Zabou the terrible

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dimanche, juillet 23 2023

En reposant les choses : l’écoute dans le processus synodal ? – 2

 

« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. Leur communauté, en effet, s’édifie avec des hommes, rassemblés dans le Christ, conduits par l’Esprit Saint dans leur marche vers le Royaume du Père, et porteurs d’un message de salut qu’il faut proposer à tous. La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire » disait la constitution conciliaire Gaudium et spes dans ses premiers mots, comme un signe de cette présence plénière des chrétiens, à la suite du Christ, au cœur du monde de leur temps. 

 

         Quel rapport avec le synode sur la synodalité ? Tout ou presque je crois ! En effet, avant tout, celui-ci est un processus d’écoute : écoute de la parole de Dieu d’abord, écoute de cette voix de fin silence soufflant au fond du cœur de chacun mais aussi écoute entre nous, hommes et femmes de bonne volonté et de ce « sens de la foi », ce sensus fidei dont tous nous sommes porteurs, richesse qui nous est propre et dont la tonalité spécifique manquerait si nous n’étions pas présents. Les différentes phases de ce synode manifestent les écoutes successives, qui manqueraient si nous n’en restions qu’à une simple écoute dans notre mouvement ou dans notre communauté, renfermés un peu trop sur nous-mêmes et non pas ouverts à l’Église universelle. Mais là encore, y sommes-nous si habitués ? 

 

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samedi, juillet 22 2023

En reposant les choses : un synode sur la synodalité ? – 1

 

         Voilà bien longtemps que je voulais écrire quelques mots au sujet du synode sur la synodalité. A vrai dire, j’aurais même beaucoup de choses à dire mais le temps me manque (ou en tout cas me manquera probablement) pour écrire toute la série d’articles que j’aimerais écrire sur le sujet tant il me semble qu’il y a de confusions. Il n’empêche que la parution successive d’un certain nombre d’articles récents attaquant pour certains non pas tant tel ou tel sujet évoqué par l’Instrumentum laboris que le principe même du synode me donne envie d’écrire au moins un billet (et plus si j’en ai l’occasion). 

 

         De fait, à en croire les internets catholiques, il faudrait être contre cet horrible synode ! J’exagère mais, en réalité, je ne crois pas qu’il s’agisse vraiment d’être pour ou contre : il s’agit d’un processus entrepris dans toute l’Église qui nous concerne, tous. Si l’on en est encore à se demander quel est notre avis à ce sujet, c’est peut-être que nous n’avons pas vu que nous étions concernés, en marche ensemble (sans mauvais jeu de mots car il s’agit bien de marcher ensemble), impliqués dans cette même démarche, occasion pour l’Église de se mettre à nouveaux frais à l’écoute de l’Esprit Saint pour réfléchir à sa manière d’être et de vivre l’annonce de l’évangile. 

 

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jeudi, octobre 28 2021

Et de l’écoute, et des victimes (suite et fin du précédent)

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Vous connaissez probablement ce petit aphorisme sans prétention mais juste de Bernard Werber : « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous avez envie d'entendre, ce que vous entendez, ce que vous comprenez... il y a dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer. Mais essayons quand même ». 

 

Ce n’est pas si simple mais essayons car il y a tout de même des paroles particulièrement centrales à écouter ces temps-ci : celles des victimes. J’ai l’impression de l’avoir répété à de nombreuses personnes ces derniers jours : je crois que beaucoup de choses changent dans notre relation à ce qui est dit dans le rapport de la CIASE quand on a eu, une fois, ou plus, l’occasion d’entendre une victime. Parce que notre cœur est alors déjà attendri, plus disponible, moins engoncé dans la graisse de sa sécurité tranquille. 

 

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mercredi, septembre 2 2020

Vous avez dit bénédiction ?

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            C’est drôle : plusieurs fois au cours de ces dernières semaines, j’ai parlé avec d’autres personnes de « bénédictions ». Dimanche, c’était plutôt suite à une discussion plus musclée autour d’une bénédiction des cartables sur Twitter. Alors, sachez-le : je suis très pro-bénédictions et je ne parle pas que de la bénédiction finale à la messe ! Non, je parle ici de toutes celles qui existent en plus : bénédiction du pèlerin, d’une habitation, d’une voiture ou des cartables par exemple, ou d'autres encore ! 

 

            Cela fait-il de moi pour autant une animiste ou quelqu’un aimant une certaine magie féérique ? Je ne le crois pas. On pourrait répondre en travaillant l’histoire et la portée théologique de ce qu’est une bénédiction : je le ferai bien plus humblement, en précisant simplement ce qui fait que je les aime. Certains vont me dire de m’arrêter, qu’ils me voient venir et que je vais défendre la piété populaire. Cela pourrait être vrai d’une part mais ce n’est pas cela qui fait que j’aime les bénédictions. 

 

            L’étymologie de bénédiction, vous connaissez ? Cela vient de bene et de dicere, dire du bien… Et je fais partie de ces personnes qui pensent que dire du bien, non seulement ça ne fait pas de mal, mais surtout cela fait sacrément du bien sans mauvais jeu de mots ! Dans notre tendance à voir le mal, c’est comme annoncer et prononcer l’irruption du bien. C’est encore plus fort s’il s’agit de dire du bien de la part de Dieu sur une personne, évidemment, comme c’est le cas ici. Prier, de fait, c’est aussi croire à la mystérieuse fécondité des mots qui sont dits, que cela soit à voix haute ou dans le secret de notre cœur. 

 

            Mais quid d’un objet alors ? Il se conçoit aussi en relation avec la personne : en fait, ce qui est important pour moi, dans une bénédiction, sans doute plus que tout, c’est qu’il s’agit de « mettre Dieu dans le coup ». De poser, par un acte, que nous voulons nous mettre, dans ce lieu, dans les actions que nous ferons avec tel objet, sous la protection du Seigneur et Lui demander Sa grâce ! Et, ensuite, que nous voulons agir avec Lui et pour Lui. Rien d’anodin mais au contraire, c’est très fort et cela nous engage pour la suite à chercher à vivre en conséquence ! 

 

Ainsi, ce n’est pas parce que mon sac à dos a été béni lors de la bénédiction des cartables que mon stylo rouge qui était glissé à l'intérieur dans ma trousse corrigera mieux : mais c’est dans la mouvance de la bénédiction de Dieu que je désire vivre mon année de prof, lui demandant humblement sa grâce de m’en servir au mieux ! Peut-être que, dans le fond, c’est aussi pour que mon stylo rouge devienne à son tour instrument de bénédiction plutôt que de malédiction… peut-être ? 

