Zabou the terrible

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Mot-clé - pauvreté

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samedi, septembre 30 2023

Le bon prochain pour tout bon samaritain

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Même si demain, on passera déjà certainement à autre chose avec la création de cardinaux puis surtout avec le synode dans la cathosphère, je reste surprise des débats qui ont agité le (petit) monde catholique sur les migrants suite à la venue du pape François. Oh certes, je n’ai pas encore tout vu et tout lu de sa visite – j’étais avec les scouts : il y a des missions à accomplir, même quand le pape vient à Marseille – pourtant ce que je peux lire de réactions sur les migrants !

Ce dont je reste surprise, c’est qu’il y aurait une bonne promotion de la vie – lutter contre l’euthanasie et contre l’avortement – et une mauvaise promotion de la vie : celle du migrant qui doit quitter son pays. Oh évidemment, ça part vite sur la question des capacités d’accueil… mais si ce que promouvait le pape François, c’était avant tout l’accueil prioritaire et primordial de la vie, de toute vie ? Et si ce que tenait le pape, c’était vraiment ce christianisme en tension – donc vivant ! – qui ne choisit pas, qui ne choisit rien ou plutôt qui choisit tout dans la logique de l’évangile. Il n’y a pas à choisir « la » vie plutôt qu’une autre, il y a à choisir "la vie".

J'ai lu de surprenantes interprétations qui feraient du "prochain" simplement celui qui est à nos côtés - ou peut-être même notre alter ego ? -, alors même que le pape nous appelle à lutter, dans une belle formule, contre le "fanatisme de l'indifférence". Et qui n'a pas vu ces cartes géographiques où, selon la distance avec nous et avec notre culture, nous nous sentons plus ou moins concernés par le drame qui touche un pays ? Soyons clairs : il est vrai que, souvent, pour des pays éloignés, on ne peut pas faire grand chose mais, déjà, l'on peut prier et puis qui sait ? Peut-être qu'une aide à apporter passera à portée de mains.

Mais, surtout.... d'où faudrait-il choisir notre prochain ? Rappelons que la parabole du Bon Samaritain est la réponse apportée par Jésus à la question "qui est mon prochain ?" après l'affirmation de l'amour à porter : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence et ton prochain comme toi-même" (Lc 10, 27). Cette parabole ne montre pas deux hommes proches en train de s'entraider : elle nous montre un homme tombé à terre, roué de coups, et un homme qui n'avait rien en commun avec lui a priori, excepté leur commune humanité, qui se laisse simplement toucher, saisir aux entrailles. Et nous, comment pourrait-on rester insensible à côté d'un frère ou d'une soeur qui est en train de mourir alors qu'on pourrait lui tendre une main pour le secourir, voire le porter sur nos épaules durant quelques pas ?

Il faut arrêter avec le mythe du "bon pauvre" parfait : le "pauvre", c'est celui qui nous dérange de nos certitudes, c'est celui qui pue dans nos conforts odoriférants, c'est celui qui, par sa plainte, nous redit de ne jamais nous installer... Mais c'est surtout celui qui a besoin d'aide. 

Encore une fois, je ne dénie pas aux questions politiques le droit de se poser mais s'il y a une chose à laquelle nous appelle le pape François, c'est à attendrir notre coeur grâce au Seigneur afin de ne plus avoir le coeur dur mais, au contraire, de nous laisser toucher par les malheurs de l'ensemble de nos frères et soeurs : et cela, c'est inconditionnel. 

jeudi, septembre 29 2022

Dieu, viens à mon aide : le tempo de la foi

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Dieu, viens à mon aide ! 

Un signe de croix, une petite croix tracée sur ma bouche, 

Les mots entremêlés du matin, mal réveillés, mal caféinés, 

Les mots qui trébuchent un mélange de « Seigneur, ouvre mes lèvres » 

Un appel à l’aide devant l’inconnu, face à l’aventure que sera la journée, 

Une demande : car, moi seule, je ne saurais aimer. 

 

Dieu, viens à mon aide 

Ce sont les mêmes mots, redits en rentrant du travail, 

Les mots plus assurés mais les mots fatigués, éreintés parfois, 

Les mots passés au crible d’une journée ordinaire, avec ses hauts et ses bas, 

Avec ses victoires et ses défaites, avec ses péchés et ses grâces, 

Avec toutes ces intentions – confiées ou qui s’imposent de charité – 

Avec ces personnes croisées, avec ce qu’il y a de fait et ce qui reste à faire, 

Un appel : car, moi seule, je ne saurais pas gérer. 

 

Dieu, viens à mon aide !

Dans le silence du soir, à l’issue d’un calme temps d’oraison,

Sans tambour ni trompette et bien trop souvent distraite, 

Avant les mots du Confiteor et une relecture du jour,

Avant de redire « merci », « pardon » et « s’il te plaît », 

Se remettre devant la source de Celui qui illumine les jours, 

Qui ressource tout en Sa joie, et même les tristesses, et même les colères ; 

Un compagnonnage : car, moi seule, je voguerais dans le noir. 

 

Dieu, viens à mon aide !

