Zabou the terrible

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vendredi, juin 24 2022

Un oui comme une pierre blanche

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(Mosaïque de Rupnik) 

 

 

                 Dans le secret d’une petite chapelle, un jour chaud d’été, j’ai enfin rendu les armes face à toutes mes arguties pour écouter une sorte de grand amour qui était en moi qui m’appelait, qui me dépasse et dont je percevais qu’il était porteur de la plus grande joie ; dans le secret d’une chapelle, et j’ai dit un oui libre complètement balbutiant mais aussi complètement plein de joie pour vivre un temps privé d’engagement au célibat. 

 

            On peut dire plein de choses sur le célibat consacré, en négatif comme en positif, y voir un aspect très pratique de disponibilité, en rechercher mille raisons psychologiques cachées ou explicites et soit mais il ne faut pas oublier l’essentiel : il s’agit avant tout d’un « oui » à une grande histoire d’amour, à un « veux-tu ? » qui bouleverse et qui donne le désir de dire « oui » avec tout son être. Les raisons, les explications autres peuvent être nécessaires mais elles n’en sont pas moins accessoires face à ce oui primordial d’un amour qui s’engage en réponse à un autre amour. Quand on me pose plein de questions sur mon célibat consacré, quand on le remet même parfois en cause, je m’arrête souvent au bout d’un moment, ne pouvant plus dire autre chose que « histoire d’amour », aussi simple et naïf que cela puisse-t-il être.  

 

            Pour autant, je ne suis pas non plus à l’aise avec ceux qui idéalisent ce célibat et le peignent en rose bonbon sucré formidable. L’amour ne veut pas dire que c’est simple tous les jours : les jours creusent leurs crevasses dans nos vies et le « oui » est à redire tous les jours, comme dans un couple qui s’aime et avance tendrement jour après jour malgré les lourdeurs et les crises du quotidien. Je dois avouer d’ailleurs que j’ai une grande tendresse pour les Anciens, quel que soit leur état de vie, qui sont restés fidèles : ils sont souvent des yeux simples, comme lavés par les larmes et leurs rides sont comme les sillons burinés des joies et peines de la vie sur leur corps. Ils disent quelque chose du réalisme de l’amour, qui ne s’écrit pas que dans les volutes légères des jours d’allégresse mais aussi dans la pesanteur des jours graves : calligraphie amoureuse, très certainement un brin divine. Mais ils ne se sont jamais arrêtés, ils ont avancé, ils ont dit oui, un jour, et ils l’ont redit aussi souvent que nécessaire : ils sont un véritable exemple de la réalité de la vie, tout simplement. 

 

            Je n’ai pas leur recul mais je ne peux m’empêcher de rester fascinée, émue, de ce Dieu qui m’appelle, d’une manière qui me dépasse de très loin. Même quand les jours sont plus lourds, il est une joie en mon cœur qui est donnée et il est clair que mon « oui » participe à cette joie. J’aime ce célibat consacré où je me suis engagée tout entière, corps et âme. Il n’est certes pas une carapace face au monde où je suis plongée, il est plutôt comme une brèche : un lieu d’inconfort, d’humanité, de pauvreté et de vulnérabilité, mais qui me pousse à redire « oui » à Dieu, chaque matin, pour redire « oui » à mes frères et sœurs et être parmi et avec eux ce signe très simple de la vie consacrée au travers de mes péchés et de mes ratés. Brèche de Dieu dans ma vie ; brèche divine dans la vie des autres, aussi. 

 

          Dans le secret d’une petite chapelle, c’était un 24 juin que j’ai dit ce « oui » privé voici 12 ans déjà, renouvelé d’année en année jusqu’à ma consécration et au « oui » pour toujours : ce n’est pas tant un anniversaire, ce n’est ni ma naissance, ni mon baptême, ni ma consécration, c’est une pierre blanche sur mon chemin à laquelle je reviens souvent, à l’école de st Jean-Baptiste, le Précurseur, qui ne fait que désigner le Christ. Un oui comme une pierre que j’ai un jour librement posée pour essayer à mon tour, comme consacrée dans le monde, de témoigner d’un grand Amour et de L’annoncer par tout mon être. 