 

lundi, mars 2 2020

Et si le pire germe n'était pas celui du virus ?

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            Sans aller jusqu’aux noms d’oiseaux, on ne peut pas dire que le coronavirus laisse la cathosphère en paix : des règles d’hygiène aux complotismes les plus fous, il y a de quoi s’instruire, de quoi sourire mais aussi de quoi être largement agacé. 

 

            Plus qu’un nouveau virus, il semble que le Diviseur a largement versé ses ferments les plus puissants :

Comme s’il était impossible d’être pour les mesures sanitaires et pour le respect de l’eucharistie (et comme si cela dépendait vraiment d’une posture ou de l’autre) ;

Comme s’il était impossible d’être pour garder les églises ouvertes tout en reconnaissant qu’il faut prendre le maximum de précautions ;

Comme s'il était impossible d'être pour nos frères et soeurs les plus fragiles et d'être pour nous tourner vers Dieu ; 

Comme s’il était impossible d’être pour prier tout en étant pour appliquer les règles fixées par l’État (tout en sachant reconnaître l’absurdité de certaines concernant tel cas et pas tel autre : les églises ne sont évidemment pas plus dangereuses qu’un match de foot ou qu’un ciné ! Il faut le dire, dans la vérité ! D’ailleurs, nous, on purifie tout à l’encens et zou !) parce que nous, chrétiens, sommes aussi des citoyens.  

 

            Je suis fille de dentistes, j’ai grandi dans un univers à connotation médicale où, pourtant, nous n’allions chez le médecin que quand il fallait vraiment mais où la médecine et ses précautions n’ont jamais été mal vues mais au contraire, ont toujours été considérées comme un bon moyen. Alors, je suis inquiète de l’angélisme de certains de mes frères et sœurs chrétiens : pourquoi ne pas prendre ces moyens que le Seigneur nous donne ? Il me semble qu’il y a presque là quelque chose de l’ordre d’une tentation : « Seigneur, montre-nous que Tu es Dieu, dussions-nous mourir ». 

 

Mais, surtout, encore plus que tout cela, il y a urgence à arrêter de nous opposer entre ceux qui seraient purs et durs et ceux qui seraient faibles et mous ; il y a à commencer à nous tenir dans une même prière que ce soit, ou non, dans le même lieu et dans une même unité : sans peur mais en confiant au Seigneur tous les souffrants, tous les soignants et aussi toute la peur réelle autour d’une épidémie qui pourrait dépasser non sans doute la mortalité mais bien toucher les plus fragiles tout en débordant les possibles de nos hôpitaux déjà impossiblement bondés. 

 

Car il faut tenir, je crois, l’un et l’autre, la dimension verticale et la dimension horizontale ensemble, ce qui est somme toute assez logique dans une religion dont la croix est l’un des symboles. Je me rappelle d’une expression qui m’avait marquée d’une des dernières homélies de messe chrismale de Mgr Daucourt sur le fait que les chrétiens sont « des réalistes donnant le primat à la grâce ». Il me semble que là est la clef et que le discernement des attitudes à tenir se trouve à ce point crucial, justement, entre primat de la grâce et réalisme de nos vies et de notre pays. 

 

 

samedi, octobre 26 2019

De la laïcité, des laïcards et autres considérations religieuses

http://www.prefectures-regions.gouv.fr/var/ire_site/storage/images/ile-de-france/documents-publications/pref-actualites/2018/16-mai/laicite-des-formations-civiques-et-laiques-d-aumoniers-dispensees-en-ile-de-france/305863-1-fre-FR/Laicite-Des-formations-civiques-et-laiques-d-aumoniers-dispensees-en-Ile-de-France_articleimage.jpg

La laïcité revient dans les débats comme on en a périodiquement l’habitude. Ce qui a mis le feu aux poudres c’est une histoire où le plus choquant à mon sens est le ton méprisant de l’élu prenant la parole : quelle que soit l’opinion sur le voile (et encore est-il si simple d’être juste pour ou contre ?), comment peut-on se permettre de rembarrer ainsi une personne au nom de la République alors que cette dernière est censée avoir pour fondement le respect de l’humain ?

 

Pour le reste, pour ou contre ? La question n’est jamais si facile qu’on le pense et demande tout sauf des réponses binaires et arbitraires. Il va falloir très certainement la repenser pour permettre à chacun de vivre sereinement sa croyance ou sa non-croyance dans une société pluraliste.

 

Vivre sereinement cela ? C’est justement, pour moi, l’un des sens de la laïcité à l’école et plus spécialement de la neutralité du fonctionnaire de l’état. Elle est souvent un délicat exercice d’équilibriste tant les élèves arrivent religieusement « chargés » en classe, tout spécialement les musulmans. Il faut reprendre les innombrables « sur le coran de la Mecque », « inch’Allah » etc etc en rappelant que la règle principale du prof est le non-engagement personnel dans telle pensée religieuse (ou athée, ne l’oublions pas) et nous, nous taire fermement sur nos opinions propres : nous ne sommes pas là pour influencer un esprit encore en formation. En revanche, la réelle question d’aujourd’hui selon moi, face à cette demande forte émanant du fait religieux est : « comment éclairer cet esprit en formation ? ». Et là, actuellement, soyons clairs, nous ne nous en donnons pas réellement les moyens aujourd’hui, avec une forme de peur irrationnelle au lieu de nourrir la connaissance de nos élèves sur le « fait religieux » et ce que vivent les croyants d’ici ou de là.

 

Pour preuve, un élément qui m’est arrivé récemment et dont j’ai hésité à parler ici mais voici ce que j’ai appris il y a quelques semaines : avant que je n’arrive dans mon nouvel établissement, avant que je ne dépose l’équivalent d’un quart d’orteil de pied dans celui-ci, des collègues m’ont googlisée et, évidemment, ils sont tombés sur toute la partie religieuse de ma vie. Cela aurait pu en rester là s’ils n’étaient allés se plaindre à la direction... alors que personne ne me connaissait encore ! Je fus défendue et, dans un grand élan positif, maintenant que je le sais, je crois que c’est un appel à rencontrer, à connaître et à aimer ces personnes davantage : car ma vie donnée au Christ l’est aussi pour eux !