C’est le rythme dans la prière de l’Église, 

Au moins trois fois par jour, 

Posologie minimale, mais si possible davantage répétée, même en version minimaliste ; 

Pas une médecine alternative mais un ancrage dans la réalité de la foi : 

C’est le cri de notre cœur pour chercher à battre au même tempo que celui de Dieu 

 

Et demain, je recommencerai, 

Parce que, même quand je ne sais pas, 

Même quand je me trompe, 

Même quand je chute, 

Sa grâce ne saurait me manquer, 

Sa grâce ne saurait refuser de m’aider, de m’éclairer :

Dieu, viens à mon aide !

 

dimanche, juin 19 2022

Don sans réserve de l'amour du Sauveur

 

« Pain véritable, 

Corps et Sang de Jésus Christ, 

Don sans réserve de l’amour du Seigneur, 

Corps véritable de Jésus sauveur. 

 

Pain de vie, 

Corps ressuscité, 

Source vive de l’éternité » 

(Chant « Pain véritable »)

 

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(Photo : pixabay)

 

            Le jour de la fête du Saint-Sacrement, nous entendons à la messe l’évangile de la multiplication des pains mais aussi le récit de la Cène par saint Paul, échos d’une même faim comblée par Celui qui est la Vie. 

 

Nous méditons particulièrement lors de cette fête le mystère de l’eucharistie où le Christ nous offre Son Salut et nous lui demandons plus spécialement que, transformés par la réception de ce sacrement, nous sachions toujours plus former un seul corps, le corps du Christ qu’est l’Église. 

 

            Mais aujourd’hui, vous voyez, en sortant de la messe, je suis allée faire un tour au petit-déjeuner solidaire du dimanche sur le parvis, temps convivial réunissant ceux qui ont de quoi vivre et ceux qui n’ont pas de quoi vivre : chaque semaine, j’apprends à mieux les connaître, à vibrer de ce qui les fait vibrer ou à appuyer délicatement une main sur une épaule quand ils disent ce qui les fait pleurer. 

 

            Et ce soir, encore un drame humain que je suis depuis plusieurs jours et qui me fend vraiment le cœur qui m’a incitée à aller acheter un gros panier repas pour nourrir quelques-uns qui n’ont simplement plus rien. On m’avait demandé si, éventuellement, je pouvais donner « un peu de pain » 

 

            Sans lien avec la fête du jour ? Complètement en lien : comment pourrais-je vivre de l’eucharistie si cette nourriture ne me faisait pas vivre pour les autres et ne servait qu’à me rassasier moi-même ? Comment serais-je membre du Corps du Christ en vérité si l’autre cellule proche n’avait pas de quoi poursuivre son existence et que je m’en moquais ? 

 

            Ce dimanche, j’aurais préféré ne pas avoir à vivre cette sorte de grand écart qui laisse le cœur si intranquille et pourtant c’est cette « intranquillité » qui nous pousse, je crois, à aimer toujours davantage l’eucharistie comme source de toutes nos actions, à la rechercher, à la désirer. Elle nous pousse à marcher à la suite du Christ et à L’imiter : et Lui, qu’a-t-il fait sinon le bien autour de Lui, y compris nourrir ceux qui étaient affamés ? 

 

            C’est en méditant le mystère de l’eucharistie que je peux prier ce soir pour tous ceux qui n’ont pas de quoi sustenter leur faim : 

Seigneur, Toi qui donnes toujours en abondance, Toi qui te donnes toujours sans compter, donne-leur de surmonter l’épreuve ; 

Et pour moi qui ai de quoi manger, Seigneur, je Te demande de creuser ma faim de l’eucharistie, de ne jamais m’arrêter dans mon confort repu : pour les servir toujours plus, pour que chacun puisse vivre pleinement sa vie d’homme et de femme à satiété, vraiment libres et debout comme Tu le désires, comme Tu les désires. 

 

jeudi, avril 14 2022

À notre place, là où Il est

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            Je dois l’avouer, j’ai commencé la Semaine Sainte d’humeur assez maussade. Depuis des semaines, les actes violents graves s’enchaînent dans mon lycée : j’en parle peu publiquement tout au moins pour l’instant car je refuse que cela soit instrumentalisé à des fins partisanes par temps d’élection et puis, je ne peux évidemment pas tout raconter. En tout cas, après une semaine chargée d’oraux blancs, lundi nous avions une rencontre là-dessus mais, que dire ? Que faire quand, en vrai, on manque de moyens humains pour accompagner mieux tous ces jeunes qui en ont tant besoin ? 

 

            Dans le même temps, patatras, moi qui prévoyais d’aller à la messe chrismale de mon diocèse mardi en fin de journée... voilà que j’apprends le lundi justement que je devrai faire passer à la dernière minute des « grands oraux blancs » le mardi jusque tard (précisons que ce ne sont pas là mes horaires de travail habituel). J’étais en rogne intérieurement... Et puis, comme cela avait déjà été le cas il y a deux mois, mardi arrive et puis paf : le Seigneur est venu me rejoindre dans les nuages noirs. Avant, entre et après les oraux, des dialogues en vérité avec des élèves : Unetelle à aider dans une formalité administrative dont dépend beaucoup, Untel à encourager dans ses débuts de progrès pour qu’il ne perde pas pied, Unetelle dont les vannes s’ouvrent soudain et se mettent à me narrer les galères de sa vie... Beaucoup de dureté et pourtant la certitude paisible d’être là où je devais être pour rencontrer le Seigneur. Il ne m’attendait pas dans ma vie rêvée de consacrée, menée à la force de mes bras et de mon agenda, mais dans ma vie réelle de consacrée, très axée tout-terrain par temps boueux. 