 

jeudi, avril 14 2022

À notre place, là où Il est

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            Je dois l’avouer, j’ai commencé la Semaine Sainte d’humeur assez maussade. Depuis des semaines, les actes violents graves s’enchaînent dans mon lycée : j’en parle peu publiquement tout au moins pour l’instant car je refuse que cela soit instrumentalisé à des fins partisanes par temps d’élection et puis, je ne peux évidemment pas tout raconter. En tout cas, après une semaine chargée d’oraux blancs, lundi nous avions une rencontre là-dessus mais, que dire ? Que faire quand, en vrai, on manque de moyens humains pour accompagner mieux tous ces jeunes qui en ont tant besoin ? 

 

            Dans le même temps, patatras, moi qui prévoyais d’aller à la messe chrismale de mon diocèse mardi en fin de journée... voilà que j’apprends le lundi justement que je devrai faire passer à la dernière minute des « grands oraux blancs » le mardi jusque tard (précisons que ce ne sont pas là mes horaires de travail habituel). J’étais en rogne intérieurement... Et puis, comme cela avait déjà été le cas il y a deux mois, mardi arrive et puis paf : le Seigneur est venu me rejoindre dans les nuages noirs. Avant, entre et après les oraux, des dialogues en vérité avec des élèves : Unetelle à aider dans une formalité administrative dont dépend beaucoup, Untel à encourager dans ses débuts de progrès pour qu’il ne perde pas pied, Unetelle dont les vannes s’ouvrent soudain et se mettent à me narrer les galères de sa vie... Beaucoup de dureté et pourtant la certitude paisible d’être là où je devais être pour rencontrer le Seigneur. Il ne m’attendait pas dans ma vie rêvée de consacrée, menée à la force de mes bras et de mon agenda, mais dans ma vie réelle de consacrée, très axée tout-terrain par temps boueux. 

 

            Et ce soir, comme tout le peuple chrétien, il y a une autre place où se trouver : auprès de Lui, exposé au reposoir, pour veiller et prier avec Lui. Avec Lui, consentir au réel jusque dans les horreurs.. puisque Lui y est passé, nous savons que nous n’y serons jamais seuls et qu’au bout se trouve la Vie. 

 

Saint Triduum pascal les amis ! 

 

 

mardi, mars 1 2022

Carême en plus

 

Pour le mercredi 2 mars 2022, Mercredi des Cendres

 

         C’est quoi ton « effort de carême » ? Souvent, nous répondons par une privation, ou plusieurs, d’ordres divers. 

 

         C’est heureux ! Mais est-ce que c’est dans le « moins » que nous trouverons d’abord le Seigneur ? Il me semble que c’est peut-être avant tout en prenant le « plus » comme base que nous discernerons le mieux ce que nous aurons à choisir pour avancer durant ces 40 jours qui nous sont offerts. 

 

         Plus ? Pas ‘plus’ dans le sens d’ajouter plein de choses à l’agenda mais plus de vie et surtout, plus de Vie. Comment laisser au Seigneur plus de place dans mon existence ? Telle est la question qui s'offre à nous à chaque carême. Évidemment, cela peut être de choisir sciemment de renoncer à des choses qui nous encombrent inutilement au lieu de lui laisser Sa place ; cela peut être de renoncer aux moments mortifères mais aussi à des attitudes telles qui ne nous font pas du bien, d’une morosité peu amène aux autres à la série regardée en boucle qui n'apporte strictement rien, mais cela peut aussi être très simplement de choisir une attitude positive, plus vivante, plus aimante... Ou, évidemment, de prendre plus de moments de qualité avec le Seigneur ! 

