Zabou the terrible

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

vendredi, avril 26 2013

L’aventure étrange de la vie au prisme de la survie


Les éditions JC Lattès ont eu l’amabilité de m’envoyer le dernier livre d’Olivier Le Gendre, C’est une étrange aventure que de survivre en service presse il y a quelques semaines et c’est fort aimable à eux !

 

Et c’est avec intérêt que j’ai ouvert ce livre car le thème de la faiblesse, de la Foi et de la vie dans celle-ci me touche et me parle énormément. Ce livre, c’est l’éloge de la Puissance de Dieu dans nos faiblesses : non seulement dans les « vases d’argile » que nous sommes chacun d’entre nous mais aussi pour la fragilité de l’humanité en général qu’Il vient sauver, au-delà de toutes nos incompréhensions.

 

Cette confiance, cette force qu’Il donne, malgré tout, c’est une des choses les plus belles et les plus intimement touchantes, qu’il nous est donné d’expérimenter quand nous sommes au plus bas. C’est ce que l’auteur balbutie avec ses mots, vers la fin :

 

« Dieu manifeste sa tendresse de multiples façons. Je vous l’assure : je l’ai constaté. Il n’a cessé d’être auprès de moi. Cela ne souffre aucun débat. »

 

Le problème de ce livre, ce qui est extrêmement agaçant, même si cela va en s’atténuant au fil du récit, ce sont les piques perpétuelles contre l’Église. Autant il me semble essentiel d’avoir une parole libre au sein de cette dernière, quitte à dire son désaccord, autant attaquer ou subodorer sans cesse une rigidité derrière des attitudes me paraît manquer de justesse. Car dire son désaccord avec sincérité, c’est ouvrir la possibilité d’un dialogue où l’on accepte d’avoir à terme peut-être soi-même à revoir son point de vue, c’est se mettre en danger mutuellement pour progresser ; tandis que la pique perpétuelle finit par rater son rôle de poil à gratter pour simplement blesser inutilement.

 

Réclamer une bienveillance plus importante de l’Église vis-à-vis de chacun, c’est très juste mais seulement si soi-même on adopte cette attitude envers l’Église, c’est-à-dire vis-à-vis autant de son « impression d’ensemble » que de chacun des membres qui la constitue. C’est d’autant plus dommage qu’on sent bien qu’au fond – et de manière certaine même – l’auteur aime profondément l’Église : mais faut-il craindre de le dire plus clairement, même en face de sensibilités différentes de la sienne propre ?

 

De ce livre, ce sont donc ses pages de confiance que je veux garder. Car l’auteur bafouillait encore, comme un "Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je T'aime", ces belles phrases :

 

 « En vérité, je l’atteste, je croisais tous les jours Dieu dans la présence attentionnée des gens, dans un message, dans le souvenir imprécis d’un verset de psaume. François d’Assise voyait bien dans les fleurs et les animaux une présence fraternelle. […]

Dieu est dans notre monde sous des formes ordinaires ou sous des formes extraordinaires, alors qu’Il aurait pu se contenter de vivre à l’écart dans un lieu inaccessible. Il était là, près de moi, Il ne m’a jamais manqué. Point barre. Je n’en démordrai pas. »

 

samedi, mars 9 2013

Au cœur des limbes


 

Qui dit vacances dit attraper l’un ou l’autre de ma très haute pile, certes à moitié effondrée donc plus large que haute, de « livres pas encore lus » et me plonger dedans.

 

C’est ainsi que j’ai goûté Une saison dans les limbes de Robert Scholtus : petit livre troublant en ce qu’il parle de ces zones frontières, de ces zones floues, qui semblent bien souvent régner en notre vie quotidienne.

 

Comme souvent avec lui, on a l’impression qu’il part en un sens – ici, la si facile et non moins fréquente dénonciation de la modernité – pour s’apercevoir qu’il en extrait finalement des paradoxes, qu’il cherche à montrer la complexité d’un sujet insaisissable qui est celui de notre vie…

 

Cela en fait un livre tout particulier, ardu et poétique à la fois, éveilleur de réflexions, de pensées, de méditations. Comme un appel à la vie, à nous ramener plus à notre condition de vivant, à nous sortir de notre éventuel contentement « limbal » qui nous guette chaque jour.

 

Car, au cœur de ce livre, on trouve cette page, qui s’inscrit comme une bonne bourrasque de vent reçue sur le visage, en ce qu’elle a d’instantané, de fort et de vivifiant :

 

« La vie, vivace et folle, qui s’improvise comme un air de jazz, la vie sautillante et inattendue, la vie au risque de la blessure, au prix de l’abandon, la vie ouverte à l’inconnu, offerte à la rencontre, la vie embarquée en haute mer, affrontée à tous les dangers, promise au déroutement et à l’extravagance de l’amour, voilà ce qu’ils redoutent. »

 

in R. Scholtus, Une saison dans les limbes, éd. Bayard, p. 81

 

dimanche, janvier 13 2013

Bernanos, ou la joie éclatante au cœur des ténèbres


 

Mettre une simple citation de Bernanos sur Facebook éveille parfois une discussion inattendue… d’autant plus quand elle est avec un de ses oncles ! Je ne vais pas rentrer dans les détails ici mais tout a eu pour source cette citation du Journal d’un curé de campagne que je trouve magnifique et qui s’adaptait à mon état d’esprit. Je cite donc :

 

« Mais c’est du sentiment de sa propre impuissance que l’enfant tire humblement le principe même de sa joie. »

 

Mon oncle a rebondi sur différents points mais, quant à l’auteur en lui-même, il disait : « Bernanos est un romancier du ressentiment, de la culpabilité et du désespoir » alors, que pour moi, Bernanos est le romancier de la joie ! D’ailleurs, l’un de ses romans porte même ce titre et je ne crois pas que ce soit un hasard.

 

L’ambiance des romans de Bernanos est certes lourde et pesante à chaque ligne comme si la bourbe du Mal et du péché empêchait aux phrases de prendre leur envol. Y percevoir la joie semble peu aisé car il ne s’agit pas d’une joie légère ou superficielle, il ne s’agit même quasiment pas d’humour dans ses romans et dans celui-ci en particulier – quel triste sire en apparence que le pauvre curé d’Ambricourt !