 

            Et ce soir, comme tout le peuple chrétien, il y a une autre place où se trouver : auprès de Lui, exposé au reposoir, pour veiller et prier avec Lui. Avec Lui, consentir au réel jusque dans les horreurs.. puisque Lui y est passé, nous savons que nous n’y serons jamais seuls et qu’au bout se trouve la Vie. 

 

Saint Triduum pascal les amis ! 

 

 

dimanche, novembre 28 2021

Vivement l’Avent ? Vive l’Avent !

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            Je crois que j’ai rarement autant attendu le beau temps de l’Avent dans lequel nous entrons. D’ordinaire, ça se vit un peu rapidement, même si j’aime marquer le changement d’année liturgique par un réveillon priant et, après, j’ai toujours besoin de quelques jours pour prendre mes marques et mettre en place mon calendrier spirituel de l’Avent. 

 

            Cette année, je crois que je n’ai jamais autant désiré l’Avent. Il ne vous aura pas échappé que nous sommes dans une grosse tourmente, ecclésiale et mondiale : les nuages sombres s’accumulent autour de nous, sur nous, auprès de nous… et l’étincelle de l’espérance semble parfois dure à garder. 

 

            Mais je crois, malgré tout, ou parfois même j’ose dire que « ça croit en moi », mieux que moi. Et ma foi m’incite à demander au Seigneur Sa lumière dans les difficultés, les galères et surtout dans les drames. Devant tous les nuages, ma foi m’incite à dire « viens Seigneur Jésus »… n’est-ce pas précisément ce grand désir que nous célébrons durant l’Avent ? Alors c’est maintenant bien le temps favorable ! 

 

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lundi, octobre 11 2021

Tenir ensemble

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L’un des enjeux ordinaires de notre vie chrétienne est de réussir à tenir ensemble la contemplation et l’action : la prière qui est la source de toute action et l’action qui vient en retour nourrir la prière. Cercle vertueux mais surtout cercle fructueux de vie, nourri en Dieu pour aller vers Dieu ! Cependant, il suffit d’un rien et le déséquilibre s’enclenche.

 

Dans les temps houleux que nous traversons, le risque de déséquilibre est encore plus fort. Or, je crois que ce « tenir ensemble » s’applique encore plus largement pour qu’aucun pôle ne soit dilué ; pour nous maintenir en tension, inconfortable mais féconde : 

 

Tenir ensemble l’écoute des victimes et l’action concrète ;

Tenir ensemble la vérité et la charité, la compassion et la colère ; 

Tenir ensemble le silence de la sidération et les cris indignés ; 

Tenir ensemble la réalité dramatique des chiffres et l’espérance, malgré tout ; 

Tenir ensemble la réalité du péché et notre appel commun à la sainteté ; 

Tenir ensemble le désir de réparation du passé et l’obligation absolue de sécuriser autrement l’avenir ; 

Tenir ensemble la volonté de se confronter à la vérité en lisant le rapport de la CIASE et l’horreur absolue qu’elle engendre provoquant le dégoût ; 

Tenir ensemble l’urgence de la réception du rapport et la nécessité du temps humain de discernement, de réflexion et de concertation ;

Tenir ensemble l’urgence des réformes à réaliser et le temps long ; 

Tenir ensemble les recommandations de la CIASE et les données de notre ecclésiologie ; 

Tenir ensemble le respect de la charge épiscopale et la nécessité que s’exprime le sensus fidei de chaque fidèle, même – et surtout ? – s’il est poil à gratter ; 

Plus largement tenir ensemble toute l’Église ; 

 

Car « tenir ensemble », 

C’est tout tenir ensemble, 

Mais c'est surtout tenir tous ensemble :

Victimes et complices, clercs, consacrés et laïcs, hommes et femmes, progressistes, mainstream et traditionnalistes… 

 

Tenir tous ensemble, en Église ; 

Tenir tous ensemble, dans le Christ ; 

À la recherche d’une communion vraie, d’une unité qui ne soit pas univocité mais qui s’écrive en symphonie : 

Nous tenir ensemble au pied de la croix, pour tenir ensemble.

 

dimanche, octobre 3 2021

 Ça pleure à l’intérieur

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            Ça pleure à l’intérieur : depuis quelques jours, j’en fais le constat. Je n’ai jamais réussi à trouver de meilleure expression pour désigner des larmes qui ne se voient pas, qui sont tout intérieures et qui me donnent l’impression de ne même pas venir de moi. Cela m’arrive toujours face aux situations de souffrance les plus fortes : je n’arrive plus à pleurer physiquement, ça vient me toucher au plus profond de moi-même et ça pleure plus intensément que l’amertume salée ordinaire de mes larmes. Je me dis, parfois, que c’était cela dont il est question quand il est écrit dans l’évangile que Jésus est saisi aux entrailles, qu’il est bouleversé et pris de compassion tendre : mais, pour lui, Amour incarné, Visage de la miséricorde du Père, c’est cela devant chacune de nos souffrances. 