 

         La liste est longue, tout est possible. Mais je crois que le « plus », qui a aussi la forme d’une croix ( !), est le critère majeur pour trouver nos décisions posées sur le chemin vers Pâques. Autrement, nous pourrions encore nous chercher nous-mêmes et nos petites gloires : même s’il est vrai que savoir renoncer fait parfois aussi humainement du bien. 

 

Seigneur, envoie-moi ton Esprit Saint afin que je sache devenir plus vivante durant ce Carême ; 

Donne-moi de quitter les spirales mortifères de mon existence, pour avancer résolument vers ce qu’il y a de bon, de vrai, de grand, de Toi dans ma vie ; 

Aide-moi à choisir toujours le « plus » afin de vibrer selon Ta fréquence, celle du plus grand amour qui s’offre sur la Croix, 

Pour que ma vie, non plus racornie mais dilatée, soit davantage à Toi et à mes frères, 

Et, qu’avec Toi, j’apprenne le chemin qui va de la mort vers la Vie. 

 

 

vendredi, novembre 6 2020

Confinés catholiquement

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Après une semaine bien rude de vie au lycée (qui compte pour plusieurs en « équivalents fatigue » !) se retrouver à ne pas réussir à faire grand-chose ce soir, à part prier, geeker, manger, converser avec tel ou tel. Ca aurait été un bon soir pour se réconforter avec quelques amis par de la légèreté et des rires, dans la douceur de l’amitié mais, évidemment, cela n’est pas possible en ce moment. 

 

Et voilà que, juste avant de prier les vêpres, j’apprends les inondations qui ont frappé la région du Panama qui nous a accueillis lors des JMJ ! Et me voilà à leur écrire. Un peu plus tard, alors que je préparais une réponse tout à fait autre pour quelqu’un vivant au Québec, voilà que whatsApp se met à vibrer et que nous échangeons avec ma famille d’accueil panaméenne, dans notre sabir mêlant les langues mais ô combien chaleureux ! 

 

A l’heure de retourner prier, cela me fait sourire : confinée ? Oui. Mais pas intérieurement, pas spirituellement : nous catholiques, ne pouvons pas l’être. Si les réseaux nous connectent aux quatre coins de la planète, la prière le fait encore plus et en ces temps troublés, il est bon de se rappeler qu’elle n’a pas de limites.

 

La prière, c’est ce qui prend tout notre monde, depuis sa proximité avec toutes ses possibles bassesses jusqu’au plus lointain pour le poser devant le Seigneur ; 

La prière, c’est tout spécialement notre ouverture à la catholicité, à l’universel : comme un apprentissage de charité, pas après pas, jour après jour, afin que notre cœur ne se replie pas sur nous-mêmes, dans nos mètres carrés restreints, mais afin qu’il se dilate à l’infini. 

 

samedi, août 8 2020

Garder la culture de la rencontre

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            Quelles rencontres à l’heure du Covid ? L’autre demeure un appel et, en même temps, il est aussi quelqu’un que je risque de blesser ou qui risque de me contaminer, d’où les gestes de distanciation sociale. Et, pourtant, ces risques existaient déjà, quoique de manière moindre : le coronavirus n’a fait que nous rendre davantage conscients de notre vulnérabilité commune, en augmentant ces probabilités de blessures mutuelles. Rencontrer, c’est toujours risquer. 

 

            Or, cet été, je voyage différemment : en train, un voyage différent, plus lent, ouvert à la contemplation, mais non moins riche en possibles grâce à l’existence des pass « Interrail ». Avec une amie, nous faisons donc en une petite semaine un « Tyrol Train Trip ». En Autriche, nous découvrons que le masque est de rigueur ainsi que la plupart des mêmes mesures que chez nous en France et, pourtant, le pays est moins touché et l’autre n’est pas devenu source de méfiance inconsidérée. 

