qui les exprime sans les avoir peut-être vécues, mais parce qu’il les a reconnues sur un visage, car ce qui se tient aux profondeurs est aussi, une seconde, surface et forme, une lumière dans un regard, une ombre, ce pli du front, des lèvres, aussi nécessaire, inattendu, imprévisible que les traces sur la pierre que laissent la pluie, le vent, la mer, aussi vraies, plus vraies que les idées abstraites mais que nous ne savons déchiffrer, et les mots ne nous sont donnés que pour retrouver la palpitation de ces secondes perdues, retrouvées, immuables tout au long d’une vie, la joie secrète hors du temps, quand l’éternité déborde. »

 

in Jean Sulivan, Car je t’aime, ô Éternité !

 

dimanche, mai 6 2012

L’exercice de la prière ?

 

 

  

 

 

Vous ne croyiez tout de même pas que le dimanche, c’était fait pour se reposer ? Sérieusement ? Bon, voilà un exercice pour vous et ne discutez pas !

 

 

« L’eau m’échappe… me file entre les doigts. Et encore ! Ce n’est même pas si net (qu’un lézard ou qu’une grenouille) : il m’en reste aux mains des traces, des taches, relativement longues à sécher ou qu’il faut essuyer.

 

Elle m’échappe et cependant me marque, sans que j’y puisse grand-chose.

 

Idéologiquement, c’est la même chose : elle m’échappe, échappe à toute définition, mais laisse dans mon esprit et sur ce papier des traces, des taches informes. »

 

 

Exercice :

·      Vous remplacerez « l’eau » par « Dieu »,

·      Et « aux mains » et « papier » par « au cœur »  dans cet extrait de « De l’eau », du Parti pris des choses de Francis Ponge.

Puis vous lirez le texte ainsi obtenu.

Vous avez même le droit de le relire, d’ailleurs.

 

Si le désir vous vient alors de prier,

De parler à Celui qui nous échappe et nous marque en même temps ;

N’attendez surtout pas que cela passe ;

Mais prenez-en votre parti, le parti de Dieu ! 

 

Car Il demeure en nous, et, bien qu’Il nous échappe,

Il laisse quelques traces, quelques indices étrangement familiers

Pour nous guider sur ce chemin d’apprentissage,

Ce chemin de disciple : demeurer en Lui.

 

jeudi, janvier 26 2012

Lire, relire Claudel

Paul Claudel, ce fut d’abord l’éblouissement d’un poème-prière à l’issue d’une messe familiale, alors que j’avais 14-15 ans.

 

L’éblouissement d’une parole tellement belle, sonnant si juste, qui me disait l’importance du regard, qui me disait Marie, qui me disait l’importance de se tenir là, même à n’en savoir bafouiller qu’un merci :

 

« Je n’ai rien à offrir et rien à demander.

Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.

 

Ne rien dire, regarder votre visage,

Laisser le cœur chanter dans son propre langage ! »

 

Après quelques extraits poétiques lus de-ci de-là, ce fut ensuite le dramaturge que je découvris au fil des ans : cette Annonce faite à Marie tout d’abord, qui me marqua sans me rester impérissable et surtout ces œuvres qui me bouleversèrent que sont Tête d’or et Le Soulier de satin. Je ne pense d’ailleurs toujours pas maîtriser la dernière, après l’avoir lue, après l’avoir étudiée, après l’avoir relue, encore et encore… C’est un peu, selon moi, l’un des mystères de Claudel.

 

Œuvres dont le désir ardent qui les habite venait si souvent rejoindre les questions brûlantes de mon âme encore adolescente.

Œuvres qui m’ouvraient si curieusement à l’autre, à Dieu, par des chemins de traverse. Je ne suis jamais sortie tout à fait indemne de leur lecture. Et, bien souvent, aujourd’hui encore, ces « vers » si particuliers me montent à la bouche et au cœur.

 

Pourtant, Claudel sort souvent les machines bien lourdes, bien pesantes : on sait ce qui va se passer. Et je craignais en rouvrant l’autre soir L’Annonce faite à Marie de n’y voir plus qu’un mystère sordide, une première pièce jouée d’un auteur, vidée de toute sa grâce adolescente.

