Zabou the terrible

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Un mec crade

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Un mec crade

 

 

Sortir des cours, fatiguée, comme toujours en ce moment ;

Courir pour rentrer travailler, encore, un peu plus, claquée ;

Décembre, juste avant les vacances : c’est la mauvaise période pour l’agrégatif.

Il est tout pâle ; il n’a pas le temps ; il a du mal avec son réveille-matin : la loose intégrale.

 

Gare St Lazare : ouf, la moitié du trajet est faite. A quelle heure mon train ?

 

C’est là qu’un mec tout sale s’approcha de moi, le type qui donne envie de le repousser direct : aviné, les cheveux crasseux, le reste pas moins, brinquebalant, la gueule en biais.

 

Et le raisonnement peu glorieux se met en place, tout naturellement, trop facilement : la lâcheté ordinaire quoi. Non, non, non, qu’il ne m’adresse pas la parole, pas envie, là, autre chose à faire ! Puis, il y a plein de monde dans cette gare pour s’occuper de lui, quoi ! Zut, il s’approche de moi, faisons mine de ne l’avoir pas vu… raté.

 

- Bonjou’ Gniéniorqmherimhqr ?

- Euh, bonjour, oui, pardon ? Excusez-moi, je n’ai pas compris ?

- Madm’selle, tu peux changer mon médaillon autour du cou ?

 

Là, je n’ai vraiment rien compris à cette demande étrange… Il avait un médaillon autour du cou, oui : un cœur tenu par une chainette. Mais pourquoi le « changer » ? Le quiproquo dura quelques secondes car je ne comprenais vraiment pas ce qu’il souhaitait. Au bout d’un moment, je compris : il fallait l’aider à enlever la chaine autour de son cou pour remettre le pendentif dans l’autre sens.

 

Je ne voyais pas l’intérêt…

Jusqu’à ce que je découvre que le pendentif avait deux faces :

Et le cœur tout emmêlé devient le cœur côté brillant de faux diamants.

 

- T’sais pourquoi je porte ça autour du cou ?

- Parce que le cœur, c’est l’amour ?

- P’tite m’selle, moi, j’porte un cœur parce que je veux aimer tout le monde. ».

 

Sciée j’étais.

 

Il m’a ensuite parlé de sa misère, de sa famille qui le rejetait : la bouche toute empâtée, je n’ai pas tout compris, mais je tâchais de l’écouter. Et puis, en guise de finale :

« Tu vois ce cœur là que je porte parce que je veux aimer tout le monde. Toi, merci. Tiens, je l’embrasse, j’embrasse ma main et je la mets sur ton épaule. Pour que toi aussi, tu sois forte et que tu aimes tout le monde. »

 

J’ai encore une fois failli rater mon train mais je n’ai pas regretté…

 

Dans le train, j’ai regardé la discrète croix que je porte toujours autour de mon cou :

Tu sais vraiment comment T’y prendre, Toi, pour qu’on ne T’oublie pas, hein ?

J’ai souri, puis en mon cœur s’est élevée une prière en guise de merci.

 

Commentaires

1. Le jeudi, décembre 8 2011, 08:04 par Firenze

Merci!
Combien d'autres se seraient détournés. Moi la première, sans doute!
Un moment de Désert dans une gare bondée!

2. Le jeudi, décembre 8 2011, 08:39 par Isabelle

Merci!

3. Le jeudi, décembre 8 2011, 15:25 par David

tu parles comme ça à Dieu sur ta croi?, nan mais ho! et tu t'étonnes qu'il vienne te parler aussi directement?

4. Le jeudi, décembre 8 2011, 22:00 par L.

Billet qui me retourne, comme chaque matin quand je passe devant les mendiants et leurs enfants. Non non, pas au Caire, à Lille.

Le Christ change nos rapports aux autres et d'abord à ceux qui sont rejetés. Il creuse un abîme dans ma vie qui me paraît vaine et égoïste. Peu sont les actions concrètent qui en jaillissent pour le moment. Mais c'est une pointe qui perce tout ce que j'ai pu construire sur un mode de vie égoïste. Puisse l'écorce craquer et l'appel du visage de l'autre souffrant me faire sortir de mes gonds.