 

Et pourtant, et pourtant … « l’enfer, c’est de ne plus aimer » dit-il à la comtesse lors de leur mémorable entretien ! Et que lui répond-elle dans sa dernière lettre ? « Je ne suis pas résignée, je suis heureuse. […] J’irai me confesser demain à l’abbé X… [ …] J’ai péché volontairement contre l’espérance, à chaque heure du jour. » N’est-ce donc pas le curé qui la rend à la vraie joie ? En lui montrant qu’elle peut déposer, et donc dépasser aussi bien sa douleur de mère que le poids de son péché ? Que l’espérance est plus grande, que le bonheur est plus vaste ?

 

Et le curé est-il si triste pour s’exclamer en mourant, à l’instar de la petite Thérèse : « tout est grâce » ?

 

Alors que dire de cette citation si ce n’est que je la lis comme un appel à nous tourner humblement, les mains vides vers Dieu pour qu’il nous comble de joie ?

Encore plus profondément : comme un appel à savoir que nous n’avons rien à nous pour Le laisser emplir notre existence ?

« Te ipsum tibi reddam quando te mihi reddidero » (« Je te rendrai à toi-même lorsque je t'aurai rendu à moi ») fait dire à Dieu saint Augustin.

Impuissants… mais pouvant tout en Dieu !

 

jeudi, janvier 26 2012

Lire, relire Claudel

Paul Claudel, ce fut d’abord l’éblouissement d’un poème-prière à l’issue d’une messe familiale, alors que j’avais 14-15 ans.

 

L’éblouissement d’une parole tellement belle, sonnant si juste, qui me disait l’importance du regard, qui me disait Marie, qui me disait l’importance de se tenir là, même à n’en savoir bafouiller qu’un merci :

 

« Je n’ai rien à offrir et rien à demander.

Je viens seulement, Mère, pour vous regarder.

 

Ne rien dire, regarder votre visage,

Laisser le cœur chanter dans son propre langage ! »

 

Après quelques extraits poétiques lus de-ci de-là, ce fut ensuite le dramaturge que je découvris au fil des ans : cette Annonce faite à Marie tout d’abord, qui me marqua sans me rester impérissable et surtout ces œuvres qui me bouleversèrent que sont Tête d’or et Le Soulier de satin. Je ne pense d’ailleurs toujours pas maîtriser la dernière, après l’avoir lue, après l’avoir étudiée, après l’avoir relue, encore et encore… C’est un peu, selon moi, l’un des mystères de Claudel.

 

Œuvres dont le désir ardent qui les habite venait si souvent rejoindre les questions brûlantes de mon âme encore adolescente.

Œuvres qui m’ouvraient si curieusement à l’autre, à Dieu, par des chemins de traverse. Je ne suis jamais sortie tout à fait indemne de leur lecture. Et, bien souvent, aujourd’hui encore, ces « vers » si particuliers me montent à la bouche et au cœur.

 

Pourtant, Claudel sort souvent les machines bien lourdes, bien pesantes : on sait ce qui va se passer. Et je craignais en rouvrant l’autre soir L’Annonce faite à Marie de n’y voir plus qu’un mystère sordide, une première pièce jouée d’un auteur, vidée de toute sa grâce adolescente.

 

En relisant L’Annonce faite à Marie, j’ai redécouvert cette pesanteur terrestre, oui, ces ressorts bien visibles, a fortiori pour un lecteur familier de la Bible… Mais j’y ai aussi lu la grâce ; Et je me suis laissée portée par ces « versets », ces mots libres courant au fil de la plume… Et je me suis laissée touchée par ces phrases qui m’accrochaient parfois au détour d’une motte de terre ; joyeusement ou inconfortablement. Tiens, comme celles-ci :

 

Pierre de Craon : « La sainteté n’est pas d’aller se faire lapider chez les Turcs ou de baiser un lépreux sur la bouche,

Mais de faire le commandement de Dieu aussitôt,

Qu’il soit,

De rester à notre place ou de monter plus haut. »

 

Anne Vercors : « […] Et non point de charpenter la croix, mais d’y monter et de donner ce que nous avons en riant !

Là est la joie, là est la liberté, là la grâce, là la jeunesse éternelle ! »

 

 

Ou d’autres, de nombreuses autres encore, que ma pudeur de lectrice m’interdit de recopier car elles me parlent à moi comme elles vous parleraient autrement.

 

Et je me suis rappelée à cet instant que l’écriture poétique de Claudel était tout entière fondée sur une musicalité particulière : celle de la respiration, celle du souffle.

 

Et je me suis dit qu’il était bon de lire, mais peut-être surtout de relire Claudel, à différents moments de nos vies : pour confronter son souffle à celui qui nous habite à ce moment-là, notre respiration pesamment humaine, et, écouter aussi, dans l’interstice des mots, au gré de ceux-ci, résonner cet autre Souffle, virevoltant, allant et nous menant là où on ne l’attendait pas.

 

samedi, décembre 31 2011

Comme un cerf altéré cherche l’eau vive…

 

Il s’agit là, cette fois encore, d’une marche. Non d’un pèlerinage, hein. Enfin pourtant, ... Bref. En ce dernier jour de l’année, j’aimerais vous partager quelques mots lus qui nous ramènent tout simplement à la faiblesse ainsi qu’à la beauté de notre humanité.

 

« Il n’est pas difficile de se rendre compte à quel point l’homme est hydrodépendant, drogué, prêt à tuer père et mère pour sa dose vitale ! Ici, quelques heures suffisent pour être en manque. Quelques heures pour réapprendre le sens de la vie. Sa fragilité. Notre permanente vanité.

 

Lire la suite...

dimanche, novembre 6 2011

Des livres au Livre, de déjeuners en recensions...

