Zabou the terrible

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Mot-clé - Littérature(s)

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lundi, février 15 2010

Incipit herbacé

         Je gravissais un sentier de montagne en me disant : à user de son intelligence, on ne risque guère d'arrondir les angles. A naviguer sur les eaux de la sensibilité, on s'expose à se laisser emporter. A imposer sa volonté, on finit par se sentir à l'étroit. Bref, il n'est pas commode de vivre sur la terre des hommes.

         Lorsque le mal de vivre s'accroît, l'envie vous prend de vous installer dans un endroit paisible. Dès que vous avez compris qu'il est partout difficile de vivre, alors naît la poésie et advient la peinture.


in Sôseki, Oreiller d'herbes (incipit)

samedi, janvier 30 2010

Une page pas tout à fait comme les autres.

                   Le 20 octobre 1917 se termine le Journal de Léon Bloy et le dernier tome de celui-ci, intitulé La Porte des humbles. Sa femme Jeanne le clôt en narrant en une page la mort de cet écrivain si peu ordinaire. Page que je retranscris ici, en forme d’hommage à un écrivain qui m’est cher, en guise de remerciement pour ce journal dont la lecture de longue haleine – que je viens d’achever – est si fécondante pour la pensée, sous son apparente violence, ce qui est, je crois, le propre des Grands. Merci.

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samedi, janvier 23 2010

Décapant Décapage

                Connaissez-vous l’excellent blogue du non moins excellentissime Pierre Jourde ? Outre le fait qu’il soit un grand écrivain, un critique littéraire féroce (Ah La Littérature sans estomac !) et un universitaire aux centres d’intérêt plaisants – dont les travaux huysmansiens ont d’ailleurs grandement inspiré une partie de mon mémoire de l’an passé – ce monsieur [de la] littérature a la charmante idée d’être le tenancier d’un blogue intitulé « Confitures de culture ». Comme la confiture, l’on s’en délecte volontiers malgré des saveurs parfois originales qui peuvent surprendre nos papilles habituées au soporifique ronronnement des médias classiques : c’est avec grand plaisir que j’y fais régulièrement un tour.

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lundi, décembre 28 2009

Un roman français - Beigbeder




Ce qui est bien, avec Noël, c’est qu’on a reçoit parfois des trucs qu’on n’aurait pas achetés soi-même. I. e., en l’occurrence, Un roman français, le dernier Frédéric Beigbeder, et accessoirement prix Renaudot de l’année. On me cultive en contemporain, soit, bonne idée, d’autant plus que j’ai déjà lu trois autres livres de cet auteur.

 

Lisons donc…Achever cette lecture un dimanche de la Sainte Famille… triste ironie. J’hésite entre le conchier et l’encenser, est-ce normal ?

 

Frédéric Beigbeder, drogué malmené, hédoniste sans pitié, passe à confesse. Il ne le fait pas sans son lustre habituel mais la vox populi le dit bien « tout ce qui brille n’est pas d’or »

 

Mais enfin, voilà, j’ai envie de le conchier parce qu’il y a écrit sur la première page « roman », parce que ce livre au reçu un prix  littéraire, parce que ce livre veut être de la littérature. Et que ce livre ne correspond pas à l’idée que je me fais de la littérature, à l’idée que je me fais d’un roman. Je suis sans doute (certainement) snob, mes études me donnent des habitudes d’exigence et j’aime de surcroît, personnellement, les livres qui me résistent, au moins un peu, et non pas ceux qui s’offrent déjà dénudés, impudiques, à un premier regard.

 

Et le dernier Beigbeder est ainsi. Il tente d’enrober d’une surface littéraire – creuse – un fond, un témoignage, une douleur, un vécu… qui, lui, est intéressant. Les fissures profondes et ordinaires d’un gosse de divorcés. Il est des pages qui ne pourraient être écrites par quelqu’un qui n’aurait pas connu certains événements et qui ne résonnent sans doute que dans le cœur d’autres gosses de divorcés de milieu assez aisé. Il est des phrases intelligentes qui sonnent comme des sentences, sans illusions sur un présent douteux. Et c'est réussi, et c'est juste.

 

Mais il n’est pas nécessaire d’enrober tout cela de cette amère ironie qui ne trompe personne, de ces phrases si peu élégantes pour faire le gars cool. Beigbeder sait analyser une facette du mal-être de notre civilisation souvent individualiste, il sait le dire ce malaise, mais à la façon d’un témoignage, pas d’un roman… Et peut-être est-ce finalement l’élément le plus symptomatique de tout cela que ce livre ait reçu un prix "littéraire" alors... qu'il ne l'était pas ?

