Zabou the terrible

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C'est par l'Art que Dieu s'y serait pris ?

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                Le fait de chercher dans l’art un remède à l’insupportable viduité du monde, semble au Huysmans en quête de transcendance, le symptôme même du mal qu’il s’agit de guérir. Il y voit, dès A rebours, le signe de l’éréthisme du temps. L’art n’a pas pour mission de monter sur le trône du Dieu absent, mais de faire entendre à nouveau l’appel de l’au-delà par ce que j’appellerai un réalisme de la transfiguration.
 
              Les Primitifs ont, pour Huysmans, donné l’exemple. Ils ont mis le réalisme au service de la foi, et ont été les premiers grands peintres modernes. La grandeur et en même temps la modernité de Grünewald viennent de ce que le peintre a su donner une dimension mystique à des figures de son temps, de ce qu’il a su faire d’un reître de Franconie, ou d’un larron en croix, un prophète et un Dieu. Seuls les peintres de cette époque, dont Huysmans voudrait retrouver l’inspiration ardente et la spiritualité robuste, ont réussi à transfigurer la représentation réaliste, pour ne pas dire naturaliste, de la réalité. Sur leurs toiles, la chair se fait Dieu, la foi opère ce miracle sans qu’il soit besoin de l’auréole, ajoutée plus tard par crainte de l’insuffisance mystique de la représentation.
 
              Les chairs peintes par Degas sont sans doute vivantes ; sous la peau on sent courir le sang et vibrer les muscles, mais aucune spiritualité ne se dégage de cet art génialement mimétique. Cette représentation est même déceptive par l’excès de sa perfection. Elle ne nous revoie que l’image de notre contingence. Or l’art ne doit pas être cette école de scepticisme ; il ne doit pas enfermer la chair dans la chair, mais extraire de la contingence des choses au monde, une forme d’éternité qui les illumine. Les Primitifs y sont parvenus parce qu’ils avaient la foi, les civilisés, eux, ont fait de l’art une foi, leur foi, et ils sont tombés dans un artificialisme ruineux dont des Esseintes est l’une des plus exemplaires victimes. Le salut du réalisme moderne est donc pour Huysmans dans sa transmutation en réalisme mystique.
 
 
Extrait de : Françoise Gaillard, "Modernité de Huysmans", Huysmans, une esthétique de la décadence, actes du colloque de Bâle, Mulhouse et Colmar, p.111.
 

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