 

Mais, pour être en même temps tout à fait honnête, j’en demeure aussi profondément blessée car c’est le sens même de ma consécration pour Dieu et pour le monde qui semble balayé d’un coup. Alors même que ma vie est tout entière à Dieu, je n’ai effectivement jamais porté atteinte à la laïcité dans le cadre de mes fonctions de professeur : j’ai posé résolument le choix d’enseigner dans le public et je sais quelles en sont les conséquences. Même en voyage scolaire au début du carême, je me suis privée de messe et de jeûne. Même si je demeure baptisée tout le temps, même si je demeure consacrée tout le temps et que je cherche à en rayonner car c’est le fondement de ma joie, je cherche une neutralité exemplaire et, dans le même temps, je cherche aussi à fonder ma réflexion théologique dans ce cadre-là. Quand certains collègues affirment sans coup férir leur athéisme, jamais je n’ai partagé a contrario ma foi à un élève. Et, là, alors même que l’on ne me connaissait pas, il y a eu soupçon : pareille attitude est-elle vraiment saine et signe d’une laïcité fonctionnant bien ? Je n’en suis pas sûre : pour moi, c’est le signe d’une peur des religions. Sans cette peur a priori - et, disons-le, assymétrique, hélas, selon les religions et selon ceux qui s'expriment - quelle laïcité réelle pouvons-nous offrir ? 

 

Alors, avant toute redéfinition de la laïcité, avant des règles quelconques, s’il vous plaît, que cela soit au niveau des collègues ou des élèves, arrêtons d'abord là les soupçons et brisons les murs de l’ignorance ! Que chacun apprenne à connaître sa foi et ce qu’il y a de beau dans ce que l’autre veut vivre ! Quand on connaît vraiment, la haine s’écroule : tel est mon souhait et mon espérance pour que l’école puisse poursuivre profondément sa mission.

samedi, octobre 19 2019

Une histoire de coeur et de partage

Dans le magazine Vocations de l'Oeuvre des vocations (voir le site : mavocation.org), ce mois-ci, un sujet qui me tient spécialement à coeur et auquel on n'est jamais suffisamment sensibilisé il me semble. Petit partage donc : 

 

 

 

 

 

mardi, octobre 8 2019

Traduction OR - Et vous madame, est-ce que vous croyez en moi ?

Aujourd'hui est paru dans L'Osservaro Romano, le journal du Vatican, un petit article de ma part témoignant de ma rentrée, pour toute une série de leur part sur l'école et l'éducation. On peut le trouver en italien donc ici sur le journal complet ou encore sur l'article spécifique.  

 

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            Encore une rentrée. Une rentrée ordinaire ? Oui et non car un enseignant ne peut jamais s’habituer à la rentrée : il y a de nouveaux visages à découvrir, d’autres élèves, c’est-à-dire d’autres êtres en croissance qu’il va falloir aider à grandir et c’est toujours neuf, comme un défi à relever. Le mélange d’excitation et de stress qui nous habite les jours précédant la rentrée est assez caractéristique : saurons-nous non pas continuer mais bien commencer à nouveau cette année ? Avec un regard si neuf qu’il porte l’espérance chez ceux sur qui il se pose ? Pour moi, professeur de Lettres dans l’enseignement public, cette rentrée marquait aussi le passage dans un nouvel établissement, du collège au lycée mais qui n’est pas un grand déménagement puisqu’il se trouve dans la même zone de cette banlieue dite pudiquement sensible dans laquelle j’enseigne depuis six ans. Je n’ai pas choisi d’y être envoyée mais, touchée par ce que j’y ai découvert, j’ai décidé d’y rester. 

 

            Ici, la pauvreté, matérielle ou humaine, est fréquemment présente, parfois de manière cachée : il faut simplement gratter les apparences pour la voir apparaître. Tel élève n’a pas de famille, cet autre vient arrive toujours en retard mais c’est parce qu’il vient de chez son parent qui habite loin, tel encore est en situation de souffrance. Et il faut faire cours dans ce contexte trop souvent lourd qu’ils apportent avec eux : si ces soucis viennent de dehors, on ne peut leur demander d’en faire totalement abstraction. Je crois qu’il s’agit pour chacun de nous, enseignants, de rester présents et de savoir donner généreusement de notre temps dans des relations interpersonnelles, à leur écoute. 

 

Un problème dramatique ici est la quasi-absence de mixité sociale, notamment sur le plan culturel : comment montrer autre chose aux élèves que ce qu’ils côtoient au quotidien ? C’est l’importance pour moi des sorties scolaires, grandes ouvertures sur le monde, mais, sans changement sociétal réfléchi, cela ne peut aller loin. Comment favoriser une culture de la rencontre et non la ghettoïsation actuelle, aggravée par l’individualisme moderne ? Selon que votre banlieue sera riche ou misérable, votre établissement aura une réputation favorable ou bien minable. Cela a aussi des conséquences très pratiques sur la manière de faire cours : mes évidences culturelles ont dû faire place à de longues périphrases pour expliquer certains textes. Et j’avoue ne jamais être aussi heureuse que lorsque mes élèves comprennent enfin une œuvre en se l’appropriant avec leurs mots, parfois fleuris : la barrière de la compréhension a été franchie, on peut alors avancer et faire savourer la beauté d’une langue. 

 

En banlieue française fortement marquée par la présence de jeunes issus de l’immigration, la place des filles se pose également de manière cruciale : beaucoup se sentent en effet limitées par le poids culturel dans le choix de leurs études alors qu’elles sont d’une grande intelligence. Comment leur laisser les mêmes chances, les mêmes ouvertures qu’à leurs collègues masculins ? Il y a tout un travail de sensibilisation, ne serait-ce que pour les aider à croire en elles et je me rappellerai toujours de cette élève qui, un jour, s’était effondrée en larmes devant moi en me questionnant : « et vous, madame ? Vous croyez en moi ? ». Enfin, de manière plus large, dans l’ensemble de la France, la réforme du bac et du lycée laisse aussi augurer de nouveaux défis dont il va falloir apprendre à se saisir : les filières ont été supprimées au profit de choix de spécialités pour permettre des parcours normalement plus personnalisés. Cela sera-t-il le cas ? Le temps seul le dira. 