 

            Ça pleure à l’intérieur : le rapport de la CIASE, si nécessaire pour vivre dans la Vérité qui, seule, nous rendra vraiment libres et ajustés à Dieu, va sortir et tout indique qu’il est cataclysmique. Et les agresseurs comme les agressés sont de ma famille, l’Église, que je le veuille ou non : ces drames ont eu lieu dans ma famille, dans notre famille. Tous nous sommes concernés et il faudra éviter de se défausser trop vite d’une responsabilité. En Église, c’est-à-dire en famille, nous sommes tous dans le même bateau, même s’il semble s’agir en apparence du cousin éloigné bizarre qui a fait de la prison ou de l’oncle à la mode de Bretagne qui donne l’impression de ne faire que pleurnicher ou cracher sur la famille. Toute victime est de ma famille est j’ai à lui demander pardon ; tout agresseur et complice en couverture ou en silence est de ma famille et j’ai à prier pour lui, aussi dur cela soit-il. Il en va de la véracité de notre foi chrétienne qui ne se vit jamais tout seul.

 

            Ça pleure à l’intérieur et je n’ai pas les mots, même si j’en jette de nombreux sur le papier depuis quelques jours pour les supprimer immédiatement après. Ma prière est silence, simple présence, simple regard devant Lui car j’ai peur, aussi, des propos lénifiants ou des explications qui se voudraient trop rapides à ce sujet, dans la société comme dans la prière. Seigneur, Toi, Tu sais… 

 

Ca pleure à l’intérieur, ça me dérange, ça me trouble, ça me fait mal, aussi, mais qu’est-ce que ce petit dérangement de rien ? Cette douleur et ces larmes sont justes, elle ne sont qu’un maigre écho face aux cris de la multitude des victimes et nous avons, je crois, à accepter d’habiter cet inconfort, ce lieu dont on aimerait fuir pour retrouver un cocon plus rassurant de solutions ou d’ennemis communs à désigner comme boucs émissaires seuls responsables. Pourtant c’est la fuite de la réalité qui serait le pire ennemi. Habiter l’inconfort et nous retrouver en famille, un peu perdus, hébétés, sans juger les réactions : certains pleurant, d’autres criant leur colère en renversant certains pans de notre Église, certains même s’éloignant pour un temps parce que c’est trop dur. 

 

Ça pleure à l’intérieur et il est de notre devoir de garder ce temps sans mots articulés afin d’être capables de reconnaître, en vérité, comme certains après la deuxième guerre mondiale avec effarement « et dire que nous sommes capables de telles choses » ! Il faudra aussi probablement du temps pour retrouver la saveur de la légèreté d’une vie en Église sans dissonance. 

 

Mais, en attendant ce moment qui semble encore bien lointain, il y a un centre de gravité qui me semble à recevoir et à vivre. Ce centre de gravité pourra être de regarder, simplement, fraternellement, amicalement et pauvrement le Christ en croix, étant chargés du nom des victimes. J’ai en tête les mots du théologien Jean-Baptiste Metz devant la Passion : « Son cri en croix est celui de tous ceux que Dieu a abandonnés, mais qui pour leur part n’ont jamais abandonné Dieu. Face à la divinité de Dieu, Jésus tient bon. Dans l’abandon à Dieu sur la croix, il affirme un Dieu qui est autre et autre part que l’écho de nos souhaits, si ardents soient-ils ; un Dieu qui est plus et autre qu’une réponse à nos questions, quelques rudes et passionnées qu’elles puissent être. » (Memoria Passionis, Cerf, 2009, p. 30) 

 

            C’est de cette contemplation en vérité que pourront jaillir nos actions et probablement rejaillir une foi, une espérance et une charité véritables, passées au crible et au tamis de la souffrance et du péché des hommes. 

 

dimanche, septembre 26 2021

Comme une invitation ouverte et urgente à la prière

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            Ce dimanche, nous entendions dans l’évangile du jour : 

«  Celui qui est un scandale, une occasion de chute, pour un seul de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou une de ces meules que tournent les ânes, et qu’on le jette à la mer. » 

 

            Difficile, si l’on suit l’actualité de l’Église, de ne pas penser au fameux rapport de la CIASE sur les abus sexuels dans l'Eglise qui sera rendu public le 5 octobre prochain… et de ne pas se rappeler également que l’évangile de dimanche dernier invitait lui pour sa part : 

 

«    Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit :
    « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. » » 

 

            Des horreurs seront révélées qui, peut-être, nous feront avoir la tentation de détourner les yeux ou de nous faire dire qu’on parle trop de cela. Il est probable que la honte ou la peur nous tenaillent alors et que nous préférions nous occuper d’autres sujets, plus calmes, plus doux. 

 

Mais Jésus nous invite à mettre le « petit » au centre, qu’il soit enfant ou victime, pas à le renvoyer aux périphéries dont il vient, pas à hurler seulement, pas à le cacher sous un aspect plus riant, pas à lever simplement les yeux au ciel. Avec le Christ, nous avons à nous faire proches, même si cela nous écorche dur en retour : oui, il va falloir accueillir ces révélations et les garder au cœur de notre vie d’Église et, aussi, de notre vie de foi. 

