Zabou the terrible

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Mot-clé - Mais il y a Jean Sulivan

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mercredi, septembre 14 2016

La grâce, cette poésie de Dieu dans la vie

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"Avant d'agir politiquement, la foi agit poétiquement, crée le regard neuf, chante le Magnificat, c'est-à-dire abat la puissance, relève ce qui est à terre, non par envie, à cause d'une perception spontanée des choses, hors de l'aveuglement. Elle voit la force dans la faiblesse, la gloire dans la dérision. L'énorme absurdité de la Croix brise ce qu'on nomme réalité." 

 

In Jean Sulivan, Matinales

mardi, septembre 9 2014

Si, parfois, tu crois ne voir que de la fumée, n’oublie pas

 

 

« Dieu se dit à Moïse par le buisson en feu. Et Jésus : ‘Je suis venu mettre le feu et ce que je veux c’est qu’il flambe’.

 

A part la terre et les astres éteints, l’univers n’est que feu, dit-on. Dieu travaille comme le feu jusqu’à ce qu’il soit tout en tous. A la Pentecôte la foi commence par une mise à feu.

 

Certes, au long de l’histoire, il arrive qu’on ne voie que de la fumée. Mais il n’y a pas de fumée sans feu. »

 

 

Jean Sulivan, L’Exode, p. 206

 

mardi, juillet 2 2013

Parce que Ta Parole

 

« On parle, quelque chose va éclater, illuminer soudain le fond glauque d’une âme et chacun sentira les bourbes mouvantes de la sienne. Et puis non, la menace s’écarte, le danger est évité, on se remet tranquillement à échanger des lieux communs. »

 

J. –P. Sartre, cité in Jean Sulivan, Devance tout adieu

lundi, mars 25 2013

Plagiat par anticipation pour temps présent

En guise « Plagiat par anticipation » ? Ou parce que délicieusement à temps pour le contretemps ?

 


 

« Va-t-on croire que je suis contre les réformes ? Je suis contre la précipitation, pour la lenteur de la vie, contre les assises solennelles qui décident pour tout le monde comme une assemblée politique. Je crois à un mouvement qui va du dedans au-dehors, à la relation personnelle de chacun avec l’absolu aussi bien chez le contestataire que chez le résistant. De la politique et de la diplomatie à la réformation intérieure : voilà le passage à opérer. On ne mène souvent des batailles au-dehors que pour éviter la confrontation essentielle.

D’innombrables communautés existent dans le monde, qui ne sont ni pour ni contre, inventives. La presse n’en parle pas parce qu’elles n’ont pas d’apparences. Ce sont ces noyaux épars qui portent l’avenir déjà présent. Le grain pousse sans qu’on y pense, le jour et la nuit.

 

Nous ne sommes qu’au début d’une longue marche vers une mutation à peine inaugurée. En ce temps infime de deux millénaires, l’Église a tâtonné pour se situer au cœur de la vie. Réussites et échecs se sont mélangés sans qu’on puisse dire où est l’échec, où la réussite. Forte d’une expérience, elle prend un nouveau départ. Aucune illusion à avoir il n’y a pas de haltes : toute halte est mortelle. Quand une cause commence à triompher il est temps de prendre ses distances et de s’insurger contre ce qui ressemble en elle à ce qui fut vaincu. La condition de l’Église est d’être crucifiée. Tout éveil est un nouveau sommeil. L’Évangile d’aujourd’hui comme hier déchire le voile, détruit le Temple parce qu’il sait qu’il se relève en 3 jours. Comme dit Yeats : Toutes choses tombent et sont reconstruites à nouveau et ceux qui reconstruisent à nouveau sont joyeux. »

 

in Jean Sulivan, Miroirs brisés, p. 249-250


mercredi, janvier 30 2013

Antitoxines

 

Une belle citation…

 

… Mais à laquelle je mets un avertissement : ne croyez pas trop vite qu’elle dit ceci ou cela. Si vous la sentez devenir d’un coup trop péremptoire, conseil d’amie, relisez-la : il est possible que vous trouviez qu’elle dise encore autre chose. Puis peut-être même autre chose.

 

« Toute la question est de savoir si les sociétés modernes peuvent encore secréter des antitoxines. Un jour des hommes en grand nombre sauront-ils, chrétiens comme athées, qu’on ne peut sauver son âme, c’est-à-dire sa vie, dans le bruit, la publicité, l’absurde rythme des affaires ? L’Eglise à venir se bâtira contre le monde, c’est-à-dire contre le royaume du malaise et de l’oppression, en créant un espace intérieur dans lequel les hommes pourrait exister à l’humaine. Ainsi pourra-t-elle exprimer sa vocation de salut à ras de terre et pour tous. Après avoir été malgré elle c’est-à-dire malgré le peuple chrétien le plus ferme soutien de sociétés monstrueuses, elle deviendra dangereuse en mettant par sa seule existence le monde en jugement. »

 

in Jean Sulivan, Miroir brisé, éd. Gallimard, p. 19-20.