 

En relisant L’Annonce faite à Marie, j’ai redécouvert cette pesanteur terrestre, oui, ces ressorts bien visibles, a fortiori pour un lecteur familier de la Bible… Mais j’y ai aussi lu la grâce ; Et je me suis laissée portée par ces « versets », ces mots libres courant au fil de la plume… Et je me suis laissée touchée par ces phrases qui m’accrochaient parfois au détour d’une motte de terre ; joyeusement ou inconfortablement. Tiens, comme celles-ci :

 

Pierre de Craon : « La sainteté n’est pas d’aller se faire lapider chez les Turcs ou de baiser un lépreux sur la bouche,

Mais de faire le commandement de Dieu aussitôt,

Qu’il soit,

De rester à notre place ou de monter plus haut. »

 

Anne Vercors : « […] Et non point de charpenter la croix, mais d’y monter et de donner ce que nous avons en riant !

Là est la joie, là est la liberté, là la grâce, là la jeunesse éternelle ! »

 

 

Ou d’autres, de nombreuses autres encore, que ma pudeur de lectrice m’interdit de recopier car elles me parlent à moi comme elles vous parleraient autrement.

 

Et je me suis rappelée à cet instant que l’écriture poétique de Claudel était tout entière fondée sur une musicalité particulière : celle de la respiration, celle du souffle.

 

Et je me suis dit qu’il était bon de lire, mais peut-être surtout de relire Claudel, à différents moments de nos vies : pour confronter son souffle à celui qui nous habite à ce moment-là, notre respiration pesamment humaine, et, écouter aussi, dans l’interstice des mots, au gré de ceux-ci, résonner cet autre Souffle, virevoltant, allant et nous menant là où on ne l’attendait pas.

 

vendredi, décembre 23 2011

Réveiller le puits


Ce matin, j’ai fini mes courses de Noël.

 

Rien que du très ordinaire pour un 23 décembre : de la foule, du monde ; des gens pressés, des gens qui mendient dans une indifférence presque générale, des gens qui se font la gueule et qui se castagnent, des gens qui attendent le train en se bousculant, des gens avec des paquets dans tous leurs bras… Veille de fête.

 

La tête dans la lune ou peut-être quelque peu au ciel, je songeais à Noël, au p’tit Jésus qui se faisait homme, et ça me rendait profondément joyeuse ; et ça me faisait sourire.

 

Une personne croisée toute tristoune a pensé que c’était à elle que je souriais et les commissures de ses lèvres se sont élargies : elle m’a rendu mon sourire, ce qui a eu pour simple effet de me faire sourire encore plus.

 

La joie, la fête, Noël : quel sens ?

 

Je n’aime pas crier haro sur mes frères les hommes, m’indigner trop parce qu’un de mes professeurs m’a fait découvrir l’expression « vacances de fin d’année » pour parler de celles de Noël…

 

Mais ce simple sourire soudain dessiné dans la foule aussi compacte qu’opaque illumina ma matinée.

 

Et, plutôt que de râler sur la perte de sens, sur le mercantilisme d’une fête si intensément chrétienne, j’ai songé à un épisode du Petit Prince pas si naïf qu'il le semble : un passage qui nous engage tous profondément à veiller, à éveiller, à réveiller :

 

- Les hommes, dit le petit prince, ils s’enfournent dans les rapides, mais ils ne savent plus ce qu’ils cherchent. Alors ils s’agitent et tournent en rond…

Et il ajouta :

- Ce n’est pas la peine…

 

Le puits que nous avions atteint ne ressemblait pas aux puits sahariens. Les puits sahariens sont de simples trous creusés dans le sable. Celui-là ressemblait à un puits de village. Mais il n’y avait là aucun village et je croyais rêver.

 

- C’est étrange, dis-je au petit prince, tout est prêt : la poulie, le seau et la corde…

 

Il rit, toucha la corde, fit jouer la poulie. Et la poulie gémit comme gémit une vieille girouette quand le vent a longtemps dormi.

- Tu entends, dit le petit prince, nous réveillons ce puits et il chante »

 

Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

 

mercredi, novembre 30 2011

L'être au rebut ?

 

L’être au rebut ? Pour personne, je préférerais pas ! Un petit texte à la saveur aigre-douce pour vivifier notre humanité en ce début d’Avent.