 

mardi, décembre 15 2009

Comment lire ?

« C’est toujours ainsi qu'il faut lire ses auteurs ; il faut toujours prendre qu'un texte nous tombe directement sur la tête du haut du sommet du Puy de Dôme.

Alors on peut dire qu'on le lit. Autrement il est vulgarisé, défait, habitué, sans fraîcheur. Et c'est comme s'il avait couché avec tout le monde. »


Charles Péguy, dans « Un poète l'a dit », Œuvres en prose t. II, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, p. 806, à propos de Pascal.


mercredi, septembre 9 2009

La sainteté selon Bloy

  

          « J’affirme que la Sainteté n’est pas autre chose que l’épanouissement heureux et complet de l’individualité et que l’étouffement de celle-ci est une œuvre démoniaque. Plus on est saint, plus on est singulier, à commencer par Saint Ignace de Loyola, qui fut le plus grand original de son temps. »

 

6 juillet 1908

In Journal, Léon Bloy

 

samedi, août 15 2009

La fin du "Hussard bleu" (Nimier)

 

Un extrait d'un livre emporté avec moi en Allemagne : un livre extraordinaire dont voici la fin. Je ne peux cautionner ces propos... mais, qu'est-ce qu'ils sont beaux !

 

            Je revenais en France. J’allais beaucoup lui demander. Une civilisation, une patrie, une religion, ces mots ont un sens. Imbécile qui attribuera ces aventures à l’humanité tout entière. Cette écœurante maladie des hommes, ce goût pâteux de soi-même, jamais, non, jamais… Je me rappelais soudain cette petite phrase insolente qui avait hanté ma jeunesse, bouleversant dans mon cœur les prestiges et les lois, régnant et déchirant : « Tout est possible. »

 

            Il me restait donc un avenir. D’un cœur impatient, je venais l’offrir à tout ce qui dure, à tout ce qui exige, à tout ce qui ordonne l’existence. Ce n’est pas compliqué. Nous devons beaucoup à nos amis morts, nous leur devons tant d’années volées. Alors ce qu’ils nous demandent à voix basse, il faut le faire tout de suite. Que voulaient-ils ceux-ci ? Rita me commandait de ne plus aimer personne, Besse me priait de retrouver une patrie, Saint-Anne me conseillait d’être heureux. En les écoutant, je revenais à ma nature véritable qui était de servir à quelque chose, sans amour, mais avec passion, et puisqu’il est assuré que les hommes ne se passent point de récompense, tel serait mon sauvage bonheur.

 

            Paris, voici ton fleuve et les larmes que tu versas, voilà ton visage au front penché. Paris, voici tes rues et la plaque d’identité au bras de chacune. Les hautes maisons subissent l’amertume du soir. Mes pas sonnent sur le boulevard. Désormais, je connais mon rôle sur la terre, mais je ne sais qui je suis. Voyageur, pose des yeux tristes sur les choses, elles te le rendront au centuple. Le visage barré du ciel te menace et te guide à la fois. Vivre, il me faudra vivre encore, quelque temps parmi ceux-là. Tout ce qui est humain m’est étranger.

 

In R. Nimier, Le Hussard bleu.

 

 

 

dimanche, août 2 2009

Au fil des pages : mystère, mystère

 

                Il n’est rien de beau, de doux, de grand dans  la vie, que les choses mystérieuses. Les sentiments les plus merveilleux qui nous agitent un peu confusément : la pudeur, l’amour chaste, l’amitié vertueuse sont pleins de secrets. On dirait que les cœurs qui s’aiment s’entendent à demi-mot, et qu’ils ne que comme entrouverts. L’innocence, à son tour, qui n’est qu’une sainte ignorance, n’est-elle pas le plus ineffable des mystères ? L’enfance n’est si heureuse que parce qu’elle ne sait rien, la vieillesse si misérable que parce qu’elle sait tout ; heureusement pour elle, quand les mystères de la vie finissent, ceux de la mort commencent.

 

In Chateaubriand, Le Génie du Christianisme, Première partie, Livre i, chapitre ii

 

lundi, juillet 13 2009

Sur les routes des vacances ? Hum...

 
Tiré de "La Revanche de l'Infâme" :
 
         Il est évident que tout automobiliste ambitieux est un assassin avec préméditation, puisque un tel sport implique, à son escient et à peu près nécessairement, le massacre de toute créature animée qui pourra se rencontrer sur son chemin. Cela est formel, absolu, indiscutable et l'avachissement inouï des contemporains est seul capable d'expliquer l'ignoble patience qui encourage ce meurtrier.
 