 

            Mon travail est d’être professeur mais mon être profond est tout au Seigneur comme vierge consacrée. L’insistance du pape François sur la joie me marque beaucoup : « Là où il y a des consacrés, il doit y avoir de la joie » a-t-il martelé à plusieurs reprises. C’est très vrai. Alors, je crois qu’il s’agit également d’une part essentielle de ma mission : diffuser cette joie profonde que donne l’amour de Dieu parce que, je le crois, mes élèves sont aimés eux aussi. C’est l’humble fidélité du quotidien, les manches retroussées pour servir, et c’est ma joie. Et ce métier de professeur, qui est aussi vocation, en devient alors à chaque rentrée plus rayonnant : il s’agit d’aider, chez nous par notre prière, en classe par notre témoignage et par notre proximité à tous, à faire signe vers un Amour plus grand, qui précède chacun. 

samedi, octobre 5 2019

La case "père"

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            Cette année, je suis professeur principal d’une classe très difficile. Oh, en cas individuels, j’ai déjà géré pire : mais, en termes de collectif, d’ambiance de classe, non. Je n’ai jamais vu ça, je n’ai jamais géré ça. Plusieurs élèves posent problème et l’ensemble de la classe n’est pas au travail : il n’est pas de journée sans que je reçoive des mails de collègues pour me faire part de leurs doléances. Dans cette ambiance délicate, quatre cas plus problématiques se dégagent du lot et je note que, dans ce cadre, trois sur quatre ont un père absent, d’une manière ou d’une autre ; pour le quatrième, c’est encore plus compliqué familialement parlant. Un cinquième cas, qui vient d’arriver, se réveille aussi et est géré par l’ASE. En réalité, si je regarde la liste de ma classe, ils sont encore plus nombreux à ne pas avoir de case « père » renseignée ou en indiquant un bien loin géographiquement (sans même tenir compte des divorces où les parents restent relativement à proximité). 

 

            Bien sûr, il ne s’agit pas de nous servir de cas particuliers pour en tirer des conclusions générales, hâtives : certains sont élevés par un seul parent et s’en sortent très bien. Mais mon regard de prof en zone sensible, là où vivent les plus pauvres d’entre nous, constate tout de même que la plupart des élèves les plus problématiques sont aussi des victimes, en quelque sorte, de familles défaillantes. Je n’ai pas l’aplomb de statistiques pour le montrer : c’est juste ce que je vois, au quotidien. 

 

            Vous me voyez venir… Je ne comprends pas pourquoi un projet de loi puisse créer les conditions dans lesquelles un enfant n’aurait plus, dès le commencement, de père biologique. Je conçois qu’on rêve d’un enfant plus que tout, je conçois la souffrance des personnes homosexuelles (et pourquoi mettre les femmes seules dans le même sac ?) mais l’enfant à venir ? Je pose vraiment cette question, avec inquiétude. Même un divorce – et je le dis en connaissance de cause, en tant que fille de divorcée – est à apprendre à digérer pour un enfant (même si je sais bien qu’il est de bon ton de dire qu’un enfant s’en remet facilement : je pense qu’aucun enfant de divorcé ne le dirait), alors, l’absence de père non du fait des aléas de la vie mais par une loi le permettant ? Cela me met profondément mal à l’aise, a fortiori vu le caractère absurde de certains débats entendus à l’assemblée, même si je veux aussi garder confiance dans le bon sens des femmes à ce sujet. 

 

            De l’autre côté de cette réflexion, il me semble que les « non », que les propositions de manifestation, ont tendance à se focaliser justement sur l’unique « non », non pas assez à dire ce que nous souhaitons. Rester dans le négatif me semble insuffisant. Le titre du document des évêques, dirigé par Mgr d’Ornellas, Quelle société voulons-nous pour aujourd’hui et pour demain ? posait une bonne question : il faudra aussi l’exploiter. Je rêve d’une société en tout cas moins technique, plus simplement humaine de mon côté mais je sais aussi qu’il faudra discerner davantage pour l’avenir. Peut-être que nous manifester, c’est avant tout aussi cela : discerner, comme chrétiens, parmi les autres, ce que nous souhaitons vraiment, et dans tous les domaines, comme suite pour la vie, pour notre monde, pour notre humanité. 

 

samedi, septembre 21 2019

L’art de la liberté et de la nuance

Alors, il faudrait ceci ou cela ? J’ai été agacée des débats façon pattes de mouche (je dis cela pour rester polie) à propos de la position des évêques quant à la manifestation prévue le 6 octobre : manifester, se manifester, rétropédalage, manque de conviction... tous ces mots ont agité la toile catholique plus que de propos ces derniers jours, offrant un large éventail et de toutes les sensibilités, et de tous les trop habituels noms d’oiseaux.

 

Pourtant, cela avait bien commencé : une belle soirée largement diffusée sur l’enjeu de la révision des lois de bioéthique avec des évêques présentant des arguments clairs et concrets permettant de nourrir sa réflexion. Oui, cela me semble assez évident qu’un chrétien ne peut être en accord avec ce qui se prépare et il est heureux de nourrir sa raison à ce sujet. Et puis là, paf, soudain c’est le drame : mais alors que faut-il faire face à ces lois ? Que les évêques nous disent-ils de faire ? 

 

Falloir ? Devoir ? Même si ici ou là un mot maladroit a pu échapper, pourquoi tant de chrétiens semblent pris de détresse quand il n’y a pas un « tu dois faire cela » clair ? 

Nos évêques en appellent à notre conscience. Ils ont fait leur job, ils ont contribué à l’éclairer : à notre charge de continuer à la former - et à la laisser former par le Seigneur car il ne faudrait pas voir à oublier le rôle primordial du Patron dans tout cela - et de discerner, en conscience, ce qu’il convient de faire. Ce n’est pas un chemin laxiste, c’est un chemin exigeant qui nous pousse à nous placer toujours davantage sous le regard du Seigneur. 

 

À lire toutes ces réactions, je repense à l’épître à Philémon de Candiard : puissions-nous entendre combien notre foi nous pousse à la liberté ! Il n’est évidemment pas question de lire la liberté comme un appel à ne pas s’engager dans un combat mais bien d’en avoir le choix er celui de sa modalité. 

 

Qu’il est ardu l’art de la liberté ! Mais c’est aussi en grandissant en celui-ci que nous apprenons celui de la nuance et que nous parvenons à distinguer en l’autre un frère dont la conscience se forme à l’école du Seigneur et de ses pasteurs, pour lui aussi, même s’il ne pose pas les mêmes choix visibles que nous.

lundi, décembre 24 2018

Communauté éducative, communauté eucharistique

 

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            C’était il y a une dizaine de jours : en plein Avent, nous nous préparions à Noël par la messe mensuelle des étudiants du Centre Sèvres, lieu où j’étudie la théologie à temps partiel. Lors du chant final : O Come, all ye faithfull ou, si vous préférez selon votre sensibilité Adeste fideles ou « Peuple fidèle », il y avait quelque chose de très beau à nous dire que nous venions vraiment tous L’adorer, réunis, étudiants et professeurs, en cette église jouxtant notre lieu d’études par le même désir de mieux connaître et de mieux faire connaître Celui qui anime nos vies. 