 

« La rumeur, donc, voulait que Bartleby eût exercé une fonction subalterne au service des Lettres au Rebut de Washington, et qu’il en eût été soudainement jeté hors par un changement administratif. Quand je songe à cette rumeur, je puis à peine exprimer l’émotion qui s’empare de moi. Les lettres au rebut ! Cela ne rend-il point le son d’hommes au rebut ? Imaginez un homme condamné par la nature et l’infortune à une blême désespérance ; peut-on concevoir besogne mieux faite pour l’accroître que celle de manier continuellement ces lettres au rebut et de les préparer pour les flammes ? Car on les brûle chaque année par charretées. Parfois, des feuillets pliés, le pâle employé tire un anneau : le doigt auquel il fut destiné s’effrite peut-être dans la tombe ; un billet de banque que la charité envoya en toute hâte. Celui qu’il eût secouru ne mange plus, ne connaît plus la faim ; un pardon pour des êtres qui moururent bourrelés de remords ; un espoir pour des êtres qui moururent désespérés ; de bonnes nouvelles pour des êtres qui moururent accablés par le malheur.

Messages de vie, ces lettres courent vers la mort.

Ah ! Bartleby ! Ah humanité ! »

 

Excipit de Herman Melville, Bartleby le scribe

 

mardi, novembre 22 2011

Au pied de la croix

 Quand on fait des études de Lettres, on apprend la distance,

On goûte le nécessaire recul critique pour ajuster, pour peser, pour relire encore puis pour dire.

Délicat exercice auquel on n’a jamais fini de se frotter en disposant du large éventail des outils d’analyse critique : on sait alors la difficulté de poser un mot juste…

Et l’on peine à le poser.

 

Littéraire, je ne mets jamais ma foi de côté quand je lis, quand j’étudie, quand j’écris.

Et cela même quand j’étudie le programme d’agrégation « théâtre et violence », versant tellement dans cette violence, dans cette esthétique du choc qui n’est pas la mienne.

 

Pourtant, je vous l’avoue, j’ai du mal à crier avec les loups.

Question de caractère, question de formation ;

Question de choix, aussi, très certainement.

 

Les récents événements ont finalement peu parlé de théâtre contemporain ou d’art ;

Les récents événements ont surtout si peu parlé de foi…

 

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mercredi, novembre 2 2011

Sur 
le chemin raboteux du salut, s'avance...

 

Qui ne connaît pas au moins de nom « la petite fille Espérance », si chère à Péguy ? Mais qui l’a lu(e) ? Qui est allé la quérir pour de bon dans ce livre au nom si étrange, presque rebutant de Porche du mystère de la seconde vertu ? Puis, qui a osé l’écouter pour apprendre à marcher avec elle ?

 

Au soir, quand les cierges sont allumés pour nos défunts, quand les êtres vacillent parfois au souvenir de chers disparus, quand la nuit se fait lourde et pesante alentour, lire quelques mots de Péguy. Ces mots pesants, répétés, martelés. Pour nous dire et faire entrer dans nos crânes tout hautains ce mot qui rime avec enfance : « Espérance ».


L'espérance, dit Dieu, voilà ce qui m'étonne.


Moi-même.


Ça c'est étonnant.


 

Que ces pauvres enfants voient comme tout ça se
 passe et qu'ils croient que demain ça ira mieux.


Qu’ils voient comme ça se passe aujourd'hui et qu'ils
 croient qua ça ira mieux demain matin.


Ça c'est étonnant et c'est bien la plus grande merveille de notre grâce.


Et j'en suis étonné moi-même.
 

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vendredi, septembre 16 2011

Lectures d’été : « La vie devant soi » ou la braise incandescente de l’amour

 Aujourd’hui, j’hésite mais je voudrais vous parler d’un livre un peu particulier… d’une histoire de fils… Bon, disons-le tout net : moi aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une histoire de vrais fils de putes.

 

En fait, sous cette accroche choquante[1] je voudrais surtout vous parler d’un livre qui narre une magnifique histoire d’amour. Ce livre, ce n’est pas une sortie récente mais celui qui obtint le Goncourt 1975 : La Vie devant soi d’Emile Ajar – Romain Gary, que je n’avais jamais ouvert.

 

C’est l’histoire tragique de pauvres mômes nés suite à une passade de leurs mères prostituées, et mis en pension chez Madame Rosa, elle-même une ancienne bien connue du métier, trop vieille pour « se défendre avec son cul »[2]. Rien de bien joyeux a priori, une vie à la limite de la clandestinité, dans un milieu fangeux et méprisé.

 

Pourtant, à lire cette histoire, qui est surtout celle du héros, Mohammed, on se prend à sourire. Sourire des réflexions de gosse, pas si bêtes, pleines de finesse et si bien (d)écrites par Ajar, mais encore plus sourire de la tendresse qui se dessine page après page dans un univers si grossier et si humainement drôle.  