 

Il y a quelques jours, une pause déjeuner entre agrégatifs : toujours un moment privilégié pour décompresser quand, entre deux discussions plus ou moins pédantes sur le programme, sur les profs et sur nos craintes, nous nous mettons enfin à parler de tout et n’importe quoi. Surtout de n’importe quoi d’ailleurs. Le sujet du jour ? Existe-t-il des métiers qui ne peuvent être exercés que par des hommes ou a contrario, que par des femmes ?

 

Bien sûr, l’une de mes collègues de lancer : « ben, prêtre ! »

Moi de répondre quelque chose du genre : « non prêtre, ce n’est pas vraiment un métier, c’est une vocation… Ils sont prêtres tout le temps : pas d’horaires, pas de retraite : c’est tout leur être, jusqu’à la mort ». Et au-delà aussi d’ailleurs.

 

Mais ce n’est pas simple à expliquer en quelques mots qui est un prêtre, ce que c’est qu’un prêtre… Est-ce vraiment possible d’ailleurs ?

 

Enfin, ça tombait bien en réalité… Car il y a justement un bouquin paru il y a quelques jours où des prêtres, des jeunes, tentent de dire leur vie et ce qui la constitue. Et j’en ai écrit une mini-recension sur sacristains.fr 

 

Ca se lit par ici : « Des prêtres : sans scandale, ni trompette »

 

Et pour retrouver le livre, c’est par là :

Ils sont jeunes, ils sont prêtres, ils sont heureux !, presses de la Renaissance,

 par Sylvain Brison, Frédéric Da Silva, David Lerouge, Denis Tosser, Jean-Pierre Barrière,

C’est préfacé par Mgr Albert Rouet et doté d’une belle relecture finale par Laurent Villemin. 

Avec en guest star, un coup d'pouce de l'Esprit Saint ! 

vendredi, septembre 16 2011

Lectures d’été : « La vie devant soi » ou la braise incandescente de l’amour

 Aujourd’hui, j’hésite mais je voudrais vous parler d’un livre un peu particulier… d’une histoire de fils… Bon, disons-le tout net : moi aujourd’hui, je voudrais vous parler d’une histoire de vrais fils de putes.

 

En fait, sous cette accroche choquante[1] je voudrais surtout vous parler d’un livre qui narre une magnifique histoire d’amour. Ce livre, ce n’est pas une sortie récente mais celui qui obtint le Goncourt 1975 : La Vie devant soi d’Emile Ajar – Romain Gary, que je n’avais jamais ouvert.

 

C’est l’histoire tragique de pauvres mômes nés suite à une passade de leurs mères prostituées, et mis en pension chez Madame Rosa, elle-même une ancienne bien connue du métier, trop vieille pour « se défendre avec son cul »[2]. Rien de bien joyeux a priori, une vie à la limite de la clandestinité, dans un milieu fangeux et méprisé.

 

Pourtant, à lire cette histoire, qui est surtout celle du héros, Mohammed, on se prend à sourire. Sourire des réflexions de gosse, pas si bêtes, pleines de finesse et si bien (d)écrites par Ajar, mais encore plus sourire de la tendresse qui se dessine page après page dans un univers si grossier et si humainement drôle.  

 

Plongé dans le monde de la prostitution qui est celui du sexe sans l’amour, Momo pose, se pose et nous pose à nous aussi cette question essentielle : « Est-ce qu’on peut vivre sans amour ? ». C’est la question centrale du livre, l’unique question en réalité tant elle est vitale. Et il vit pour y répondre.

 

Momo, il aime la vie, puis il aime Madame Rosa, de tout son petit cœur. Et Madame Rosa, elle, elle le protège, elle l’aime, même quand ses mandats n’arrivent pas. C’est l’amitié entre un jeune Musulman et une vieille Juive, l’amour impensable et incroyable, maternel et filial, qui fleurit à travers tous les travestissements et toutes les pauvretés de l’humanité. C’est l’Amour qui, seul, résiste jusqu’à la fin et est « capable de tout, croit tout, endure tout »[3].

 

A la fin si rocambolesque succèdent ces derniers mots, sonnant comme une réponse finale, même au sein des dernières notes d’humour : « il faut aimer ».

 

Je ne sais pas si c’est parce que je l’ai lu sur le Camino et qu’il reposait à côté de ma Bible mais j’avais en écho du St Jean : « Mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. » Bizarre, non ? 

 



[1] Faites pas genre, je vous ai vus le lever votre sourcil !

[2] Je cite, hein…

[3] Alors là, je cite aussi, mais, ô indice, c’est un autre Livre. 

mercredi, décembre 22 2010

C’est évident mais pas tant…

 

Quand un livre commence par « contre », j’ai tendance à me méfier, à me demander quel manifeste étrange l’on me proposera encore pour démolir ce qui semblait tenir debout jusque là : comme s’il était honteux d’oser affirmer un jour que l’on est « pour » ! Pourtant, ce livre-là, je tenais à le lire tant j’avais apprécié l’auteur d’une parole osant la différence et dont le ton sonnait si juste dans Le Corps bouleversé, sur un tout autre sujet, pas vraiment évident pour le coup. Alors, j’ai ouvert Contre le Dieu des évidences.

Lire la suite...

vendredi, décembre 10 2010

Aux poètes du theatrum mundi

« Ce qui permet de voir comment l’auteur ne se dit pas au théâtre, mais écrit pour qu’un autre parle à sa place. » (Anne Ubersfeld, Lire le théâtre I)

 

Douceur du livre théorique qui confine au spirituel, qui sonne comme une invitation à un apprentissage :

 

Non seulement à laisser notre plume, nos écrits, s’emplir du Verbe mais bien plus encore à le laisser illuminer notre vie ;

 

Invitation à l’écrire, cette vie, à la jouer, à la donner pleinement pour qu’elle s’inscrive comme un poème, particulier, unique ; pour qu’elle devienne comme une œuvre d’art que nul autre ne saurait jouer dans ses infimes nuances : tout simplement pour qu'elle soit une  vie qui résonne la Sienne dans l’immense theatrum mundi.

 

jeudi, février 25 2010

Bless !