 

            Ainsi de plusieurs échanges avec des locaux mais sans doute la plus belle rencontre a-t-elle eu lieu ce midi, alors que nous mangions sur le pouce en terrasse. Un vieux monsieur, à la table d’à côté, s’excuse de nous déranger et se lance à nous parler en français : 80 ans de jeunesse ! Il avait étudié à « l’Alliance française » à Paris, boulevard Raspail, entre 1965 et 1970 ! Intérieurement, je pensais qu’il n’avait pas dû être déçu du voyage à ces dates mais lui de nous chanter non les louanges de Paris mais de la langue française, la plus belle des langues d’Europe s’exclamait-il quoique se disant « citoyen de Salzburg » ! Il était heureux de pratiquer car cela se perd avec le temps, avant de nous confier celui qu’il estime être le plus grand des Français : Albert Camus ! Un amoureux des Lettres ce monsieur ! Nous avons continué à deviser quelques minutes, le laissant tout heureux d’avoir rencontré des Françaises. 

 

            Touchée de ce moment, je suis repartie en rendant grâce en mon cœur des rencontres inopinées mais aussi en songeant à l’importance de la culture : dans son sens étymologique où nous cultivons mutuellement la terre commune d’une part, dans les réflexions d’Hanna Arendt à cet égard d’autre part. Dans un fragment de Qu’est-ce que la politique, elle utilise la métaphore des oasis qui résistent à l’ensablement généralisé de nos vies « les oasis constituent tous ces domaines de la vie qui existent indépendamment, ou tout au moins en grande partie indépendamment des circonstances politiques ». Il m’est avis que la foi – dans une région où « Grüss Gott » est la salutation commune, n’ayons pas peur d’en parler ! – comme la culture en sont une : les deux nous ouvrent à la Rencontre / rencontre quand les peurs et les craintes pourraient conduire à un grave ensablement de nos vies : par l’isolement, voire le repli sur soi. 

 

 

 

samedi, mai 16 2020

Fils tendus

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            Je n’avais pas tout à fait prévu cela mais il apparaît que ce temps quelque peu transitoire (encore très confiné pour moi qui ne suis absolument pas certaine de reprendre en présentiel les cours dans un lycée sis en zone rouge) s’écrit beaucoup en temps passé au téléphone. 

 

            Moins de nouvelles directes des réseaux d’amis que lors des premiers temps de confinement – c’est heureux, il y a moins de problèmes de santé – mais de nombreux élèves à appeler : pour prendre des nouvelles récentes pour certains mais surtout, pour d’autres, afin de parler de l’orientation à venir. Exercice délicat du professeur principal déjà dans les rencontres en face à face, que cela soit à la sortie d’un cours ou en rendez-vous plus prolongés avec la famille qui devient épineux par téléphone. Pour certains, évidemment, ça va et il n’y a pas à faire cela ; pour d’autres, il est difficile d’appeler au réalisme alors même que la situation est inattendue. Et les appels s’allongent et s’étirent en durée… parfois avec des résultats, parfois sans avancée probante. 

 

            Mais dans tous les cas, je demeure marquée de ce nouveau rapport qui se crée. Il est sûr que les relations sont un peu différentes du fait de la situation et qu’elles seront à réajuster si le retour en présentiel se fait pour retrouver un juste rapport professeur – élève. Cependant, parlons uniquement de ces moments au téléphone : je suis frappée par la densité de ce qui s’y dit. J’ai des confidences, des bribes d’histoire, des envies, des drames, des réalités qui ne seraient peut-être jamais dites autrement. Je ne dis pas que c’est mieux : certaines choses ne sont pas de mon ressort dans ce qui sort mais comme si la situation, le fait de ne pas se voir en vrai, d’être un peu masqué ( !!!) faisait dire les choses plus en vérité. C’est parfois délicat d’accueillir ces confidences car ce n’est pas un accueil ou un accompagnement spirituel… – même si je les confie après au Boss dans le secret de ma prière ! – mais il se joue là des beaux liens d’humanité. Aussi ces moments au téléphone n’ont-ils jamais autant mérité le nom de « coups de fil » qui se tissent, se retendent, s’approfondissent. 