 

Plongé dans le monde de la prostitution qui est celui du sexe sans l’amour, Momo pose, se pose et nous pose à nous aussi cette question essentielle : « Est-ce qu’on peut vivre sans amour ? ». C’est la question centrale du livre, l’unique question en réalité tant elle est vitale. Et il vit pour y répondre.

 

Momo, il aime la vie, puis il aime Madame Rosa, de tout son petit cœur. Et Madame Rosa, elle, elle le protège, elle l’aime, même quand ses mandats n’arrivent pas. C’est l’amitié entre un jeune Musulman et une vieille Juive, l’amour impensable et incroyable, maternel et filial, qui fleurit à travers tous les travestissements et toutes les pauvretés de l’humanité. C’est l’Amour qui, seul, résiste jusqu’à la fin et est « capable de tout, croit tout, endure tout »[3].

 

A la fin si rocambolesque succèdent ces derniers mots, sonnant comme une réponse finale, même au sein des dernières notes d’humour : « il faut aimer ».

 

Je ne sais pas si c’est parce que je l’ai lu sur le Camino et qu’il reposait à côté de ma Bible mais j’avais en écho du St Jean : « Mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. » Bizarre, non ? 

 



[1] Faites pas genre, je vous ai vus le lever votre sourcil !

[2] Je cite, hein…

[3] Alors là, je cite aussi, mais, ô indice, c’est un autre Livre. 

samedi, juin 18 2011

Ce rithmailleur qui s’alloit enrimant...

Un petit texte lu au hasard des pages d'histoire littéraire... 
Pour le plaisir de voltiger sans autre but que papoter, que respirer 
Pour le plaisir des rimes, pour le plaisir des mots. 

 

Petite épître au roi (1518), Clément Marot

 

En m’esbatant je fais rondeaulx en rithme

Et en rithmant bien souvent je m’enrime ;

Bref, c’est pitié d’entre nous rithmailleurs,

Car vous trouvez assez de rithme ailleurs,

Et vous vous plaist, mieulx que moi rithmassez.

Des biens avez et de la rithme assez :

Mais moy, a tout ma rithme et ma rithmaille,

Je ne soustiens, dont je suis marry, maille.

Or ce me dit un jour, quelque rithmart :

« Vien ça, Marot, treuves-tu en rithme art

Qui serve aux gens, toy qui as rithmassé ?

- Ouy vrayment, respond-je, Henry Macé ;

Car vois-tu bien, la personne rithmante

Qui au jardin de son sens la rithme ente,

Si elle n’a des biens en rithmoyant,

Elle prendra plaisir en rithme oyant,

Et m’est advis que, si je ne rithmoys,

Mon povre corps ne seroit nourry moys,

Ne demy jour : car la moindre rithmette

C’est le plaisir où fault que mon ris mette ».

Si vous supply qu’à ce jeune rithmeur

Faciez avoir un jour par sa rithme heur,

Affin qu’on die, en prose ou en rithmant :

« Ce rithmailleur qui s’alloit enrimant,

Tant rithmassa, rithma et rithmonna,

Qu’il a congneu quel bien par rithme on a. » 

 

mardi, janvier 18 2011

J’ai fait le rêve d’un monde…

  

La paix. La paix, on en fait à l’envi un mot ou un étendard, un idéal de gens forts ou une basse niaiserie convenant aux seuls faibles esprits. D’aucuns disent que la paix, elle est simplement l’affaire de tous autour de nous et en nous, selon qui nous sommes.

 

Et, déjà, à l’époque de Charles d’Orléans…

 

Je copie ce texte d’une de ses ballades, prière pour la paix, à la fois profonde et légère. Je la copie parce que les récents événements mondiaux m’y invitent tout autant que ceux plus proches qui m’entourent.

 

Seigneur, donne-nous la paix et fais de moi, regard trop naïf, un instrument de Ta paix.

 

 

Ballade LXXVI

 

Priés pour paix, doulce Vierge Marie,

Royne des cieulx, et du monde maistresse,

Faictes prier, par vostre cortoisie,

Saints et saintes, et prenés vostre adresse

Vers vostre filz, requérant sa haultesse

Qu’il lui plaise son peuple regarder,

Que de son sang a voulu racheter,

En déboutant guerre qui tout desvoye ;

De prières ne vous vueilliez lasser :

Priez pour paix, le vray tresor de joye !

 

Priez, prelas et gens de sainte vie,

Religieux ne dormez en peresse,

Priez, maistres et tous suivans clergie,

Car par guerre fault que l’estude cesse ;

Moustiers destruis sans qu’on les redresse,

Le service de Dieu vous fault laissier.