 

            Nos blessures, et les cicatrices ou les infirmités qu’elles nous laissent, sont proprement nôtres, et permettent de nous identifier et de nous reconnaître. C’est à sa blessure ancienne que sa vieille nourrice reconnaît Ulysse à Ithaque, alors qu’il a été, magiquement, rendu méconnaissable par la déesse Athéna, et que, l’esprit tout à la fois empli de joie et de douleur, elle renverse le chaudron où elle s’apprêtait à laver ses pieds. C’est aux plaies de sa Passion que l’apôtre Thomas reconnaît Jésus ressuscité, malgré la condition nouvelle de son corps (Jn. xx, 25-28). Mais, même dans les paroles que nous entendons, l’inflexion de la voix qui se brise à certains mots ou noms nous serait, jusque dans la nuit, signe aussi sûr de reconnaissance, et l’âme a ses blessures tout autant que le corps.

 

Jean-Louis Chrétien, « Blessure », Pour reprendre et perdre haleine – dix brèves méditations, p. 192-193.

 

 

            C’est par ce chapitre, « Blessure » que se termine ce bel ouvrage : difficile d’en parler tant il s’agit effectivement de petites méditations dont certaines phrases savent trouver le fond de notre cœur, et d’autres moins. Mais j’aime ce petit livre parce qu’il ne s’arrête pas à une discipline, n’enferme pas la foi dans un cocon, dans un genre, dans un style. Dix petits mots comme autant de petites sources auxquelles puiser ouvertement, comme autant de stimulants et de fortifiants : Souffle, chemin, tentation, attention, recueillement, bénédiction, paix, douceur, abandon, blessure.

 

Et maintenant… Étincelles III du fr. François Cassingena-Tréverdy. (Enfin, je ne lis pas que ça non plus comme bouquins, hein, je vous rassure)

 

dimanche, décembre 28 2008

Comment lire...

Comment lire…

            A l’invitation d’Incitatus, je réponds à ce beau questionnaire livresque.

Plutôt corne ou marque-page?

                Hérésie ! Comment ose-t-on toucher à l’intégrité d’un livre ? Un livre, ça s’use, ça se fait sous le regard et sous la main au fur et à mesure de la lecture mais pas autrement ! Alors le corner, non ! Bon, après, je suis très tête en l’air et  j’oublie souvent de prendre un marque-page alors que j’en ai plein chez moi : du coup, vivent les efforts de mémoire pour se souvenir de la page !

As-tu déjà reçu un livre en cadeau ?

                Souvent ! On a pu lire il y a peu mes quelques idées sur cet acte loufoque d’offrir un livre : j’ai la chance d’avoir quelques personnes de mon entourage proche qui jouent aussi le jeu. C’est simplement Beau, et occasion de partage.

Lis-tu dans ton bain?

                Bien plus rares sont les bains que les douches mais oui ! C’est un vrai moment de détente. Dans l’eau, on se sent bien, baignant dans l’eau tranquille, loin de tout souci et la lecture se fait apaisante (particulièrement à pratiquer en période de partiels, quand vous n’avez toujours pas terminé de réviser celui du lendemain, qu’il est 21h et en lisant complètement autre chose : ça m’a toujours réussi).

As-tu déjà pensé à écrire un livre?

                Je n’ai pas « pensé à » écrire un livre, j’ai écrit plusieurs petites choses. Dès le CE1, on doit ainsi pouvoir retrouver sur d’obscures copies un vague récit d’apprentissage (je me souviens que tout réussissait au héros !). Après, un peu plus tard, les quasi-rituelles poésies de jeunesse, toutes empesées de bons sentiments ! Puis d’autres textes… Maintenant, on peut dire que cela se partage entre un gros texte sur lequel je reviens souvent, des petites nouvelles éparses et mon « carnet/journal », 100% manuscrit cette fois, un peu irrégulier et surtout très, euh… particulier. Mais, hier comme aujourd’hui, j’écris pour écrire, pas pour « écrire un livre ».

Que penses-tu des séries de plusieurs tomes?

                Ni grand bien, ni grand mal, cela dépend ! Il est des séries de plusieurs tomes exceptionnelles, qui se justifient pleinement et d’autres qui tombent dans l’intérêt marchand, voulant à tout prix « ne pas finir » et tombant dans une médiocrité infâme. Citons par exemple, histoire de changer pour une fois, le domaine de la fantasy et le cycle de l’Assassin Royal, dont les premières péripéties m’avaient plu mais dont les tomes semblent de plus en plus s’orienter vers une suite de la suite de la suite plutôt discutable. Dommage.  

As-tu un livre culte?

                Puis-je dire en avoir un quand il y en a plusieurs ? Ce sont des livres ayant accompagné tel ou tel passage de ma vie et que j’aime toujours relire quand l’occasion s’en présente.

Aimes-tu relire?

                Bien sûr ! Sinon, je ne serais certainement pas en lettres !

La relecture n’est pas un acte itératif pour tomber dans une bête routine mais bien une autre lecture, permettant souvent –et ce d’autant plus, me semble-t-il, que l’écrivain est bon- de dégager d’autres aspects du livre, dans les détails, voire dans les grandes lignes du récit.

La relecture permet aussi de se nourrir et ça fait drôlement du bien.

Rencontrer ou ne pas rencontrer les auteurs de livres qu'on a aimés ?

                La plupart étant morts, la question ne se pose pas vraiment. Pour les autres, why not ? J’aime bien déjà écouter en séminaire de recherche les érudits universitaires dont il m’est arrivé de lire les bouquins : c’est toujours une expérience curieuse que de passer de l’écrit au son et lumière.

Aimes-tu parler de tes lectures?

                Cent fois oui, mais pas avec n’importe qui, non par snobisme mais pour ne pas souler mon p’tit monde. En revanche, avec des amis, c’est autre chose !

Comment choisis-tu tes livres?

                Euh la fameuse pile à lire à côté de mon lit me fait surtout dire qu’il faut que j’arrête d’en choisir provisoirement, entre ceux à lire, ceux à relire pour les partiels ou pour le mémoire, ceux qu’il serait bon que je lise et ceux qu’on m’a offerts. Sinon, la question se pose peu : le choix s’impose généralement de lui-même, souvent parce que j’en ai entendu parler en bien ou parce que je pense que cela élargirait ma perspective sur tel ou tel point.