         Il y a deux ans, me trouvant dans un pays mortellement affligé d'automobilisme, je conseillai aux cultivateurs exaspérés de saluer au passage les automobiles avec des pompes à merde. J'allai même jusqu'à préconiser l'obstacle devant et l'obstacle derrière, dans les bouts de route isolés, puis la destruction des machines à coup de merlin, sans préjudice d'une capilotade consciencieuse pour les touristes exaltés, mâles ou femelles. Mais tout le monde gueule et personne ne marche. C'est la couardise, la pusillanimité universelles.
 
         Jamais on ne s'est tant fichu des pauvres, c'est sûr, mais jamais les pauvres ne l'ont tant permis. Cela les flatte, semble-t-il, d'être écrasés par des machines qui ont coûté jusqu'à cent mille francs. Il se dit et il s'imprime que l'industrie des automobiles occupe un nombre incalculable d'ouvriers, qu'elle en occupera demain le double ou le triple, ce qui donne lieu d'espérer qu'à la fin elle occupera tous les ouvriers sans exception. Les deux tiers de la population de la France et des colonies fabriqueront exclusivement des automobiles innombrables au moyen desquelles il seront écrasés quotidiennement et studieusement par le dernier tiers. Il est possible que tel soit le joli destin. Ce serait la levée en masse pour la bonne guerre du parfait abrutissement français. Il y a dix ans, à peine, la bicyclette semblait avoir atteint d'un bond ce résultat. Personne déjà, ne lisait plus rien. Mais l'automobile est un instrument du progrès à tout casser, à tout enfoncer, à tout écraser.
 
        Sans doute la culture des champs est abandonnée et il se pourrait assurément qu'on crevât de faim en allant plus vite. J'ignore s'il y a là une difficulté inextricable et ce n'est pas à moi qu'il appartient de la débrouiller. Toutefois cette circonstance ne change rien au fait indéniable de l'idiotification d'un peuple qui fut le premier de la terre. Ceci est autrement grave que l'écrasement éventuel des individus ou des multitudes.
 
        Qu'un milliardaire infect enrichi par les plus criminelles spéculations et gavé de la substance des misérables, vienne à s'aplatir bêtement et ignoblement contre un arbre ou contre un mur, désormais impurifiable, en accomplissant, au mépris de la vie des autres, un balourd exploit de vitesse, deux cent journaux, le lendemain, lui décerneront le marture et glorifieront en cette charogne une victime du devoir et de la PENSEE !!! Ne dirait-on pas un faire part du décès de la Raison humaine.
 
in Léon Bloy,  Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne.
 

dimanche, juin 28 2009

Education

 
 
Où est la réalité de ce monde ? Un signe s'est fait dans le ciel et les montagnes poussent comme en rêve.
 
Telle est la leçon des sommets. Si quelque jour le petit garçon descend de sa montagne merveilleuse pour aller rencontrer la vie dans les plaines, la vie, ce souvenir d'enfance mal en point, il trouvera les plaines privées de prodiges et il ne comprendra plus. Vivre ? Qui lui donnera la recette ? C'est un professeur de miracles qui a fait son éducation.
 
in Alexandre Vialatte, La Complainte des enfants frivoles.
 

mardi, juin 23 2009

Sans transition, bonsoir

 
 
Ce siècle est un combat, un fracas, un éclat, un tumulte.
 
Souffrez que je vous présente en ce moment quelques hommes pacifiques. Car il y en eut ; à regarder le monde, on est tout près de s'en étonner. Il y eut des Pacifiques. Parmi eux, plusieurs ont reçu une dénomination singulière, officiele, et s'appellent des Saints.
 
Des Saints ! Souffrez que je vous arrête un instant sur ce mot. Des Saints ! Oubliez les hommes dans le sens où il le faut pour vous souvenir de l'homme. Souvenez-vous de vous-même. Regardez votre abîme.
 
dans Ernest Hello, "Préface", Physionomie des saints.  

lundi, mai 25 2009

Invitation... ?

 
Baudelaire, sur Barbey :
 
"D'Aurevilly vous invite à communier avec lui comme un autre à dîner.
- Nous communierons ensemble, et ensemble nous nous agenouillerons, humblement, le poing sur la hanche."
 

mercredi, avril 22 2009

Violence d'une plume aimée

 
Il est des auteurs qui sont vivifiants par leur vitupérante faconde. De temps à autre infréquentables, ils sont pourtant d'une puissance magistrale et, si parfois on les trouve too much, on ne peut s'empêcher de les admirer, malgré tout.
 