Quant ne povez en repos demourer,

Priez si fort que briefment Dieu vous oye :

Priez pour paix, le vray trésor de joye !


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mercredi, octobre 27 2010

Loi et/ou Amour ? Loi de l'Amour

"Alors ce qu’il faut avant tout et toujours dire aux hommes, c’est d’aimer Dieu, - de savoir qu’il est l’Amour et de se fier jusqu’à la fin à son Amour.

La loi est juste. La loi est nécessaire, – de la nécessité de la transformation pour le salut, c’est-à-dire pour la vie éternelle avec Dieu.

Mais la loi n’est pas Dieu.

Et Dieu n’est pas la loi. – Il est Amour.

Si Dieu a pour les hommes le visage de la loi, - les hommes s’éloignent parce qu’ils sentent que l’amour est plus que la loi, – ici ils se trompent seulement en ceci qu’ils ne reconnaissent pas la nécessité salutaire de la loi.

Mais l’observation de la Loi sans l’amour ne serait pas salutaire.

Et l’amour peut sauver l’homme même au dernier instant d’une vie mauvaise, - si à cet instant l’homme a trouvé la lumière de l’amour, – peut-être s’il a toujours cru que Dieu est Amour.

Il faut délivrer les âmes de ce sentiment d’inimité qu’elles éprouvent (passivement et activement) à l’égard de Dieu si elles le voient dans l’appareil des lois qui leur est une image ennemie de l’amour, – et qui masque le vrai visage de Dieu.

La Croix, - c’est la Loi qui l’a imposée à Jésus, – alors  Jésus l’a prise pour partager avec nous la dureté de la loi.

Il faut dire ces choses aux hommes. Si ces choses n’étaient pas dites, ils s’éloigneraient de Dieu quand ils souffrent, parce que la loi est une chose qui paraît séparer de Dieu, et alors elle se présente à nous, – si nous ne pensons pas à l’amour, - comme une ennemie de nous, et jamais Dieu ne peut se présenter comme un ennemi.

Elle est d’une certaine manière opposée à l’amour. Dieu l’a faite en tant que Créateur de l’être. Mais en tant que notre fin et notre béatitude il nous appelle au-delà.

La loi est extérieurement proposée, elle implique une sujétion, – en elle-même elle paraît n’avoir rien à faire avec la miséricorde, – ni avec l’égalité d’amitié, – ni avec la familiarité.

Elle est vraiment une nécessité ; seulement une nécessité.

L’amour donne par-dessus la Loi.

L’amour crée la confiance, – la liberté d’esprit, – l’égalité, – la familiarité."

 In Raïssa Maritain, « Le vrai visage de Dieu ou l’Amour et la Loi »

dimanche, septembre 26 2010

Foi(n) des autres ?

 

        Dans Tactique du diable : lettre d’un vétéran de la tentation à un novice de C.S. Lewis, un démon expérimenté, Screwtape écrit à son neveu Wormwood, tout jeune démon, pour lui donner des conseils de « direction » de son « protégé ». Je trouve le passage suivant, certes un peu long, particulièrement succulent… et peut-être à méditer en ce mois de rentrée, notamment paroissiale !

 

Mon cher Wormwood,

 

J’ai appris avec un vif déplaisir que ton protégé est devenu chrétien. […] En attendant, il nous faut tirer le meilleur parti de cette situation. Il n’y a aucune raison de désespérer. […]

 

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vendredi, juillet 16 2010

Et même en Allemagne




lundi, juin 21 2010

Il demande une place pour naître




            « Placé entre le feu de ceux qui aiment et le feu de ceux qui haïssent, il faut prêter main forte aux uns ou aux autres. Sachez-le donc ! Ce n’est pas à l’homme en général, c’est à vous en particulier que l’appel est fait ; car toutes les forces morales, intellectuelles, matérielles, qui se trouvent à votre disposition, sont autant d’armes que Dieu vous a mises dans les mains, avec la liberté de vous en servir pour lui ou contre lui. Il faut vous battre ; vous vous battez nécessairement. Il ne vous est laissé que le choix du camp.

            Jésus Christ, quand il est venu au monde, a demandé tout aux hommes, s’étant fait pauvre plus que les plus pauvres. Il a demandé une place pour naître : on la lui a refusée. Les hôtelleries étaient remplies : c’est une étable qui s’est ouverte. Il a demandé une place pour vivre : on la lui a refusée. Le Fils de l’Homme n’a pas eu où reposer sa tête ; et quand il s’est agi de sa mort, il n’a pas eu cinq pied de terre pour s’étendre : la terre l’a rejeté entre le ciel et elle, sur une croix.