 

            Communion, unité malgré notre diversité trouvée dans le Christ, rendue encore plus forte par la participation à la même table de l’eucharistie. Même action de grâce s’élevant des cœurs : nous formons une véritable communauté éducative. 

 

            Je m’en faisais la réflexion en retournant ensuite dans l’établissement scolaire dans lequel j’enseigne. Nous y parlons volontiers de communauté éducative. Mais, qu’est-ce qui nous unit ? Une même citoyenneté, une envie de grandir et de faire grandir, des programmes, un même ministre… la liste est longue et importante. Mais il faut bien constater que le tissu fraternel est plus lâche, plus multiforme et les mailles qui le constituent, dans les temps actuels, semblent se défaire chaque jour davantage et les accrocs s’y multiplient, de manière parfois inquiétante. 

 

            Faut-il pour autant en conclure que cette communauté n’a de commun qu’un lieu, un établissement scolaire, et que nous sommes condamnés à tâtonner, sans vraiment rien y trouver d’unifiant où nous soyons vraiment ensemble ? Ma foi me pousse à refuser cette option… Feu mon premier père spirituel, moine de son état, m’écrivait, dans une de ses dernières lettres, alors que je commençais mon travail en éducation prioritaire : « Tu trouveras Dieu en tes lascars qui sont, en secret, à Lui ». Dieu, mystérieusement, unit et unifie, de manière souterraine toutes ces vies, toutes nos vies : ramifications venues de Son centre. Le lieu d’unification est le même… mais c’est de nuit, mais c’est peu clair, mais c’est lointain et tout ténu. Alors à nous de cultiver, de faire jaillir cette même sève, même en ses extrémités, même en Ses « périphéries ». 

 

Mais rien de cela n’est possible sans Lui. Alors, en cette nuit, en cette vie : viens Seigneur Jésus, apporte Ta lumière en nos vies pour nous rendre capables de La porter à notre tour, par nos vies, à tous ceux qui en ont besoin, pour aider à l’unification et à l’édification de ce qui doit l’être. Amen. 

 

mercredi, septembre 26 2018

En lisant, en écoutant, en recevant Ta Parole et Ton pain

 

Première lecture du jour : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi seulement ma part de pain. » (Pr 30). Ni trop, ni trop peu, mais bien "ma" part, celle qui est prévue, ajustée pour moi. 

 

Vivant et travaillant dans le monde, je ne parviens pas à aller à la messe tout à fait tous les jours, même si je le souhaiterais et que cela m’est fortement recommandé : « Appelées à vivre l’intimité avec le Seigneur, l’identification et la conformation à Lui, elles reçoivent le Pain de vie de la table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ, dans la participation, si possible quotidienne, à la célébration eucharistique. » (Ecclesiae Sponsae Imago

Ce jeûne involontaire de certains jours me montre la valeur de cette « part de pain », de cette part de pain vivant qu’est l’Eucharistie quand je peux y participer. Elle est force et nourriture sur la route ! 

 

Et, en même temps, j’ai bien conscience que cette part du pain dont il est question est aussi très concrètement celle de chaque jour, celui qui peut constituer notre repas et cela me rappelle la récente lettre du pape François au peuple de Dieu : « En même temps, la pénitence et la prière nous aideront à sensibiliser nos yeux et notre cœur à la souffrance de l’autre et à vaincre l’appétit de domination et de possession, très souvent à l’origine de ces maux. Que le jeûne et la prière ouvrent nos oreilles à la douleur silencieuse des enfants, des jeunes et des personnes handicapées. Que le jeûne nous donne faim et soif de justice et nous pousse à marcher dans la vérité en soutenant toutes les médiations judiciaires qui sont nécessaires. Un jeûne qui nous secoue et nous fasse nous engager dans la vérité et dans la charité envers tous les hommes de bonne volonté et envers la société en général, afin de lutter contre tout type d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience. » 

 

J’y pensais en lisant la suite de ce chapitre des Proverbes : « Car, dans l’abondance, je pourrais te renier en disant : « Le Seigneur, qui est-ce ? ». N’est-ce pas ce qui nous arrive quand nous vivons une routine confortable de notre vie chrétienne, n’est-ce pas ce qui nous est arrivé quand nous sommes dans l’opulence, dans l’insouciance, oubliant le Seigneur à force d’oublier d’écouter le plus petit, le plus faible, le blessé ? 

 

Et si jeûner, et si se contenter, certains repas, d’un peu de pain, dans la discrétion, était aussi ouverture à une communion plus grande mais aussi d’un retour à l’Essentiel, pour mieux savoir reconnaître Celui qui nourrit toutes nos vies et Celui qui guérit toute vie ? 

 

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dimanche, août 26 2018

Miserere nobis

 

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Au nom du Père du Fils et du Saint Esprit. 

Tracer sur soi ce « signe indélébile de Son amour », et se préparer à demander pardon. 

 

Je confesse à Dieu… Kyrie eleison ; 

Seigneur, prends pitié : pardon ! Pardon, pardon, pardon !!! J’ai envie de le crier aujourd’hui. 

Dans l’Église, nous ne sommes pas des Caïn, nous sommes responsables de notre frère, de nos frères. 

Pardon Seigneur pour tous ces « petits » qui sont les tiens, où Tu demeures, et qui ont été blessés d’une manière terrible. 

Pardon Seigneur à Toi, pardon à eux, j’ai envie de leur dire à genoux, pour me mettre pleinement à leur hauteur, humblement. 

Je ne saurais leur demander pardon correctement mais je crois qu’on ne leur demandera jamais suffisamment pardon : pour les actes et de toutes les complicités pour garder obscur ce qui aurait dû être révélé en pleine lumière, pour soigner, pour redresser, pour guérir. 

 

Et puis, le Gloria : 

… Domine Deus, Agnus Dei, Filius Patris, qui tollis peccata mundi, miserere nobis… 

C’est Toi qui as déjà porté et continues de porter le péché du monde : mon Dieu, Toi le Miséricordieux, porte-les…

 

Parce que nous sommes les membres de Son corps disait la deuxième lecture. 

Parce que l’Eglise, ce n’est pas « eux », c’est « nous ». 