 

jeudi, décembre 6 2012

Tout préparé pour le bonheur

 

 

 

« Le martinet se blessa pour que la rencontre fût possible. Vint le jour que l’enfant, jailli des rochers, happé par sa propre émotion, se précipita vers l’homme : il tenait un oiseau dans ses deux mains. Hirondelle, dit l’enfant. Martinet, dit l’homme. Pourra-t-il repartir ? dit l’enfant. Le martinet avait une aile cassée. On s’était affairé toute une matinée. On avait construit une cage minuscule. Il ne fallait pas que l’oiseau pût s’agiter. Avec du sparadrap, on avait serré les ailes sur le corps fragile, l’aile valide, l’aile malade. Il ne faudrait pas y toucher avant quelques semaines.

 

- Pourquoi a-t-il des pattes si petites ? dit l’enfant. S’il tombe à terre, est-il vrai qu’il ne peut jamais repartir ? Pourquoi Dieu lui a-t-il fait des pattes si petites, des ailes si longues ?

- Dieu ! dit l’homme. Dieu n’a pas de réponse, il pose les questions.

 

L’enfant survenait, déposait sur la seconde marche la boîte peinte qui contenait les insectes – car Dona Paca, la gouvernante, supportait mal que l’enfant s’introduisît dans la villa, - repartait vers ses jeux, revenait avec la mer.

- Tu crois qu’il volera ? disait un jour l’enfant.

- Patience, disait l’homme.

- Ils disent qu’il n’y a pas de martinet ici, disait l’enfant.

- Non, il n’y a que les mouettes. Ici, il y a trop de pierre et de soleil pour les oiseaux de grand ciel.

- Saura-t-il retrouver son chemin ?

- Oui, disait l’homme : ils ont leur chemin dans leurs ailes, tout préparé avec leur bonheur. »

 

Jean Sulivan, Mais il y a la mer, éd. Gallimard, p. 25-26.

 

dimanche, juillet 8 2012

Cela


« Ainsi la conversation quotidienne n’est que rengaine jusqu’au moment où quelqu’un parle de son propre regard, de sa voix, remonte de son fond une impression, une révélation qui est sienne ; comme dans les livres tout est vain qui n’est pas cela, le jaillissement irrépressible de la vérité la plus intime qui appartient à tous… Et sans doute l’exil n’est-il supportable que parce qu’il y a cette frontière perdue, retrouvée, au-delà de ce qui protège et masque, mots, briques, papiers peints…

 

Comme si ces impressions qui peuvent surgir d’un magma de médiocre souvenirs et qui vous envoient à l’improviste un coup léger, vous griffent le cœur d’une fine blessure, comme si ces impressions, ces traces actives en nous, presque sans nous et souvent à jamais ignorées, étaient ce qu’il y a de plus intime, de plus incommunicable et cependant de plus universel, si du moins la parole vient à leur donner existence.

 

Point n’est besoin de toujours les avoir ressenties soi-même, chacun les croit reconnaître dans le tremblement de la voix, d’une écriture, participe au bonheur de celui qui les exprime sans les avoir peut-être vécues, mais parce qu’il les a reconnues sur un visage, car ce qui se tient aux profondeurs est aussi, une seconde, surface et forme, une lumière dans un regard, une ombre, ce pli du front, des lèvres, aussi nécessaire, inattendu, imprévisible que les traces sur la pierre que laissent la pluie, le vent, la mer, aussi vraies, plus vraies que les idées abstraites mais que nous ne savons déchiffrer, et les mots ne nous sont donnés que pour retrouver la palpitation de ces secondes perdues, retrouvées, immuables tout au long d’une vie, la joie secrète hors du temps, quand l’éternité déborde. »

 

in Jean Sulivan, Car je t’aime, ô Éternité !

 

jeudi, juin 21 2012

Qu’est-ce que je dis ?

 


« Il répète trop : la foi, la foi, il s’accroche au mot comme à une bouée.

Quand on veut parler d’une chose, il faudrait ne pas la nommer trop vite. Les mots ne sont pas des objets.

La poésie seule pourrait faire deviner que le sens est au-delà et ne peut surgir que d’une rencontre, la rencontre de l’esprit chrétien et du Saint Esprit prisonnier dans la lettre. »

 

in Jean Sulivan, Consolation de la nuit

 

 

A lire, je me demande : qu’est-ce que je dis, quand je dis « Dieu » ?

Qu’est-ce que je dis, quand, témérairement, j’ose dire que je prie… 

 

 

Donne-nous et trouve en chacun de nous des poètes épris de Toi,

Te remettant, jetant en Toi d’un élan quotidien, écrits et cris,

Tentant de chanter et ne sachant, et ne faisant, que balbutier ;

Mais gracieux jusque dans leurs balbutiements porteurs de fragments étincelants,

Parce qu’échos, parce qu’éclats, dans leur vie, d'une rencontre impossible à contenir.