Léon Bloy, Introduction du Pal.

4 mars 1885

         J’ai longtemps cherché le moyen de me rendre insupportable à mes contemporains.

         Il serait tout à fait puéril de raconter les absurdes et impraticables desseins que ce désir m’a successivement inspirés.

         Notre époque de faiseurs d’affaires et de cabots dans tous les genres est tellement abjecte, que rien, je crois, - sinon la fuite ailée de Mercure ou l’indifférence du spectateur, - n’est presque plus capable de toucher personne.

         L’âme humaine oxydée d’argent, intoxiquée de littérature et de politique, avachie, défoncée par tous les chiens errants de l’histrionisme, est en chemin de trépasser dans une sorte de paix ignoble et épouvantable.

         On ne s’indigne plus et on ne proteste plus. Le ferment d’aucune grande idée ne soulève plus le fumier moderne. On est fixé dans l’inscrutable sérénité de l’ignominie absolue, et le derrière humain, désormais impassible, est devenu semblable à un immense Maelström pour coups de bottes.

 
 
NdZabou : Le Pal est un journal pamphlétaire créé par Bloy qui ne connaîtra que quelques numéros par manque de financement.
 

lundi, avril 20 2009

Huysmans et l'humour noir

 
De nombreuses personnes reprochent à Huysmans la tonalité sombre de son oeuvre et me prennent pour une frappadingue quand j'affirme naïvement que Huysmans me fait beaucoup rire. Ce petit texte d'André Breton leur fera peut-être comprendre pourquoi parfois, en lisant, tout simplement, tout humblement, j'exulte !
 

          « Par l’excès des couleurs sombres de sa peinture, par l’atteinte et le dépassement d’un certain point critique dans les situations désolantes, par la préfiguration minutieuse, aigüe, des déboires qu’entraîne à ses yeux, dans l’alternative la plus banale, toute espèce d’opinion, [Huysmans] parvient à ce résultat paradoxal de libérer en nous le principe de plaisir.

Les réalités extérieures présentées systématiquement sous leur angle le plus mesquin, le plus agressif, le plus blessant exigent du lecteur […] une réparation constante de l’énergie vitale, minée par l’accumulation des tracas quotidiens qu’on lui rend tout à coup sensibles. […] Il paraît renoncer pour lui-même au bénéfice du plaisir humoristique et […] nous pouvons croire que ce bénéfice nous est exclusivement réservé, l’auteur ne se départant pas d’une attitude accablée qui nous donne à chaque instant l’illusion de prendre sur lui l’avantage. Il y a ici d’une intention délibérée, d’une méthode thérapeutique réfléchie, d’une ruse destinée à nous  faire surmonter sa propre misère. »

André Breton, Anthologie de l'humour noir

 

jeudi, avril 16 2009

Par tous les sens !

 

« Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.

Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie, il cherche en lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! – Car il arrive à l’inconnue ! »

In « Lettre du voyant », c-à-d  Lettre d’Arthur Rimbaud à Paul Demeny du 15 mai 1871.

 

lundi, mars 30 2009

Lire, relire, parler, annoncer : sacrée responsabilité !

            Le lecteur avait pour tâche de mettre le texte sacré, au cours des célébrations liturgiques, à la portée du public des fidèles, dans les églises, les basiliques et autres lieux du culte. Il était le traducteur et l'introducteur auprès du peuple de la parole de Dieu qu'il exprimait en langue vulgaire et dans laquelle il pouvait, sans même s'en rendre compte, glisser ses interprétations subjectives. Il faut entendre que le lecteur, en ces temps où les masses populaires étaient illettrées, se trouvait détenteur d'un privilège éminent : celui d'être un familier du livre. Le prêtre, au-dessus de lui, était le familier des saintes espèces, corps et sang du Christ, et par là, plus que tout autre, initié aux mystères. Le lecteur, à son rang plus modeste, était initié au secret fascinant de l'écriture, à l'ordre des mots, au mouvement de la phrase, à sa respiration profonde, aux constructions subtiles de la synataxe. Il avait le pouvoir non pas d'ouvrir le tabernacle, ce qui était le privilège du prêtre, mais d'ouvrir le livre et d'accéder au sens des mots. Il avait reçu auprès d'un grammairien et d'un rhéteur une formation qui lui avait ouvert l'esprit à cet autre monde, celui de la beauté poétique et philosophique, aussi insondable et inépuisable que l'infini cosmos donné au regard contemplatif.