 

            Parce qu’il faut que nous ayons ce courage, le twitto O’Brother op a lancé une chaîne de prière, un peu sur le type neuvaine mais en vrai, on fait comme on veut et comme on peut pour la réception de ce rapport en Église jusqu’au 5 octobre. 

 

Je m’y joins et, si le cœur vous en dit, je vous invite à faire de même. Rdv dans l'union de prière ? 

 

 

Voici le lien pour retrouver tout son texte d'intention de prière : https://pastebin.com/pser1vi7

mercredi, décembre 23 2020

Qu'attendent-ils de nous ?

Je ne suis pas là aujourd'hui (en "présentiel" comme on dit désormais facilement) mais une petite méditation tirée d'un grand livre d'Eloi Leclerc vous attend tout de même sur le podcast inspi... en audio uniquement aujourd'hui et demain, désolée ! 

Podcast In'spi : https://www.podcastics.com/podcast/inspi/ 

 

dimanche, décembre 20 2020

Seigneur de l'Inattendu

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Episode disponible en podcast audio à partir de 8h sur : https://www.podcastics.com/podcast/episode/seigneur-de-linattendu-55253/ 

 

            Ca arrive d’être comme David dans la 1ère lecture : tout feu, tout flamme pour le Seigneur ! Et c’est même plutôt bien au premier regard, c’est une attitude qui semble saine : Seigneur, j’ai tout ce qu’il me faut et Tu n’es pas assez aimé ! Pour Toi, je veux faire des merveilles, des trucs de folie, à Ta mesure ! Seulement, à être tout feu tout flamme, on peut parfois être tentés de mettre la main sur Dieu, de vouloir d’un Dieu juste pour nous, comme nous nous l’imaginons, à la mesure que nous l’imaginons. Or, Il ne saurait se restreindre à notre point de vue : Il est toujours plus grand ! Et, surtout, Il est inattendu !

 

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mardi, novembre 17 2020

Inspire-nous pour être Tes icônes

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Le billet déconfiné du jour est avant tout une prière... pour demander au Seigneur de faire de nous Ses icônes... malgré le masque ! Autant vous dire qu'on a besoin de Son inspiration ! 

Alors autant j'aime bien mettre texte et voix ensemble (je râle moi-même quand je n'ai pas d'écouteurs pour écouter un podcast ou une vidéo et qu'il n'y a pas de texte) mais je crois que là, je vous laisse simplement le podcast pour prier ensemble  : https://www.podcastics.com/episode/41073/link/ 

N.B. : Celui-ci est disponible à partir de 07h15

 

vendredi, novembre 6 2020

Confinés catholiquement

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Après une semaine bien rude de vie au lycée (qui compte pour plusieurs en « équivalents fatigue » !) se retrouver à ne pas réussir à faire grand-chose ce soir, à part prier, geeker, manger, converser avec tel ou tel. Ca aurait été un bon soir pour se réconforter avec quelques amis par de la légèreté et des rires, dans la douceur de l’amitié mais, évidemment, cela n’est pas possible en ce moment. 

 

Et voilà que, juste avant de prier les vêpres, j’apprends les inondations qui ont frappé la région du Panama qui nous a accueillis lors des JMJ ! Et me voilà à leur écrire. Un peu plus tard, alors que je préparais une réponse tout à fait autre pour quelqu’un vivant au Québec, voilà que whatsApp se met à vibrer et que nous échangeons avec ma famille d’accueil panaméenne, dans notre sabir mêlant les langues mais ô combien chaleureux ! 

 

A l’heure de retourner prier, cela me fait sourire : confinée ? Oui. Mais pas intérieurement, pas spirituellement : nous catholiques, ne pouvons pas l’être. Si les réseaux nous connectent aux quatre coins de la planète, la prière le fait encore plus et en ces temps troublés, il est bon de se rappeler qu’elle n’a pas de limites.

 

La prière, c’est ce qui prend tout notre monde, depuis sa proximité avec toutes ses possibles bassesses jusqu’au plus lointain pour le poser devant le Seigneur ; 

La prière, c’est tout spécialement notre ouverture à la catholicité, à l’universel : comme un apprentissage de charité, pas après pas, jour après jour, afin que notre cœur ne se replie pas sur nous-mêmes, dans nos mètres carrés restreints, mais afin qu’il se dilate à l’infini. 

 

dimanche, octobre 25 2020

Et demain

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Demain (ou presque), ce sera le lundi de la rentrée et il faudra retourner faire cours ; 

Demain, il y aura la joie de les retrouver mais, à cette idée, j’ai dans le même temps déjà le cœur serré : entre notre « au revoir » des vacances et notre « bonjour » joyeux de demain, il y aura eu un homme, un professeur, un collègue, qui aura été tué parce qu’il aura enseigné, parce qu’il aura cherché à faire goûter et éprouver la liberté et ses conséquences ; 

Demain, il faudra « en » parler avec eux : il y aura des réactions superbes d’humanité, de recul, de réflexion qui m’épateront pour leur jeune âge…

… Mais demain, je sais que, parmi eux, il y aura aussi de l’insouciance ou des réactions intolérables qui pourront aller jusqu’au « madame, il l’a cherché quand même » ; 

Demain, je sais qu’à côté de tout « cadrage » ministériel, sur le terrain, je me prendrai quelques directs du droit dans la poitrine à entendre ces réactions, le plus souvent même pas réfléchies, et il faudra parler, expliquer, encore, sans me laisser abattre mais en croyant et en espérant toujours plus, en eux et en ma mission ; 

 

Demain, comment réussirai-je à leur en parler ? 