 

            Je fais le même constat avec quelques anciens forcément plus isolés que j’appelle régulièrement, à défaut de pouvoir les serrer dans mes bras d’amitié pour leur dire d’être forts. Parmi eux, je pense à un prêtre âgé de mes amis chers qui s’embête férocement : non que nous nous partagions des banalités ordinairement mais là les échanges s’écrivent en bribes de vie spirituelle confinée et, si la situation n’est pas drôle, il n’en demeure pas moins que c’est très beau. 

 

            Dans les deux cas, j’en sors souvent assez émue comme à chaque fois que notre humanité sonne juste et parle, parfois directement, parfois comme en creux, de Dieu et de son histoire d’amour avec l’humanité. Des coups de fils devenus simplement comme les fils tendus au travers de notre humanité, comme doublant les liens subsistant très réellement quoiqu’invisiblement au cœur de notre humanité. 

 

samedi, mai 9 2020

Un avenir en points d’interrogation

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            Tellement d’écrits en tous sens ces dernières semaines ici ou là, des choses intelligentes, d’autres moins, des réactions qui montaient crescendo de partout face à des missives avec lesquelles on consonnait tandis que d’autres hérissaient le poil. 

 

            Et à côté de cela, les nouvelles tourbillonnantes du monde, souvent sombres : celles de la santé de tel ou tel dans un premier temps et, dès maintenant, les horreurs de la crise économique qui commence à poindre et qui balaie les plus pauvres d’un violent revers. 

Et à côté de cela, des réunions en visioconférence qui commençaient à suggérer de plus en plus certainement l’incertitude, partant l’humilité foncière à partir de laquelle uniquement l'on pouvait commencer à bâtir. 

 

            De fait, mon agenda tout entier s’écrit désormais entièrement en points d’interrogation. Ce que je ferai dans deux mois ? Eh bien, pour une rare fois, je n’en sais rien. Chaque matin, mon agenda téléphonique affiche ce que j’aurais dû faire alors que finalement, il n’en sera rien. Les journées sont chargées pourtant, mais elles sont décalées par rapport à ce qui aurait dû être et rien ne s’y déroule comme prévu. Et l’après ? Personnellement, je ne sais pas de quoi l’« après » sera fait, s’il sera changé ou pas, et d’ailleurs je crois qu’il est trop tôt pour qu’on puisse déjà réellement parler « d’après ». 

 

            Pourtant, ce temps différent n’est pas sans enseignement : il nous invite à accueillir chaque jour pleinement comme présent, dans les deux sens du terme ; à nous enraciner chaque matin dans la certitude profonde que ce jour est don de Dieu et que nous avons à Lui y dire oui. 

 

            Je me rappelle de cet excellent bouquin que feu mon premier père spi m’avait fait découvrir, La Grâce de l’instant présent, qui s’appuyait sur ces trois termes : accueillir – consentir – offrir. Accueillir, consentir, offrir : comme trois notes fondamentales de ces temps troublés. 

            Accueillir le jour donné et les incertitudes sur celui-ci d’un « oui » sans réserve.

            Consentir au programme et à ses dérangements imprévus. 

            Offrir au soir tout don reçu vers Celui qui est avec nous. 

 

            S’inscrire dans le présent ouvre à la gratitude, à la louange et à la paix du coeur malgré la tempête actuelle du monde. 

 

Cela va d’ailleurs tout à fait avec le point d’interrogation – qui est comme le signe de ce temps – et l’esquisse de spiritualité que j’aime imaginer en regardant celui-ci : un point qui reste ancré sur terre, une boucle qui veut tendre vers le Ciel en embrassant de son épaisseur tout ce qui est vivant. 