Une lecture inavouable?

                Que dois-je entendre par inavouable ? Si ce sont des livres mauvais, il y a un certain nombre dans ma bibliothèque mais ils ne sont aucunement inavouables. Comme le disait un mien prof de littérature classique en L2, élaborant toute une théorie du livre mauvais à chaque fois que nous devions travailler Fénelon ou les religieuses de Cambrai de M.-J. Chénier : « Cela permet de mieux apprécier les bons livres ensuite ! Et puis, après tout, étudier la littérature, ce n’est pas qu’étudier la bonne littérature ». Certes.

                Si ce sont des lectures plus dangereuses pour les consciences de moins de 18 ans, alors là, c’est autre chose ! Fille de divorcés, souvent livrée à moi-même, on m’a toujours laissé libre accès à la bibliothèque sans surveiller nullement mes lectures : alors, bon…

Des endroits préférés pour lire?

                PARTOUT ! L’été, j’apprécie tout de même particulièrement  la lecture au grand air, en pleine campagne, seule dans un coin perdu. L’hiver, au coin de la cheminée, avec une bonne tasse de thé.

Un livre idéal pour toi serait:

            Joker ! Si je le savais…

Lire par dessus l'épaule?

                Bien sûr ! Saisir d’un regard le titre, puis quelques phrases, mine de rien, pour savourer en secret ce que pourrait être le contenu des pages.

Lire et manger?

                Les nourritures spirituelles devraient-elles empêcher les nourritures terrestres ?

Lecture en musique, en silence, peu importe?

                Silence obligatoire. Lire est un acte de re-cueillement.

Lire un livre électronique ?

                Ca dépend ce qu’on entend par « livre électronique » : pas par la machine électronique permettant de les lire, là non, autant que je pourrai, je privilégierai le contact du papier.  Mais j’apprécie la lecture des  blogs et sites internet ceci étant.

Le livre vous tombe des mains : aller jusqu'au bout ou pas?

                J’ai des origines normandes ET bretonnes, c’est dire combien je suis têtue et tenace ! Alors, oui, cela me prendra le temps qu’il faudra mais j’irai jusqu’au bout.

….faut pas lancer un défi à une Zabou, même de la part d’un livre…

J’offre à mon tour ce questionnaire à…. qui voudra ! C'est-à-dire que chaque lecteur de ce billet peut doit se sentir concerné. Eh oui, je sais, je suis (aurevillyennement ?) diabolique...

 

mardi, décembre 23 2008

Offrir un livre

Dans quelques jours Noël et l’inévitable échange des cadeaux.

Il y a le tout-aller, celui qu’on offre à quelqu’un comme on l’offrirait à n’importe qui : juste respect du troc marchand de cœur. Mais, mais, mais… est-ce bien une façon de traiter ceux qu’on aime ? Dois-je juste offrir ce que la personne souhaite ? Sans y mettre un peu du mien de cœur ?

Ceux qui me tiennent le plus à cœur, ce n’est pas forcément le plus beau-tout nouveau cadeau où j’aurai mis tout mon salaire de tutrice qu’ils recevront de moi mais bien souvent quelque chose d’assez petit bien que parfois gros : un livre. Non point pour un quelconque sauvetage bêtifiant : il faut faire lire la jeunesse ! Encore moins pour donner à culpabiliser à des aînés qui liraient peut-être moins. Non, cadeau-partage, cadeau coup de cœur : tel est mon vœu.

Ce livre, il m’aura fallu du temps pour le choisir, pour affiner ce choix selon des paramètres dont la difficile conjonction me plonge parfois dans des abîmes de perplexité :

Il doit correspondre à l’ami-d’en-face ET il doit m’avoir touchée.

Offrir un livre qui ne plaira de toute façon pas à l’ami est ridicule : il pourrira sur une étagère alors qu’il pourrait être feuilleté avec délice par les mains d’un autre. Offrir un livre que j’abhorre est un acte d’une lâcheté incroyable mais que j’ai déjà commis : je m’en repens.

Quand l’alchimie est parfaite, c’est plus qu’un cadeau qu’on fait en offrant un livre.

C’est un peu de soi qu’on offre, tant on se dévoile à travers nos goûts, à travers les émotions intimes qui sont celles de la lecture.

Et c’est ouvrir à l’autre, à l’ami, un nouveau champ qu’il pourra explorer quand l’envie l’en prendra : et cela, ça n’a pas de prix.

Et si un jour lui prend l’envie d’en parler, c’est encore un pas de gagné : à deux, on explore bien mieux.

 

vendredi, mai 2 2008

Je reviens te chercher...

 
 
Euh non, tu peux t'en dispenser, j'te promets.
 

jeudi, avril 10 2008

Avis de peu de bruits

 
                Avec plusieurs de mes collègues sorbonnards, nous avons découvert ce semestre un poète qui mérite tout notre intérêt : Philippe Jaccottet. Ayant deux de ses oeuvres au programme en littérature générale, nous commençons à percevoir la grande profondeur de ce poète, maniant la langue avec simplicité et virtuosité. Personnellement, je suis touchée quand je lis ses poèmes... et des phrases "choc" qui nous surprennent au détour d'une page, comme celle-ci :
 
"L'effacement soit ma façon de resplendir."
Ah ouais, quand même...
 
               Bref, je digresse et m'enflamme mais je voulais vous signaler que ce grand poète contemporain venait de faire paraître son dernier ouvrage intitulé Peu de bruits aux éditions Gallimard. On peut en savoir plus en lisant la bonne recension de Pierre Assouline ici. Bonne lecture!
 
 
 

vendredi, mars 14 2008

Lamartine : étude synthétique de 4 poèmes

Comme souvent, je partage avec vous quelques points de mon oral d'hier portant sur les Méditations poétiques de Lamartine.

Etude synthétique des poèmes : La Foi, La Semaine Sainte à la Roche-Guyon, le chrétien mourant et Dieu.