Mais alors je ne comprends pas la chose suivante: pourquoi les catholiques sont-ils dans une proportion statistiquement écrasante d'accord avec des politiques qui renforcent la misère ou qui y trouvent des explications qui en font reposer la cause sur les épaules de ceux qui la subissent ? Est-ce un moyen de montrer que Dieu est au-dessus de la logique et les hommes dans un surnaturel aveuglement? Est-ce que Dieu veut nous montrer à quel point nous n 'y comprenons rien en matière de justice, et qu'il n'y a de justice qu'en Dieu ?
Tiens la bonne blague. Certes, dans une perspective théologique, ces idées de Dieu au-dessus de la raison, et de nous, en-dessous de la justice, ont leur valeur (à bien resituer surtout). Mais on serait bien capable de les ajouter à la liste très longue des sophismes dont on se sert pour arriver à conclure qu'il FAUT passer devant celui qui demande "pour manger" en l'ignorant et sans l'aider, "ce parasite". D'ailleurs l'aider serait "porter atteinte au bon fonctionnement social en renforçant l'assistanat", et de toute manière "impossible", ce qui clôt définitivement la discussion et nous permet de revenir en nos murs (et frontières...) à notre cher travail, aussi productif que routinier.

Amères salutations, pleines d'espoir tout de même et de reconnaissance pour ce billet, qui touche là où ça fait mal.

5. Le vendredi, décembre 9 2011, 12:18 par Nitt

Il me semble que nos croix autour du cou, ce sont des cœurs déguisés, non ?
Si seulement nous les regardions comme ton ami de la gare Saint Lazare regarde son pendentif !

Merci Zabou, d'avoir transmis cette petite lumière, elle est précieuse.

6. Le mardi, décembre 13 2011, 22:02 par Zabou

@ L. : est-ce vraiment tel ou tel parti politique, tel ou tel homme politique, en faveur de qui le catholique s'engage qui joue ici ? N'est-ce pas plutôt la responsabilité de chaque homme, toute bête, toute simple, d'un moment comme d'un regard ? Parce que pour la suite, je te rejoins : lâcheté ordinaire de nos fausses bonnes raisons... 

@ Nitt : bien vu ! 

7. Le mardi, décembre 13 2011, 22:18 par L.

Sisi, il y a des causes politiques à la misère la plus ordinaire et individuelle. Et les catholiques s'engagent, comme d'autres d'ailleurs politiquement.
Tout ne repose pas sur la responsabilité individuelle. On ne peut pas lutter par charité individuelle contre les problèmes de logement par exemple (à moins de transformer la charité en action collective se traduisant par des actions politiques et législatives. Mais évidement, dans ce cas, tout part toujours des individus. Mais sans s'y réduire.)Enfin, un regard ne donne pas un toit.

8. Le mardi, décembre 13 2011, 22:34 par Zabou

@ L. : Je ne conteste nullement l'importance de l'engagement politique - quand bien même j'ai du mal à m'y engager moi-même !- mais voulais plutôt dire que c'était à chacun d'"humaniser" le parti où il choisissait de s'engager. 

Je suis heureuse qu'il y ait des catholiques partout, même si certains choix politiques extrêmes me semblent difficilement conciliables avec l'Evangile, mais qu'il y ait, pour parler schématiquement, des chrétiens à gauche, au centre et à droite (en haut et en bas aussi ;-)), voilà qui me réjouit vraiment ! Je ne crois pas qu'en soi un parti de ceux-là soit directement porté à ajouter de la misère : et si tel est le cas par exemple à cause des choix qui ont des conséquences honteuses, c'est à chacun, et particulièrement aux chrétiens, d'y porter les valeurs de l'Evangile concernant l'Homme. Et non pas aux chrétiens de s'engager uniquement dans tel parti parce qu'ils sont chrétiens. L'Evangile doit être porté et vécu partout pour aller rejoindre chaque homme, et en particulier, le plus petit. 

9. Le samedi, décembre 17 2011, 14:26 par C.S. Indhal

Et voilà comment les plus pauvres et les méprisés, malgré qu'ils n'aient rien ou presque à nos yeux, viennent encore nous apporter ce que nous n'avons pas et nous ré-apprendre ce que nous oublions trop souvent…

10. Le vendredi, décembre 30 2011, 03:03 par L.

Oui, je vois bien ce que tu veux dire. D'ailleurs la logique de parti pourrait parfois s'opposer à ce que l'on regarde l'intérêt des personnes, et doit toujours être humanisée comme tu dis. Mais ce que je ne comprends pas, c'est qu'il y a bien des théories politiques et économiques prônés par des partis dans lesquels de nombreux catho sont engagés, qui produisent de la misère : par exemple, tous ceux qui considèrent les "petits", à commencer par ton bonhomme de la gare Saint Lazare, comme des "parasites" !!! Comment se construit le lien entre les valeurs catholiques et un engagement politique qui va à leur encontre ?

11. Le mardi, janvier 3 2012, 23:44 par Zabou

@ L. : dans les théories économiques et politiques, moi, tu sais, j'avoue bien humblement que je ne m'y connais pas trop... 

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