Et pardon Seigneur pour leurs agresseurs, parce que, dans l’Église, le péché d’un seul concerne bien nous tous, réellement et spirituellement : 

 

Parler de péché social veut dire, avant tout, reconnaître que, en vertu d'une solidarité humaine aussi mystérieuse et imperceptible que réelle et concrète, le péché de chacun se répercute d'une certaine manière sur les autres. C'est là le revers de cette solidarité qui, du point de vue religieux, se développe dans le mystère profond et admirable de la communion des saints, grâce à laquelle on a pu dire que "toute âme qui s'élève, élève le monde" (É. Leseur). A cette loi de l'élévation correspond, malheureusement, la loi de la chute, à tel point qu'on peut parler d'une communion dans le péché, par laquelle une âme qui s'abaisse par le péché abaisse avec elle l'Église et, d'une certaine façon, le monde entier. En d'autres termes, il n'y a pas de péché, même le plus intime et le plus secret, le plus strictement individuel, qui concerne exclusivement celui qui le commet. Tout péché a une répercussion, plus ou moins forte, plus ou moins dommageable, sur toute la communauté ecclésiale et sur toute la famille humaine. (Jean-Paul iiReconciliatio et pænitentiae, §16) 

 

Alors, même à ceux qui viendront mépriser notre appartenance à l’Église certains jours plus visiblement constituée de pécheurs que sainte, il ne sera peut-être pas de trop de demander aussi « pardon ».

 

Et l’évangile qui vient se poser là où il faut sur nos questionnements : 

- Voulez-vous partir, vous aussi ?

- Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.

 

Alors prier éperdument, 

Alors T’adorer, 

Alors Te recevoir dans Ta parole et dans Ton pain de Vie pour être uns dans l’Amour, en Église, malgré tout. 

 

Il est évident que le spirituel ne suffira pas, qu’il faut mettre les faits en lumière et poser des sanctions et des critères nets, aussi bien de discernement que de fonctionnement pour que « JAMAIS PLUS ! ». 

 

Mais il est aussi évident que c’est à genoux, en adorateurs vrais du Père, en nous approchant de Sa Lumière qu’Il nous donne, Lui qui est la Vérité, que nous saurons à notre tour lutter contre les ténèbres, arrêter toute conspiration du silence, en résumé être ce qu’Il nous appelle à être pour nos frères : non des conspirateurs préférant l’ombre pour agir mais bien lumières du monde, appelés à servir et à aimer en plein jour. 

 

vendredi, août 10 2018

A pied mais dans Ses mains

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En sortant de confession, il m'avait dit, alors que je m’apprêtais à partir pour une semaine de pèlerinage avec des jeunes adultes sur le chemin d’Assise : "surtout, prends souvent la main du Bon Dieu". 

 

Dans ma tête, en entendant cela, j'ai pensé à tous les péchés, à tous les « ratés » de ma vie et à la main du Seigneur qui venait toujours m’y relever : c’était très vrai, très essentiel et je venais encore de le vivre. Mais en marchant, concrètement, comment prendre la main du Seigneur ? 

 

Prendre Sa main, c’est sans doute avant tout cette attitude profonde de la prière, appelée à devenir celle de notre vie : celle des heures qui rythme le temps et qui commence toujours par un bel appel à l’aide ; celle de la prière du cœur, courte ou longue, pour grandir en confiance et pour que ma main, timide, ose pleinement aller vers Lui particulièrement quand elle se fait intercession ; celle de la prière en petite communauté de pèlerins ou encore celle de la messe où, bien mieux qu’une simple main, nous Le recevons tout entier. 

 

Prendre Sa main, cela passe aussi par le service concret des autres et par la recherche de mener la vie la plus évangélique possible : c’est un acte de conversion de vie, pas celui d’un instant. 

 

Mais est-ce vraiment prendre Sa main ou plutôt se la laisser saisir qu’être émerveillée par la magnificence d’un paysage de montagne ou par celle d’un cœur au détour d’une conversation ou d’un acte de charité, pleinement fraternel ?

N’est-ce pas surtout se laisser saisir la main, voire être saisie tout entière, que d’avoir bien souvent le cœur en action de grâces de la beauté de ce qui se vit dans un pèlerinage partagé ? 

 

Peut-être qu’en réalité, on ne peut que tendre notre main vers Lui plutôt que L’agripper – Il échappe à ces tentatives-là ! –, avec la confiance du jeune enfant l’élevant pour la glisser dans les grandes mains rassurantes de ses parents, a fortioriquand sa marche est mal assurée.

Et, alors, si nous élevons main et cœur vers le Seigneur, c’est Lui qui vient toujours prendre notre main dans les Siennes, marchant avec nous et nous donnant la stabilité nécessaire pour, ensemble, avec des frères, mieux nous édifier et nous élever vers Lui. 

 

C’est ainsi qu’en pèlerinage à plusieurs, nous pouvons expérimenter qu’Il nous a gravés sur la paume de Ses mains (Is 49, 16) et qu’Il nous y tient solidement, car amoureusement. 

 

 

 

 

jeudi, juin 14 2018

Témoignage or not témoignage ?

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Ces derniers mois ont été riches en « témoignages » : ceux un peu officiels lors de soirées vocations ou d’après-midi dédiés, ceux plus officieux de l’échange privé ou encore celui plus surprenant d’une situation d’interview. De l’audience large à l’aventure de deux cœurs en dialogue à bâtons rompus, des enfants qui viennent de faire leur première communion et sont pleins de questions douces de fraîcheur, aux priants âgés simplement heureux de t’écouter, en passant par les ados qui se la jouent blasés mais en réalité sont très intéressés, aux mamans qui viennent te demander ce que tu es concrètement, le style est très différent… et pourtant, c’est toujours le même Seigneur. 

 

            Tous, comme chrétiens, nous sommes appelés à témoigner de ce Dieu qui sauve auquel nous croyons. Mais, comme consacrée, on vient te chercher pour parler de Celui à qui tu as donné, de manière si étrange, ta vie. Un appel ? Es-tu vraiment comme nous ? Alors, évidemment, quand tu parles de Lui, tu parles aussi de toi… et quand tu parles de ta vie, tu ne sais plus le faire convenablement sans parler de Lui. 

 

            Tout l’enjeu est de ne pas trop se raconter soi-même mais bien de dire les merveilles que Lui a faites et fait encore dans ta vie… Exercice si simple et, dans le même temps, si périlleux : Lui avant toi… et cela même quand on te ramène souvent à toi, tes choix et ta petite vie. Alors, tu fais ce que tu peux pour ne pas devenir autoréférentielle mais bien « christo-référentielle », en te disant que, dans le fond, c’est aussi très précisément le chemin de ta vie que l’être ou en tout cas chercher à l’être chaque jour plus. 