 

mercredi, mars 18 2020

Affaire d'équilibre

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Premier jour de confinement officiel, on se dit que ça va et, en même temps, qu'il faudra tenir tout cela dans la durée. Convient-il d'avoir un horaire rituélique peut-être de l'ordre d'une routine ou au contraire de laisser les heures s'étirer selon l'envie ? Entre rigidité extrême sans respiration et laisser-aller baba cool, il y a de la place pour nombre de nuances mais aussi pour nombre de déséquilibres.  

Aussi me suis-je fait un petit document façon journal avec un tableau et les 8 catégories qu'il me semblait important d'honorer au fil d'un confinement:  

Vie spirituelle - nourriture intellectuelle - Bien-être physique - lien à l'autre - travail ordinaire - tâche d'intérieur - émerveillement - divertissement

Il ne s'agit pas de cases à cocher au quotidien, ce qui n'aurait aucun intérêt sinon de s'auto-flageller si on ne coche pas tout, mais plutôt de préciser dans la case comment j'ai vécu - ou pas - cette dimension. Le cas échéant, si une colonne reste vide plusieurs jours de suite, elle sera peut-être à réinvestir davantage. 

Peut-être ce document pourra-t-il être utile à d'autres, aussi je vous le partage par ici >> "Pour un confinement épanoui" 

 

dimanche, février 16 2020

Comme un caillou dans la chaussure

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            Comme prof, il y a des moments où tu regardes avec une certaine satisfaction des bouts de chemin parcourus par tes élèves ou, tout simplement dans mon cas, une classe qui va mieux, même si c’est loin d’être parfait. Et puis, il y a toujours lui (mais ça pourrait être un autre) : lui qui a probablement un problème d’ordre psychologique, qui ne fait rien comme il faut, qui te soule grave parfois, qui n’adopte jamais le comportement d’un élève face à l’adulte, qui a un seul cahier pour toutes les matières depuis le début de l’année, qui commet des actes incroyables d’incohérence en classe, qui joue avec tes limites…

 

            Et là, tu te retrouves vraiment justement face à tes limites : tu cherches à garder patience, tu y arrives le plus souvent mais, parfois, ben non, ça rate. Tu râles, tu t’énerves, tu cries un bon coup et après, bien sûr, tu t’en veux d’avoir manqué le coche de ton rôle de prof, de ton rôle d’éducatrice auprès de lui. Et c’est dur. 

 

            Cet élève ou ces élèves qui t’échappent, qui échappent finalement aux règles du système scolaire, sur lesquels tu n’auras jamais vraiment une quelconque prise sont aussi là pour te rappeler à l’humilité. Ils sont comme le petit caillou dans la chaussure qui vient déranger une marche bien huilée, ils viennent t’irriter, te blesser mais te rappellent aussi que si tu ne prêtes pas attention à un petit bout du membre d’un corps, c’est le corps tout entier qui a mal. Non, ta classe ne va pas vraiment mieux si lui continue d’aller mal. 

 

            Alors, tu sais que ce n’est pas dans les méandres de ton intellect ou du système scolaire français que tu auras la solution. Et tu sais que si tu en restes là, tu ne feras que crier sans avancer : ce petit caillou blessant, il vient bien bien souvent te rappeler aussi combien tu as encore à apprendre à aimer. A aimer vraiment, c’est-à-dire même celui qui dérange, car quel intérêt si nous n’aimions que ceux qui nous aiment ? Même les païens en font autant dit l’Evangile ! Car, même sans solution formelle, c’est seulement dans l’amour que le regard s’éclaircit, que la patience grandit, que la commune humanité ressurgit au-delà des défaillances : alors, Seigneur, enseigne-moi, à travers lui, pour lui, toujours plus, toujours plus justement, comment Toi, tu sais aimer, à pure perte, à plein don, apprends-moi simplement comment tu aimes aimer, Toi et à le faire à Ta suite. 