Intro : La Foi. La Semaine Sainte à la Roche-Guyon. Le chrétien mourant. Dieu. 4 poèmes  principalement en alexandrins des Méditations poétiques de Lamartine aux titres à forte consonance religieuse. Ce ne sont certes pas les seuls du recueil –dont le titre même révèle cette dimension- mais ceux-ci apparaissent comme particulièrement emblématiques de la croyance et des questionnements successifs qui habitèrent le poète face aux énigmes et de la vie et de la mort. C’est donc ce questionnement métaphysique qui guidera notre étude, esquissant un cheminement intérieur tout en ambivalence du poète, questionnement d’autant plus important qu'il prend place dans la conception romantique du poète comme « être inspiré ».

Nous l’aborderons tout d’abord sous l’angle des sentiments comme déclencheur du questionnement puis nous étudierons la tentation du croire chez le poète, pris entre son désir et son impuissance, entre doute et foi. En dernier lieu, nous nous interrogerons sur ce qu’est cette foi à laquelle Lamartine semble parvenir.

I Un questionnement métaphysique fruit de l’affect.

            1/ Le Taedium vitae

            2/ Sensations et sentiments du poète.

            3/ Influence des autres, de l’Autre.

TR : Ce questionnement intérieur naissant provoque chez l’A. un désir de croire restant pourtant ambivalent, avec une prise de conscience de son impuissance et de sa bassesse face à l'Absolu.  

II La tentation du « croire » : une telle impuissance face à un si profond désir.

            1/ Désir de croire.

            2/ Impuissance face à plus grand.

            3/ Finalement, un poète face au doute ?

TR : Du simple désir, l’A. semble passer à un Dieu, à une foi qu’il définit comme un « port », même si le doute n’en est point absent. Mais quelle est-elle réellement cette Foi qu’il professe ?

III La foi de Lamartine ou le Poète face à l’Indicible.

            1/ Une foi catholique…

            2/ …mais teintée de déïsme et de panthéïsme (voire… pire !).

            3/ L’homme en prière.

Concl :

Un itinéraire personnel semble donc se dessiner dans ces 4 poèmes au travers de ce qui le provoque, de ce qui le trouble, de ce qui le détourne et l’exalte tout à la fois. Et le mot « méditations » du titre prend alors encore plus de sens comme réflexion personnelle et profonde.

Toutefois, si, en lisant les commentaires suivants chaque poème dans notre édition –celle des souscripteurs de 1849- nous avons identifié le sujet lyrique avec Lamartine et pensons donc avoir suivi son propre cheminement de poète inspiré, peut-être faut-il pour conclure nuancer notre propos et prêter attention aux réserves de Leconte de Lisle dans son étude Les poètes contemporains, assez rudes, où il qualifie l’auteur des Méditations poétiques d’indifférent et rajoute plus loin : « Le poète se demande à satiété ce que peuvent être le temps, le passé, Dieu et l’éternité ; mais il ne se répond jamais, par l’excellente raison qu’il s’en inquiète assez peu : ce sont des lieux communs propices à des développements indéterminés. »  

mercredi, décembre 5 2007

Bois-Co et la littérature - 2

 
         Au mois de février dernier, dans un billet littéraire, je m'étais intéressée à l'influence de la ville de Bois-Colombes sur notre belle littérature française. Il y avait de quoi : seul Bernanos avait osé placer ce mot si retentissant dans l'un de ses romans !
 
         Et voilà que j'ai découvert qu'un autre écrivain du XXème siècle y faisait référence : imaginez ma joie ! Rire 
 
"Le fiancé [...] -selon qu'il disposait d'un tramway, d'un taxi ou d'une auto, lui révélant Bois-Colombes, Marly ou Chartres-"
in Siegfried et le Limousin de Jean GIRAUDOUX !!!
 
        Alors oui, l'on me dira que c'est peu flatteur puisque c'est la destination la moins lointaine mais, quoi, c'est déjà cela !!! L'héroïne, enfin Geneviève Prat, devait déjà être bien contente de découvrir une ville aussi sublime Clin d'oeil !
 
Alors, les Bois-Colombiens disent :
Merci m'sieur Giraudoux !
 
 
(Pour la peine, j'veux bien écrire une dissert' sur vous ! )
 

jeudi, novembre 22 2007

Plan de l'exposé "Image de la ville dans la section "Les tableaux parisiens" des FdM de Baudelaire

 
A ceux qui se demandent pourquoi Baudelaire hantait mon pseudo msn et pour les autres aussi -vous vous en fichez tous- voilà le plan de l'exposé que je devrais présenter demain matin... si la Sorbonne n'était pas bloquée = Surpriiiise ! Confus Bref, passez votre chemin si vous ne connaissez pas Baudelaire et les Fleurs du Mal...
 
L'image de la ville dans les "Tableaux parisiens"
 

Intro :

La ville, pour Baudelaire, c'est Paris : ville natale mais également ville dont il habita la quasi-totalité des quartiers. Qu'une section des Fleurs du Mal comportant 18 poèmes, certains étant subdivisés, s'intitule "Tableaux parisiens" n'est donc guère surprenant... D'autant plus qu'entre les 2 éditions du recueil faites du vivant de Baudelaire, celle de 1857 et la "nôtre" de 1861,  il rencontre Charles Méryon, aquafortiste et qu'un projet de collaboration -qui n'aboutira pas- se met en place. Baudelaire écrit d’ailleurs "Voilà une occasion d'écrire des rêveries [...] sur de belles gravures, les rêveries philosophiques d'un flâneur parisien." Il est n’est donc pas inintéressant de placer notre étude de la ville dans une perspective qui de picturale, devient  littéraire et poétique et l’on peut se demander…

I La vision picturale troublée d’une ville industrialisée. 

       1) Depuis les hauteurs de la ville…

       2)… lors d’une nuit sombre et brumeuse…

       3)… mais dans les moindres recoins.

II Entre tradition et modernité : un tableau mouvant d’une ville en mutation.