 

Mais ce qui est certain, c’est que le témoignage est un exercice provoquant à chaque fois dans le cœur une immense gratitude pour ce qui fut et ce qui est donné. Joie du don de Dieu, joie d'un oui chaque jour redit à celui-ci, tout simplement. Alors, même si tu ne sais jamais très bien ce que cela sème dans le cœur des autres, tu peux te glisser au moins pour toi-même dans les mots de Marie en en revenant, confiante que ces mêmes mots sauront aussi germer chez d’autres, que tu le saches ou non : 

 

Mon âme exalte le Seigneur ! 

 

mercredi, mai 30 2018

Mieux que la mémoire d'Abraham, la prière d'Abraham

Dans le cadre de mes études de théologie, j'ai la chance de participer à un groupe de lecture d'un ouvrage d'exégèse commentant la si délicate épître aux Romains. Dans cette dernière, il est fait référence à la foi d'Abraham, ce qui semble assez surprenant de prime abord puisque celui-ci ne connaissait pas encore le Christ et j'aime beaucoup l'interprétation qu'en tire l'auteur, assez nourrissante. 

C'est la foi qui nous a engendrés et c'est par elle que nous sommes ce que nous sommes : et par "foi" il nous faut certes entendre celle d'Abraham, mais aussi la nôtre, puisque l'acte de croire nous donne une ascendance, nous rattache à une histoire, celle des croyants. 

On voit ainsi pourquoi l'Apôtre choisit le cas d'Abraham, père de tous les croyants. Si'l y a une chose que le fils ne peut se donner, seulement recevoir, c'est son identité de fils. Il n'a rien à faire pour l'obtenir, seulement la recevoir, c'est-à-dire croire qu'il l'est. Mais il nous faut aussitôt ajouter que ce qui vaut pour les fils - que nous sommes - vaut d'abord pour Abraham, puisqu'il reçoit de la parole divine même son identité de père.

L'économie de la grâce ou de la foi acquiert ainsi son extension maximale, comme histoire d'une promesse en voie de s'accomplir, comme histoire d'une immense famille : du père jusqu'au dernier des fils, tant qu'il y aura des croyants ! Le plus beau est évidemment que l'acte de foi d'Abraham ne peut être le seul : d'une certaine manière, son identité de père il la reçoit aussi des croyants, de tous ceux qui, "aussi nombreux que les étoiles du ciel" (Gn 15, 5), croiront comme lui. Notre acte de croire confirme donc l'identité d'Abraham comme père des croyants, bref la fécondité de son (de tout) acte de foi. (...)

L'Apôtre considère avant tout l'enjeu de l'acte de croire, non ses modalités. Il retient surtout l'inouï de la situation d'Abraham, qui permet en quelque sorte de décrire à l'état pur l'acte de confiance : d'un côté la vieillesse du patriarche, la stérilité de Sara, de l'autre une promesse folle, celle d'une immense descendance. S'abandonner à l'apparente folie de Dieu, à une parole que tout semble frapper d'interdit, tel fut le choix du patriarche. Et en rappelant cela, Paul montre bien comment s'en remettre à la parole divine, accepter d'en dépendre totalement, ne fait pas tomber dans l'hétéronomie mais signifie qu'on opte pour la vie.

Il faut faire cette expérience pour en percevoir toute la vérité, en ses effets même, car seule la foi est féconde. Au demeurant, cette fécondité n'authentifie pas seulement l'acte du croyant, elle est le signe du vrai Dieu, celui qui, par la foi, fait vivre, parce qu'il veut la vie (cf. Rm 4, 17) : l'acte de croire révèle la gracieuseté, la confiance et la justice du Dieu qui, aprce qu'il est le Dieu de tous les hommes, les appelle tous à la même dignité de fils, d'héritiers. 

J.-N. Aletti, Comment Dieu est-il juste ? Clefs pour interpréter l'épitre aux Romains, Seuil,  p. 104-105

 

dimanche, mars 18 2018

Le voir ?

"En ce temps-là, il y avait quelques Grecs parmi ceux qui étaient montés à Jérusalem pour adorer Dieu pendant la fête de la Pâque. Ils abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïde en Galilée, et lui firent cette demande : « Nous voudrions voir Jésus. »" (Jn 12)

Quel grand désir de la part de ces Grecs : voir Jésus !

https://storage.gra1.cloud.ovh.net/v1/AUTH_10e1a9235c63431c95e5b84a247830db/prod/artwork/15947_1_m.jpgManessier, Suite de Pâques, l'arrestation de Jésus.


Est-ce que ce même grande désir m'habite toujours vraiment ? C'est facile de dire : "ben, oui, bien sûr, c'te question !" mais en vérité ? Si je ne fais qu'écouter mon coeur, oui, j'aimerais Le voir : en plus d'être Dieu, Il est l'humain par excellence qui ne cesse jamais de me fasciner, de m'inspirer, de m'aimer, de me donner envie d'avancer.


Mais en même temps, est-ce vraiment toujours Lui que je cherche ? Ou l'image que je me fais de Lui ? Il est parfois facile de rogner sur l'amour absolu, il est souvent aisé de grignoter mine de rien sur le caractère tranchant de l'Amour et de la Parole de Dieu : nous sommes toujours tentés de Le ramener à notre mesure humaine. Pas forcément volontairement, d'ailleurs, mais parce que nous ne faisons que balbutier la langue de l'amour. 

Alors, je crois qu'en face de Lui, je serais éblouie par l'incarnation de l'amour, comme parfois, déjà, Sa Parole vient frapper fort, façon coup de bélier, en mon coeur. Car Jésus nous aide en ramenant nos rêves de sainteté bien lisses ou rose bonbon, croyant L'imiter vainement par là, à leur juste mesure, en annonçant déjà que l'amour va jusqu'à la couronne d'épines, que l'amour va jusqu'à la croix, que l'amour va jusqu'à la mort. 

"Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle."

"Stop aux fanfaronnades semble-t-Il nous dire, cessez vos idolâtries qui ne font que morceler la totalité de Ma vie. Choisissez tout !" 

