de l’orage, l’arbre du peuple.
Ses héros montent de la terre
comme les feuilles par la sève,
et le vent casse les feuillages
de la multitude grondante,
alors la semence du pain
retombe enfin dans le sillon.
Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
nourri par des cadavres nus,
des morts fouettés et estropiés,
des morts aux visages troublants,
empalés au bout d’une lance,
recroquevillés dans les flammes,
décapités à coups de hache,
écartelés par les chevaux
ou crucifiés dans les églises.
Voici venir l’arbre, c’est l’arbre
dont les racines sont vivantes,
il a pris l’engrais du martyre,
ses racines ont bu du sang,
au sol il a puisé des larmes
qui par ses branches sont montées
parsemant son architecture.
Elles furent fleurs, quelquefois
invisibles, fleurs enterrées,
d’autres fois elles allumèrent
leurs pétales, comme des planètes.
Et l’homme cueillit sur les branches
les corolles aux parois durcies,
il les tendit de main en main
tels des magnolias, des grenades,
et brusquement, ouvrant la terre,
elles grandirent jusqu’au ciel.
Pablo Neruda, Chant général