Demain, mes mots seront bien trop pauvres... 

Pourtant, demain, il faudra sans doute surmonter mon haut-le-coeur de dégoût devant ces réactions insupportables et expliquer que, oui, une caricature, cela peut choquer, c’est même parfois fait exprès pour nous faire réagir ; 

Demain, je redirai que l’école c’est fait aussi pour s’ouvrir à l’altérité, que tout ne leur plaira jamais dans ce que nous étudions et plus largement que c’est également ainsi, au contact de la manière de penser d’autrui, en s’y confrontant, que l’on grandit mais que jamais nous ne leur imposerons une unique manière de voir : il en va de leur liberté ; 

Demain, j’aurai à réaffirmer que c’est pour cela aussi que nous travaillons le français et l’argumentation : pour pouvoir dire clairement ce qui nous choque et réfuter, et contrer celui qui s’érige en adversaire ;

Demain, ce sera vraiment dur, je le sais déjà, mais j’aurai, derrière des caricatures qui ne servent que de paravents à de nombreux autres problèmes, à réaffirmer que la langue est le meilleur des outils et la plus puissante des réponses civilisées quand nous nous sentons offensés, et que cela, nous voudrions toujours plus la leur offrir.  

 

Et demain, en réalité, ce sera dans une semaine, mais c’est comme si c’était déjà demain et, malgré toute ma peur, malgré toute la lourdeur de la situation et ma tristesse profonde, je sais que ce jour-là, je serai au cœur de ce qui fait l’éducation et le métier de professeur. 

Et j’en serai fière, malgré tout. 

 

P.S. : Les chrétiens commémorent le 2 novembre les fidèles défunts… l’occasion parfaite d’une prière pour Samuel Paty ! Mais, si vous me lisez et êtes croyant, n’hésitez pas aussi à prier pour tous les enseignants ce jour-là qui monteront sur le ring.  

 

 

samedi, mai 9 2020

Un avenir en points d’interrogation

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            Tellement d’écrits en tous sens ces dernières semaines ici ou là, des choses intelligentes, d’autres moins, des réactions qui montaient crescendo de partout face à des missives avec lesquelles on consonnait tandis que d’autres hérissaient le poil. 

 

            Et à côté de cela, les nouvelles tourbillonnantes du monde, souvent sombres : celles de la santé de tel ou tel dans un premier temps et, dès maintenant, les horreurs de la crise économique qui commence à poindre et qui balaie les plus pauvres d’un violent revers. 

Et à côté de cela, des réunions en visioconférence qui commençaient à suggérer de plus en plus certainement l’incertitude, partant l’humilité foncière à partir de laquelle uniquement l'on pouvait commencer à bâtir. 

 

            De fait, mon agenda tout entier s’écrit désormais entièrement en points d’interrogation. Ce que je ferai dans deux mois ? Eh bien, pour une rare fois, je n’en sais rien. Chaque matin, mon agenda téléphonique affiche ce que j’aurais dû faire alors que finalement, il n’en sera rien. Les journées sont chargées pourtant, mais elles sont décalées par rapport à ce qui aurait dû être et rien ne s’y déroule comme prévu. Et l’après ? Personnellement, je ne sais pas de quoi l’« après » sera fait, s’il sera changé ou pas, et d’ailleurs je crois qu’il est trop tôt pour qu’on puisse déjà réellement parler « d’après ». 

 

            Pourtant, ce temps différent n’est pas sans enseignement : il nous invite à accueillir chaque jour pleinement comme présent, dans les deux sens du terme ; à nous enraciner chaque matin dans la certitude profonde que ce jour est don de Dieu et que nous avons à Lui y dire oui. 

 

            Je me rappelle de cet excellent bouquin que feu mon premier père spi m’avait fait découvrir, La Grâce de l’instant présent, qui s’appuyait sur ces trois termes : accueillir – consentir – offrir. Accueillir, consentir, offrir : comme trois notes fondamentales de ces temps troublés. 

            Accueillir le jour donné et les incertitudes sur celui-ci d’un « oui » sans réserve.

            Consentir au programme et à ses dérangements imprévus. 

            Offrir au soir tout don reçu vers Celui qui est avec nous. 

 

            S’inscrire dans le présent ouvre à la gratitude, à la louange et à la paix du coeur malgré la tempête actuelle du monde. 

 

Cela va d’ailleurs tout à fait avec le point d’interrogation – qui est comme le signe de ce temps – et l’esquisse de spiritualité que j’aime imaginer en regardant celui-ci : un point qui reste ancré sur terre, une boucle qui veut tendre vers le Ciel en embrassant de son épaisseur tout ce qui est vivant. 

 

lundi, mars 30 2020

Invitation à Le chercher

 

Autour de lui, des accusations fusaient de toutes part, 

On peut imaginer les cris de ceux qui vitupéraient : « coupable ! » « Terrible personne ! » 

Prompts à accuser, moins rapides à se regarder en vérité.  

« Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. » 

 

J’imagine Jésus ainsi dans les accusations stériles qui fleurissent en ce temps de crise,

Jésus écrivant sur la terre, le Verbe de Dieu parcourant la terre : 

Invitation à Le chercher dans les jours qui sont les nôtres, 

Dans ces signes ténus, cachés dans l’épaisseur des jours, qui disent Sa présence. 

 

Sur l’évangile du lundi V-A de Carême (la femme adultère)

 

jeudi, mars 26 2020

Signe de(s) croix

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C’est la première chose que je fais le matin, 

Et ce sont toujours les mêmes gestes, lents et posés : en haut, en bas, à gauche et à droite. 

La priorité matinale qui m’englobe physiquement de cette présence du Christ : 

Le temps et l’espace, aussi, que je trace sur ma vie et sur le monde. 

Si un signe de croix est toujours acte de foi, il prend une gravité particulière dans le contexte qui est le nôtre : il me rappelle tous mes frères et sœurs qui vivent actuellement des croix, chaque jour plus nombreux. 

Alors, chaque matin, je pose encore plus résolument ce geste ténu, en apparence si anodin, pour affirmer que j’ai confiance en une chose : derrière cette croix, la résurrection viendra. 

 

 

jeudi, mars 19 2020

Du côté de ma paroisse, du côté de mon diocèse, du côté de mon pays

En ces temps de confinement, la vie spirituelle est appelée à croître différemment tandis que la vie communautaire propre à nos paroisses n'a pas à se dessécher mais à se réorganiser. Mais, comme on le dit souvent, "un chrétien isolé est un chrétien en danger" alors ne restez pas vraiment seuls dans votre confinement ! 

Voici quelques idées plus ou moins locales auxquelles vous pouvez vous joindre : 

 

Enfin, une belle proposition qui ne concerne pas que les catholiques, faite par les évêques de France pour l'Annonciation le 25 mars : 

 

dimanche, février 16 2020

Comme un caillou dans la chaussure

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            Comme prof, il y a des moments où tu regardes avec une certaine satisfaction des bouts de chemin parcourus par tes élèves ou, tout simplement dans mon cas, une classe qui va mieux, même si c’est loin d’être parfait. Et puis, il y a toujours lui (mais ça pourrait être un autre) : lui qui a probablement un problème d’ordre psychologique, qui ne fait rien comme il faut, qui te soule grave parfois, qui n’adopte jamais le comportement d’un élève face à l’adulte, qui a un seul cahier pour toutes les matières depuis le début de l’année, qui commet des actes incroyables d’incohérence en classe, qui joue avec tes limites…

 

            Et là, tu te retrouves vraiment justement face à tes limites : tu cherches à garder patience, tu y arrives le plus souvent mais, parfois, ben non, ça rate. Tu râles, tu t’énerves, tu cries un bon coup et après, bien sûr, tu t’en veux d’avoir manqué le coche de ton rôle de prof, de ton rôle d’éducatrice auprès de lui. Et c’est dur. 

 

            Cet élève ou ces élèves qui t’échappent, qui échappent finalement aux règles du système scolaire, sur lesquels tu n’auras jamais vraiment une quelconque prise sont aussi là pour te rappeler à l’humilité. Ils sont comme le petit caillou dans la chaussure qui vient déranger une marche bien huilée, ils viennent t’irriter, te blesser mais te rappellent aussi que si tu ne prêtes pas attention à un petit bout du membre d’un corps, c’est le corps tout entier qui a mal. Non, ta classe ne va pas vraiment mieux si lui continue d’aller mal. 

 

            Alors, tu sais que ce n’est pas dans les méandres de ton intellect ou du système scolaire français que tu auras la solution. Et tu sais que si tu en restes là, tu ne feras que crier sans avancer : ce petit caillou blessant, il vient bien bien souvent te rappeler aussi combien tu as encore à apprendre à aimer. A aimer vraiment, c’est-à-dire même celui qui dérange, car quel intérêt si nous n’aimions que ceux qui nous aiment ? Même les païens en font autant dit l’Evangile ! Car, même sans solution formelle, c’est seulement dans l’amour que le regard s’éclaircit, que la patience grandit, que la commune humanité ressurgit au-delà des défaillances : alors, Seigneur, enseigne-moi, à travers lui, pour lui, toujours plus, toujours plus justement, comment Toi, tu sais aimer, à pure perte, à plein don, apprends-moi simplement comment tu aimes aimer, Toi et à le faire à Ta suite. 

 

vendredi, janvier 10 2020

La prière, lieu privilégié de l’interreligieux

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            Mercredi soir, à la messe, comme souvent, je pensais à mes élèves. Au moment de l’offertoire, j’aime regarder intensément ce qui se passe à l’autel et, surtout, prier d’une manière toute spéciale. Mon premier père spi de moine, quand ce n’était pas la messe conventuelle, disait souvent, à ce moment, quelque chose de ce style : « présentons, offrons toutes nos pauvres vies au Seigneur pour qu’Il les prenne en Son eucharistie » : c’est ce que je fais et, souvent, ce qui habite ma pauvre vie, ce sont mes élèves ou le souci plus spécifique de tel ou tel. 