In Claude Louis-Combet, Transfigurations, "Passion de Maure et Timothée"

mercredi, mars 18 2009

My french accent ou quand Walter Scott intervient

 
Quelque part en Ecosse, parce que l'on ne parle jamais d'Ecosse sur ce blog !,...
Ou quand l'on se moque déjà au XIXème siècle des Français parlant anglais !
 
- Monsieur de Beaujeu ! dit-il
- Monseigneur ! répondit un jeune officier français de très bonne mine qui lui servait d'aide de camp.
- Ayez la bonté d'aligner ses montagnards-là, ainsi que la cavalerie, s'il vous plaît, et de les remettre à la marche ; vous parlez si bien l'anglais ! Cela ne vous donnera pas beaucoup de peine.
- Ah ! pas du tout, monseigneur, reprit le comte de Beaujeu en s'inclinant très profondément [...]
 
- Messieurs les sauvages écossais, dit-il, c'est-à-dire gentilmans savages, have the goodness d'arranger vous ! Le clan qui comprit le commandement bien plus par les gestes que par les paroles, s'empressa de s'aligner.
 
- Ah ! ver well ! c'est-à-dire fort bien, reprit le comte de Beaujeu, gentilmans savages ! Mais très bien. Eh bien, qu'est-ce que vous appelez visage, monsieur ? (s'adressant à un soldat près de lui) - Ah oui ! face ! Je vous remercie, monsieur. - Gentilshommes, have the goodness to make de face to de right par file. Marche ! - mais c'est très bien, messieurs. - Il vous vous mettre à la marche. - Marchez donc au nom de Dieu ! pace que j'ai oublié le mot anglais. Mais vous êtes de braves gens et me comprenez très bien.
 
De là le comte dirigea son cheval vers la cavalerie du baron de Bradwardine pour faire la même opération. - Gentilmans cavalerie, you must fall in... - Ah ! par ma foi, je ne vous ai pas dit de tomber, à vous. - J'ai peur que le gros gentleman se soit fait mal....
 
in Walter Scott, Waverley.

vendredi, mars 13 2009

Comme une prière

 
C'est par une magnifique description d'un soir d'été au bord de la Néva que l'infréquentable Joseph de Maistre commence son ouvrage majeur, Les Soirées de Saint-Pétersbourg. Soirée tellement belle et exceptionnelle, que seul le silence semble juste face au paysage qui s'offre aux yeux des trois amis voyageant de concert. C'est le jeune Chevalier qui le rompt :
 
"Je voudrais bien voir ici, sur cette même barque où nous sommes, un de ces hommes pervers nés pour le malheur de la société ; un de ces monstres qui fatiguent la terre..."
 
- Et qu'en feriez-vous, s'il vous plaît ? (ce fut la question de ses deux amis parlant à la fois)
 
- Je lui demanderais, reprit le chevalier, si cette nuit lui paraît aussi belle qu'à nous."
 
 
Il est jeune, encore bien naïf : il doit l'espérer.
 
Mais ô combien j'espère qu'il ait raison !
Que les Méchants et, même, que les Grands de ce monde s'arrêtent,
Quelques secondes, quelques minutes, quelques heures
Pour admirer la Beauté de la simple nature,
Pour contempler, saisis en leur être,
En un instant de gratuité.
Aimer ?
 
 
Parce que c'est le début de toute prière.
 

vendredi, février 6 2009

Sous la puissante plume de Barbey

 
"Quand nous sommes jeunes, à l'éclat brillant de nos rêves nous ne faisons que nous pressentir, nous deviner pour un temps lointain encore. Ce n'est que quand la passion a labouré notre coeur avec son soc de fer rougi, que nous pouvons réaliser les préoccupations qui nous avaient obsédés jusque-là. Or, il y a mille chances de mort dans la passion."
 
Léa, Jules-Amédée Barbey d'Aurevilly

vendredi, janvier 30 2009

La lecture, une effrayante (mais amoureuse) responsabilité

 
         "Une lecture bien faite n'est pas moins que le vrai, que le véritable et même et surtout que le réel achèvement du texte, que le réel achèvement de l'oeuvre ; comme un couronnement, comme une grâce particulière et coronale. [...] Elle est ainsi littéralement une coopération, une collaboration intime, intérieure [...] aussi, une haute, une déconcertante responsabilité. C'est une destinée merveilleuse, et presque effrayante, que tant de grandes oeuvres, tant d'oeuvres de grands hommes et de si grands hommes puissent recevoir encore un accomplissement, un achèvement, un couronnement de nous, de notre lecture. Quelle effrayante responsabilité, pour nous."
 
Péguy, cité par Steiner dans Passions impunies
 

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