       1) Plusieurs plans successifs : comme un film avant l’heure.

       2) Par ses personnages qui sont en mouvement. 

       3) Une ville en pleine mutation.

III Une image ambivalente de la ville par le Poète : du Spleen à l’élévation vers l’Idéal.

       1) L’Enfer moderne…

       2) Quand l’horreur touche au Sublime

       3) L’aspiration à une élévation aux accents quasi-mystiques.

Ccl :

Nous avons vu que l’image de Paris, peinte par Baudelaire avec une grande précision, demeure toutefois ambivalente et contradictoire. Elle devient pourtant  porteuse d’un réel lyrisme où tout, même l’Enfer urbain moderne devient aimable et admirable puisqu’il emmène vers de plus hautes sphères.

De plus, même si la poésie a essentiellement une visée autotélique chez Baudelaire, elle résonne ici curieusement comme un cri, comme un hymne d’amour à Paris, sa ville, miroir de son âme de Poète, où pulsion de mort et de vie sont intimement mêlées. On peut remarquer qu’il titrera par ailleurs un de ses ouvrages Le Spleen de Paris. C’est sans doute cet amour qui le fera s’exclamer, dans son projet d’épilogue, au détour d’une antithèse dont il a le secret : « je t’aime, ô capitale infâme ! ».

A suivre, peut-être, demain matin...

(Allez, je retourne retoucher tout cela ! Bis bald !)  

dimanche, novembre 4 2007

Harry Potter dans sa dernière croisade

                La semaine dernière, Harry Potter 7, dernier tome de cette longue saga sortait (enfin !) en traduction française. Depuis, il n’est pas rare de croiserr des gens dévorer ce livre si palpitant dans des endroits divers. Dans le microcosme catholique, un frémissement s’est encore une fois fait sentir : d’un côté, ceux qui le lisent et qui, pour la plupart, l’apprécient, de l’autre, ceux qui l’anathèmisent de loin, sans se mouiller. This is Spartaaaaa, euh, non pardon : FIIIIIIIIIIIIIIIGHT ! 

Accio lecteurs !

            Vous aurez bien entendu compris dans quelle catégorie je me range. Apprécier ou pas Harry Potter, peu m’importe dans le fond, ce que je n’apprécie pas, c’est cette tendance de certains à se ranger au loin et à dire : « Harry Potter, c’est mal - parce qu’on est catholique. » Là, il y a quelque chose que je ne comprends pas qu’il faudrait qu’on m’explique…

            Certains, mal informés, disent : « le pape l’a condamné / interdit ». Faux ! Le cardinal Ratzinger, en 2003, aurait effectivement prononcé (vous noterez l’usage du conditionnel) des paroles peu amènes vis-à-vis d’Harry Potter tout en reconnaissant ne pas l’avoir lu. Que l’on soit papolâtre, papabile, papophile, papo-pote ou papophobe, on ne peut que reconnaître que notre pape est un érudit : ainsi, ce n’est certainement pas le genre à condamner des gens parce qu’ils lisent ! Du moins, ce n’est pas ainsi que je conçois la liberté du chrétien… ni la culture…

            La culture, parlons-en ! D’autres personnes disent : « c’est mauvais parce que cela ne parle pas de Dieu mais de sorciers », baaah <tirer la langue en même temps>. C’est vrai, la littérature dans son ensemble est 100 % catholique, on n’y parle que de Dieu, de J-C et de tous ses potes ! Affirmer ce genre de choses revient à condamner la littérature… ce qu’une étudiante en lettres, bibliovore par passion, ne saurait faire ! On pourrait constater que ceux qui critiquent HP encensent par ailleurs Le Seigneur des anneaux (mauvaise foi ?), gloser les qualités littéraires de ce texte ou s’attarder longuement sur le concept de « littérature chrétienne » : là n’est pas ici mon but (même si cela serait suffisant à mon sens pour arrêter toute critique et commencer sa lecture). En effet, pour les non convaincus, je vais oser aller encore plus loin et dire que ce dernier opus est… chrétien !!!

            Hein ? Comment ? Je vois d’ici les visages consternés. Pourtant, pour un livre censé « prôner la culture de mort » ou « désagréger l’esprit du christianisme », il est drôlement empli de citations bibliques ce livre ! Allez, pour ne citer que les plus évidentes : « Là où est ton trésor sera aussi ton cœur » (tiré de Matt VI, 21) ou encore « Le dernier ennemi qui sera détruit, c’est la mort » (I Cor XV, 26). D’autres affleurent à certains endroits du texte et, que dire, surtout, de cette insistance sur l’Amour, tant prêchée par Dumbledore ? Que dire de ce renoncement à la puissance dominatrice du jeune Harry pour être tout simplement quelqu’un parmi les autres ? Que dire de cet encore tout jeune homme qui offre sa vie « en rançon pour la multitude » ? Qui a peur au début de la mort mais qui la transcende une fois qu’il l’a acceptée ? C’est l’Amour qui lui permet de vaincre la mort… Ca ne vous rappelle rien ? Oui, sans sur interpréter, HP peut très bien être considéré comme une figure christique dans ce dernier tome. Et il serait porteur de valeurs néfastes pour de jeunes catholiques… ???

Allez, filez vite l’acheter !

En plus, lire un livre aussi palpitant, plein de rebondissements en tout genre, l’un des meilleurs de la série, est un vrai régal !

(Et ça, en réalité, c’est pour moi la raison première pour l’acheter ! Clin d'oeil)


 

Isapdlg, 4 novembre 2007

 

jeudi, février 15 2007

Lettre ouverte à monsieur le directeur de la collection de la Pléiade

Monsieur,

            Je vous écris afin de vous faire part de mon désarroi, et même de mon indignation profonde, face à ce qui me semble être une injustice : la non publication de l’écrivain français Joris-Karl Huysmans dans votre collection. Je ne connais certes point les raisons qui ont pu vous conduire à un tel choix mais j’aimerais partager avec vous celles qui me font considérer ce jugement comme une erreur.