Le suivre, c'est oser regarder le Christ souffrant... pour apprendre à y discerner le Christ, triomphant.
Le suivre, c'est vraiment désirer Le voir et, du coup, ne pas se voiler les yeux devant les épines du quotidien, notamment celles qui frappent durement nos prochains... pour apprendre à y discerner le Christ, présent. 

lundi, décembre 25 2017

Conte pour la nuit

Une fois n'est pas coutume... Avant de vous souhaiter plus longuement un joyeux Noël, voici un petit conte rédigé pour cette Nuit différente des autres.

 

Saint François et la crèche

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En ce temps-là, François, celui qu’on nomme aujourd’hui Saint François d’Assise, avait déjà créé son ordre religieux et avait fait le choix de vivre dans une immense pauvreté. Il aimait dire qu’il avait épousé Dame Pauvreté pour être disponible afin de suivre le Christ. Malgré cela, il continuait à chercher tous les moyens pour mieux dire le message chrétien : c’était là toute sa joie et il y mettait toute sa force d’homme. Dire et transmettre la joie de l’Évangile à tous, en chantant la louange de Dieu. 

            Nous sommes en 1223. Cette année-là, l’hiver est rude en Ombrie, cette province d’Italie dans laquelle il vit, et François cherche comment il souhaite fêter Noël cette année avec ses frères. Il y faut de la joie et de la simplicité.

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lundi, novembre 21 2016

Femmes croyantes, femmes engagées...

La semaine dernière, j'ai eu l'occasion d'intervenir à côté (géographiquement : dans la paroisse d'à côté ; internetement... sur un blog presque d'à côté aussi !) pour une petite introduction à un chouette temps d'échange et de débat intitulé : 

Femmes croyantes, femmes engagées... une place dans l'Eglise ? 

Ca commence par ici et ça se suit sur plusieurs billets >>

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dimanche, septembre 4 2016

Jamais en solde, toujours gratuit

"Si j'avais eu à prêcher ce dimanche, j'aurais prêché sur la gratuité ! Et toi, tu aurais dit quoi sur ce thème-là avec l'évangile ?" m'a demandé un ami prêtre. Je n'ai pas dit, évidemment, j'ai écrit (du coup, je n'ai même pas encore écrit sur cette riche et belle rentrée !). C'est complètement décousu, écrit d'une traite au fil du clavier, mais voici donc quelques lignes de méditation sur la gratuité, bref, sur l'amour jamais en soldes. 

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G. Rouault

Choc. Un des summums de l'Evangile en matière de propos intolérables ! Et pourtant si, en logique humaine, c'est insupportable, en logique d'amour, c'est-à-dire en logique de Dieu, c'est l'inverse... Un amour de préférence est-il blâmable ? 

L'amour serait-il calcul rationnel des conséquences selon une fine prospective ? Non, l'amour est gratuit. D'ailleurs, l'amour qui se monnaie, cela ne s'appelle pas de l'amour mais de la prostitution et l'amour qui calculerait serait un amour prostitué, un amour déchu, un amour au rabais... Et, quand on ajoute un qualificatif à l'amour, ce n'est plus de l'amour. L'amour soldé, ça ferait doucement rigoler : il n'est jamais bon marché... Il est cher mais il est gratuit. 

L'amour est gratuit. Quel serait cet ami qui comparerait sans cesse avec un autre qui offre et reçoit plus dans leurs relations ? Qui propose les meilleurs apéros, les meilleures bières (d'abbaye, cela va sans dire) ou les repas les plus fins ? Avec un ami, on n'entre pas dans des comptes d'apothicaire, on rentre dans une relation humaine inédite, attirés un peu mystérieusement, où il ne s'agit pas de compter ou de comparer, où il ne s'agit pas d'attendre quelque chose de l'autre, mais d'apprendre à se rencontrer, à s'aimer, avec toute notre fragilité humaine. Plus l'amitié grandit, plus elle se purifie et plus elle est alors gratuite : l'ami, c'est celui qui nous connaît de plus en plus tout entier jusque dans nos pires faiblesses mais qui nous aime quand même ! Quoi de plus gratuit ? Personnellement, j'aime voir dans l'amitié un des plus grands cadeaux de Dieu sur cette terre : c'est une relation à Son image, gratuite. 

L'amour est gratuit. On le voit bien dans chaque vocation, ce à quoi d'ailleurs l'évangile semble nous renvoyer plus directement. L'amour dans le mariage n'est pas calcul du style "je ne serai plus tout seul, ouf", ni un mariage d'argent ou de convenance ou encore un quelconque calcul sur le rendement en enfants ! L'amour entre l'homme et la femme, c'est une étincelle, c'est une invitation, c'est un cadeau, c'est un don... Et une réponse gratuite d'un oui que l'un fait à l'autre, dans l'unique don de Dieu, signe de Son amour. De même, on ne s'engage pas dans une forme de vie radicale à la suite du Seigneur en calculant sur l'avenir, en espérant être quelqu'un de mieux considéré ou de différent. C'est que l'appel de Dieu est aussi mystérieux que gratuit : Il continue de ne pas choisir les gens sur CV comme Il le faisait déjà pour ses apôtres. Pourquoi lui ? Pourquoi elle ? Bien malin qui saurait y répondre... Amour gratuit du Seigneur, amour bouleversant, auquel on répond gratuitement. D'un oui balbutiant au oui engageant, en passant par tous les oui quotidiens. Gratuité d'une réponse, de laquelle on sent pourtant bien qu'elle est imparfaite... Le célibat, si souvent décrié, est la réponse qu'on y fait avec notre corps, parce qu'on sent bien qu'on ne peut répondre à cet Amour-là qu'avec tout notre être, qu'avec toute notre vie... On ne peut y répondre autrement. Mais, au loin, l'horizon de la croix nous fait percevoir dans le même temps combien nous sommes loin du don parfait, loin du don gratuit. 

Où, chacun dans notre vocation, en sommes-nous en termes non de comptabilité de nos actes d'amour mais bien en termes de gratuité de notre amour ? Où en sommes-nous de la reconnaissance première, foncière, essentielle de l'amour de Dieu dans notre vie ? 

L'amour est gratuit... Et il a fini sur une croix. "Avant que ses bras étendus dessinent entre ciel et terre le signe indélébile de Ton Alliance" dit une prière eucharisitique ; le groupe Glorious l'a dit autrement en popularisant cette formule † = ♥. 

Pas de plus grand signe d'amour que la croix ; 

Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. 

Comme une invitation à retrouver la saveur du don qui nous est fait, à savourer la vie, don de Dieu, à savourer tous les cadeaux de Dieu, gratuits, en chacune de nos vies. 

 

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