 

            Mercredi soir à la messe donc, c’était ce garçon qui habitait plus spécialement mon cœur, arrivé plus tard que la rentrée dans ma classe mais désormais bien intégré. Ce garçon ? Un « migrant », accueilli en foyer, protégé heureusement par notre pays mais qui revient de loin sur tous les plans – et notons bien que tous n’ont pas cette chance, nous venons de le voir avec cet enfant mort dans le train d’atterrissage d’un avion. Ce n’est pas si facile pour lui mais il fait preuve d’une volonté incroyable. Et mercredi donc, j’avais appris que  mon projet de le faire participer à notre voyage scolaire, ce dont il rêvait, tombait à l’eau pour des raisons administratives. Alors, c’est cet élève que j’ai présenté au Seigneur dans le creux de ma vie lorsque le célébrant présentait les dons. 

 

            Cet élève, comme tant d’autres, comme la plupart de ceux dont je porte le souci, porte un prénom musulman. Ces élèves prient Allah et non le Dieu Un et Trine, s’étant révélé à nous en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme. Et pourtant, au-delà de toutes les discussions théoriques dont je ne nie certes pas l’importance, j’aime bien voir là, dans cette simple prière à dimension eucharistique, une belle forme de dialogue interreligieux : parce que je crois qu’Ils sont aussi, d’une manière cachée, à Lui. 

 

 

jeudi, décembre 26 2019

Noël de prof, Noël jusque-là

 

 

 

 

 

C’est vrai qu’il serait plus confortable d’avoir un Dieu qui se montre tout de suite tout-puissant à la manière des super-héros : 

Et pourtant, notre Dieu est le Dieu qui se fait homme ; 

Et pourtant, notre Dieu est le Dieu qui naît dans une crèche ;

Et pourtant, notre Dieu est le Dieu qui meurt en croix. 

Il est aussi, évidemment, le Dieu qui ressuscite et qui vainc la mort mais cette éclatante victoire ne peut faire oublier ce qui précède. 

 

Je crois que, parfois, même si on le sait dans notre intellect, on s’attache aussi, presque inconsciemment, à notre conception victorieuse de Dieu et on en oublie la réalité de cette naissance : 

Dieu vient naître là où on ne veut pas de Lui, pas de place parmi les hommes, avec un aubergiste probablement bien agacé de cette demande en sus ; 

Et Dieu vient naître dans une mangeoire, pleine de foin, proche d’animaux, dans une odeur probablement détestable. 

Nous avons tous une part de représentations sirupeuses de cette naissance en tête – même s’il est probable que l’émerveillement de toute naissance fut bien présent ! 

 

Pourquoi tout cela ? Parce que je pense que cela porte aussi des échos dans notre vie spirituelle : on peut parfois penser que Dieu n’est présent que dans les belles choses victorieuses de nos existences. 

 

J’y ai beaucoup pensé à Noël et dans les jours ultimes de la préparation à la fête car, sous ma casaque de prof, j’ai vécu un premier trimestre houleux : pas tant le changement d’établissement et de niveaux enseignés que, surtout, une classe dont je suis professeur principale à la concentration incroyablement élevée d’histoires problématiques. D’où une classe difficile à « gérer » certes, mais surtout de nombreux éléments annexes à mettre en place pour tenter de les accompagner, au mieux, au-delà des réactions strictement disciplinaires. Alors, à Noël, ce sont leurs vies compliquées et leurs visages qui ont énormément habité mon cœur… J’ai voulu confier ceux-ci : 

Toi qui ne sais t’exprimer que par les poings quand cela dépasse un certain seuil, 

Toi qui as probablement un problème psychique, qui es hors-sujet et ramènes tout à toi à tel point que souvent ma patience te concernant est mise à rude épreuve, 

Toi dont les paroles sont si fréquemment violentes et menaçantes et qui n’as jamais appris à te canaliser, 

Toi qui consommes très probablement des produits illicites dans une famille où tu n’es visiblement pas le seul, 

Toi qui ne sais pas gérer ta sexualité commençante et as tendance à la faire tomber dans les ornières de la pornographie et non du respect et de l’amour vrai, 

Toi qui as peur de venir en classe et sèches pas seulement un peu mais tellement que cela met ton année en péril, 

Toi dont il y a un problème d’alcool dans la famille, 

Toi qui viens d’ailleurs et ne sais pas écrire convenablement deux mots d’affilée, 

Toi qui es un chouette garçon mais qui viens de vivre tant de tribulations depuis ton pays pour arriver enfin en sécurité en France, 

… et vous tous, cette classe qui commence enfin, après plus de trois mois ensemble, à prendre forme, peut-être parce que chacun finit par accepter d’être ce qu’il est. 

 

J’ai voulu croire que Dieu était venu pour chacun de vous, pour chacun d’entre eux, dans leur pauvreté comme il l’a fait dans une mangeoire de Bethléem, et, qu’au cœur de ces ténèbres, Il est justement venu se rendre présent et apporter Sa lumière : celle de l’Espérance, la vraie, celle qui espère plus loin que toute nuit. C’est aussi cela un joyeux Noël ! 

 

 

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