            Si je vous disais qu’avant tout, c’est parce que cet écrivain est mon écrivain préféré, vous trouveriez cet argument risible et vous auriez bien raison. Ma lettre finirait alors au fond de votre poubelle, accompagnée d’un ricanement sordide et d’un haussement d’épaules. Pourtant, ce n’est pas risible : il est mon écrivain préféré, certes, mais il y a des raisons qui se cachent derrière cette affection que je lui porte et que d’autres pourraient à leur tour lui porter s’il était mieux connu. Pourquoi cette réclamation pour Huysmans ? Je pourrais vous retourner la question : et pourquoi pas après tout ? Pourquoi Claudel si l’on passe par là ? Attention, je n’ai rien contre Claudel, bien au contraire, je trouve admirable son Soulier de Satin et L’Annonce faite à Marie notamment mais il n’a pas le droit d’éclipser l’un de ses condisciples sur les voies étroites et escarpées de la conversion ! Car Huysmans est un cas bien unique !

            Relisons ensemble, si vous le voulez bien (de toute façon, vous restez maître d’acheminer cette missive vers son cimetière quand vous le souhaitez), quelques points qui me semblent essentiels dans la vie et dans l’œuvre de ce cher Joris-Karl. Au pire, nous pourrions laisser de côté sa période « naturaliste pur » et encore, cela se discute : sa première nouvelle Sac au dos, n’est-elle pas déjà incroyablement troublante de modernité ? N’y percevez-vous pas déjà les prémices d’un personnage qui trouvera son accomplissement en Bardamu, chez Céline ? Il est difficile de mettre certaines de ses œuvres de côté tant celles-ci ont trait au cheminement personnel de l’auteur. D’ailleurs, la plupart de ses héros sont des héros qui ne se fixent pas réellement, qui sont toujours à la recherche de quelque chose de plus grand, de plus beau face au monde qui ne leur renvoie qu’une image fade et ignominieuse.

            Je ne vais pas m’attarder plus longtemps sur cette époque « huysmansienne » car j’aimerais désormais m’attaquer à ce qui est considéré comme le « must » de l’œuvre de Huysmans -à raison selon moi- : A rebours. O curieux roman où il se passe tout et rien à la fois ! Pas, ou en tout cas très peu, d’actions tout au long du livre. Et pourtant, toute l’incroyable misère humaine de celui qui est perdu en chemin, qui recherche les sensations les plus folles, qui se bâtit en rêve un monde, le sien, plus beau. On l’a qualifié d’archétype du roman décadent : je ne sais s’il mérite cette épithète mais ce livre est un chef d’œuvre, unique, vraiment. Relisez l’admirable scène du dîner funèbre, organisé pour faire le deuil de sa… virilité ! Relisez la description de cette pauvre tortue, victime de l’imagination débridée du héros ! Que d’imagination mais également… que d’érudition ! Perversion perversion que tout ceci, me répliquerez-vous peut-être. C’est possible mais je crois que Des Esseintes est avant tout un brave gars, ayant ses travers comme tout un chacun, chez qui est présente, comme chez l’auteur, une soif ardente d’Absolu : c’est la source de son malheur –et de sa folie, il faut aussi le constater- dans ce livre. Selon le mot très connu de Barbey d’Aurevilly, après un livre comme celui-ci (je cite de mémoire) « l’auteur n’a plus qu’à choisir entre le canon d’un pistolet et les pieds de la croix » ce à quoi Huysmans répond dans la Préface écrite vingt ans après (je cite toujours de mémoire) : « c’est fait»

            Oui, je ne vous le cacherai pas, Huysmans me touche encore par son itinéraire de conversion. « Ah, encore une catholique ! ». Certes. Mais je pense que la recherche de Huysmans, retranscrite par celle de Durtal dans les romans successifs : Là-bas, En route, la Cathédrale et L’Oblat est à même d’intéresser tout le monde ou, tout au moins, ceux qui cherchent un sens, confrontés à l’absurdité d’une vie qui semblerait inutile et vide, qu’ils aimeraient "remplir". L’itinéraire de Durtal est remarquable à ce titre car complètement en dehors des sentiers battus puisqu’il va du satanisme jusqu’à l’oblature bénédictine ! Et vous voudriez priver vos lecteurs de la lecture d’un tel cheminement ? Ensuite, en tant que catholique appréciant le monde bénédictin, je suis, il est vrai encore plus particulièrement touchée par certains passages du livre. Tenez, prenez le récit de la conversion de Durtal lors de sa confession au prieur de la Trappe, dans En route : quel catholique ayant un jour fait l’expérience d’une confession bouleversante ne se sentira pas pris aux tripes en lisant cela ? Comment ne pas être touchés par les combats et par certains questionnements si puérils et si stériles de Durtal ? Comment ? Trop de liturgie de façon générale ? Il ne faut pas exagérer : Huysmans aime la liturgie, cela se voit, cela se sent (il l’avoue lui-même : « je suis un morphinomane de l’office ! »), mais il fait tout de même œuvre de pédagogie en expliquant les éléments de celle-ci ! Et puis, vous avez sans nul doute des lecteurs catholiques de votre côté.

            Et ce n’est pas non plus sur son style que vous pourrez attaquer cet auteur ! On peut aimer ou ne pas aimer, c’est le droit de chacun mais on trouve chez lui une recherche de l’épithète, du mot juste qui lui est propre. L’originalité est certaine. Sincèrement, il n’y a que chez lui que j’ai un jour entendu parler des « ptomaïnes » (dans En rade, je crois) !

            Je vais m’arrêter là car je pourrais en parler des heures et vous avez peu de temps à votre disposition, je suppose. Mon plaidoyer est ce qu’il est mais je peux le compléter sur demande ! Vous allez certainement me répliquer qu’en tant qu’éditeur, il vous faire des choix et ceci, au quotidien. Je ne le nierai pas. Mais, monsieur, Huysmans était un Grand. Et quel plus beau cadeau faire à cet écrivain qui aimait tant la Beauté que le publier dans une belle édition, en cette année où nous fêtons le centenaire de sa mort ?

Une étudiante en Lettres.

 

page 2 de 2 -