 

vendredi, janvier 10 2020

La prière, lieu privilégié de l’interreligieux

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            Mercredi soir, à la messe, comme souvent, je pensais à mes élèves. Au moment de l’offertoire, j’aime regarder intensément ce qui se passe à l’autel et, surtout, prier d’une manière toute spéciale. Mon premier père spi de moine, quand ce n’était pas la messe conventuelle, disait souvent, à ce moment, quelque chose de ce style : « présentons, offrons toutes nos pauvres vies au Seigneur pour qu’Il les prenne en Son eucharistie » : c’est ce que je fais et, souvent, ce qui habite ma pauvre vie, ce sont mes élèves ou le souci plus spécifique de tel ou tel. 

 

            Mercredi soir à la messe donc, c’était ce garçon qui habitait plus spécialement mon cœur, arrivé plus tard que la rentrée dans ma classe mais désormais bien intégré. Ce garçon ? Un « migrant », accueilli en foyer, protégé heureusement par notre pays mais qui revient de loin sur tous les plans – et notons bien que tous n’ont pas cette chance, nous venons de le voir avec cet enfant mort dans le train d’atterrissage d’un avion. Ce n’est pas si facile pour lui mais il fait preuve d’une volonté incroyable. Et mercredi donc, j’avais appris que  mon projet de le faire participer à notre voyage scolaire, ce dont il rêvait, tombait à l’eau pour des raisons administratives. Alors, c’est cet élève que j’ai présenté au Seigneur dans le creux de ma vie lorsque le célébrant présentait les dons. 

 

            Cet élève, comme tant d’autres, comme la plupart de ceux dont je porte le souci, porte un prénom musulman. Ces élèves prient Allah et non le Dieu Un et Trine, s’étant révélé à nous en Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme. Et pourtant, au-delà de toutes les discussions théoriques dont je ne nie certes pas l’importance, j’aime bien voir là, dans cette simple prière à dimension eucharistique, une belle forme de dialogue interreligieux : parce que je crois qu’Ils sont aussi, d’une manière cachée, à Lui. 

 

 

samedi, octobre 26 2019

De la laïcité, des laïcards et autres considérations religieuses

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La laïcité revient dans les débats comme on en a périodiquement l’habitude. Ce qui a mis le feu aux poudres c’est une histoire où le plus choquant à mon sens est le ton méprisant de l’élu prenant la parole : quelle que soit l’opinion sur le voile (et encore est-il si simple d’être juste pour ou contre ?), comment peut-on se permettre de rembarrer ainsi une personne au nom de la République alors que cette dernière est censée avoir pour fondement le respect de l’humain ?

 

Pour le reste, pour ou contre ? La question n’est jamais si facile qu’on le pense et demande tout sauf des réponses binaires et arbitraires. Il va falloir très certainement la repenser pour permettre à chacun de vivre sereinement sa croyance ou sa non-croyance dans une société pluraliste.

 

Vivre sereinement cela ? C’est justement, pour moi, l’un des sens de la laïcité à l’école et plus spécialement de la neutralité du fonctionnaire de l’état. Elle est souvent un délicat exercice d’équilibriste tant les élèves arrivent religieusement « chargés » en classe, tout spécialement les musulmans. Il faut reprendre les innombrables « sur le coran de la Mecque », « inch’Allah » etc etc en rappelant que la règle principale du prof est le non-engagement personnel dans telle pensée religieuse (ou athée, ne l’oublions pas) et nous, nous taire fermement sur nos opinions propres : nous ne sommes pas là pour influencer un esprit encore en formation. En revanche, la réelle question d’aujourd’hui selon moi, face à cette demande forte émanant du fait religieux est : « comment éclairer cet esprit en formation ? ». Et là, actuellement, soyons clairs, nous ne nous en donnons pas réellement les moyens aujourd’hui, avec une forme de peur irrationnelle au lieu de nourrir la connaissance de nos élèves sur le « fait religieux » et ce que vivent les croyants d’ici ou de là.