            Or, celui qui a demandé demande encore. Il demande une place pour naître. »

 

Ernest Hello, L’Homme

mardi, mars 16 2010

Lueur de calme

 

            Plusieurs Saints sont plusieurs hommes, et il n’y a qu’un seul Évangile. J’ai pris, pour dire ces choses immortelles et tranquilles, l’heure où le monde passe, faisant son fracas.

 

            Un des caractères de l’Église catholique, c’est son invincible calme. Ce calme n’est pas la froideur. Elle aime les hommes, mais elle ne se laisse pas séduire par leurs faiblesses. Au milieu des tonnerres et des canons, elle célèbre l’invincible gloire des Pacifiques, et elle la célèbre en chantant. Les montagnes du monde peuvent s’écrouler les unes sur les autres. Si c’est ce jour-là la fête d’une petite bergère […] elle célèbrera la petite bergère avec le calme immuable qui lui vient de l’Éternité. Quelque bruit que fassent autour d’elle les peuples et les rois, elle n’oubliera pas un de ses pauvres, un de ses mendiants, un de ses martyrs. Les siècles n’y font rien, pas plus que les tonnerres. Pendant que les tonnerres grondent, elle remontera le cours des siècles pour célébrer la gloire immortelle de quelque jeune fille inconnue pendant sa vie, et morte il y a plus de mille ans.

 

            C’est en vain que le monde s’écroule. L’Église compte ses jours par ses fêtes. Elle n’oubliera pas un de ses vieillards, pas un de ses enfants, pas une de ses vierges, pas un de ses solitaires. Vous la maudissez. Elle chante. Rien n’endormira et rien n’épouvantera son invincible mémoire.

 

Ernest Hello, « Préface », Physionomie des saints

dimanche, février 28 2010

Hello ! Une page, « Deux étrangers »

 

            L’homme ignore ce qui peut se passer en lui, à l’instant où certaines choses qu’il a en puissance viennent en acte. Plongeant au fond de lui-même, le Prêtre y saisit subitement d’une main sûre toutes les forces qu’il avait ramassées et préparées depuis longtemps, et les présentant ensemble à Celui qui voit tout, il restant sans parole, comme s’il eût été vide, et dit enfin :

 

- Seigneur, je ne vois, ni ne sais, ni ne puis. Mais ayez pitié de ces deux hommes entre qui vous m’avez placé : car vous êtes leur Dieu et ils sont vos créatures. La terre est trop petite pour eux : ne les repoussez pas de vous ; ne les éloignez pas de la fête éternelle, car vraiment ils ont besoin de joie, et la joie est un de vos dons. Ils ont épuisé les choses de ce monde ; ils étouffent ; ils ont besoin de franchir les bornes de notre atmosphère. Ô Dieu de délivrance, qu’ils saisissent enfin de leurs mains vivifiées la jeunesse et la résurrection.

J’attends, Seigneur, j’attends : faites, faites. Amen aux explosions de la lumière qui va venir. Ne la ménagez pas, Seigneur ; faites-la couler sur nos fronts, sous nos pas ; car on ne sait où poser le pied, nous sommes encombrés de ténèbres. Amen aux splendeurs matinales de l’horizon qui s’allume, et que ces deux âmes soient délivrées !

Faites éclater votre voix qui soulage en parlant ! Esprit de paix, Esprit de joie, ô langues de feu, douces et dévorantes, souffle qui enflammes et qui rafraîchis, sérénité translumineuse, vivifiante, embrasante, devant laquelle meurt ma parole, j’ai prié, et j’attends. Du fond de l’abîme, Dieu de gloire, je vous parle pour eux dans toute la faiblesse, dans toute la terreur, dans toute l’impuissance, dans toute la solennité dont mon âme est capable. Ô lumière adorée, pour leur apprendre à dire : Amen ! ravissez-les jusqu’aux régions de la joie et de la foudre. Qu’ils disent Amen de plus près, Amen sur la montagne, Amen dans leur langue, dans la langue de leur patrie, dans la langue dont l’harmonie fait oublier, se souvenir, se reconnaître et pleurer ! Que leur Amen éclate enfin dans les cieux.

 

Ernest Hello, « Deux étrangers », Contes extraordinaires

 

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