 

Pour preuve, un élément qui m’est arrivé récemment et dont j’ai hésité à parler ici mais voici ce que j’ai appris il y a quelques semaines : avant que je n’arrive dans mon nouvel établissement, avant que je ne dépose l’équivalent d’un quart d’orteil de pied dans celui-ci, des collègues m’ont googlisée et, évidemment, ils sont tombés sur toute la partie religieuse de ma vie. Cela aurait pu en rester là s’ils n’étaient allés se plaindre à la direction... alors que personne ne me connaissait encore ! Je fus défendue et, dans un grand élan positif, maintenant que je le sais, je crois que c’est un appel à rencontrer, à connaître et à aimer ces personnes davantage : car ma vie donnée au Christ l’est aussi pour eux !

 

Mais, pour être en même temps tout à fait honnête, j’en demeure aussi profondément blessée car c’est le sens même de ma consécration pour Dieu et pour le monde qui semble balayé d’un coup. Alors même que ma vie est tout entière à Dieu, je n’ai effectivement jamais porté atteinte à la laïcité dans le cadre de mes fonctions de professeur : j’ai posé résolument le choix d’enseigner dans le public et je sais quelles en sont les conséquences. Même en voyage scolaire au début du carême, je me suis privée de messe et de jeûne. Même si je demeure baptisée tout le temps, même si je demeure consacrée tout le temps et que je cherche à en rayonner car c’est le fondement de ma joie, je cherche une neutralité exemplaire et, dans le même temps, je cherche aussi à fonder ma réflexion théologique dans ce cadre-là. Quand certains collègues affirment sans coup férir leur athéisme, jamais je n’ai partagé a contrario ma foi à un élève. Et, là, alors même que l’on ne me connaissait pas, il y a eu soupçon : pareille attitude est-elle vraiment saine et signe d’une laïcité fonctionnant bien ? Je n’en suis pas sûre : pour moi, c’est le signe d’une peur des religions. Sans cette peur a priori - et, disons-le, assymétrique, hélas, selon les religions et selon ceux qui s'expriment - quelle laïcité réelle pouvons-nous offrir ? 

 

Alors, avant toute redéfinition de la laïcité, avant des règles quelconques, s’il vous plaît, que cela soit au niveau des collègues ou des élèves, arrêtons d'abord là les soupçons et brisons les murs de l’ignorance ! Que chacun apprenne à connaître sa foi et ce qu’il y a de beau dans ce que l’autre veut vivre ! Quand on connaît vraiment, la haine s’écroule : tel est mon souhait et mon espérance pour que l’école puisse poursuivre profondément sa mission.

samedi, octobre 19 2019

Une histoire de coeur et de partage

Dans le magazine Vocations de l'Oeuvre des vocations (voir le site : mavocation.org), ce mois-ci, un sujet qui me tient spécialement à coeur et auquel on n'est jamais suffisamment sensibilisé il me semble. Petit partage donc : 

 

 

 

 

 

mardi, octobre 8 2019

Traduction OR - Et vous madame, est-ce que vous croyez en moi ?

Aujourd'hui est paru dans L'Osservaro Romano, le journal du Vatican, un petit article de ma part témoignant de ma rentrée, pour toute une série de leur part sur l'école et l'éducation. On peut le trouver en italien donc ici sur le journal complet ou encore sur l'article spécifique.  

 

http://w2.vatican.va/content/dam/osservatore-romano/homepage/os_logo.png

 

            Encore une rentrée. Une rentrée ordinaire ? Oui et non car un enseignant ne peut jamais s’habituer à la rentrée : il y a de nouveaux visages à découvrir, d’autres élèves, c’est-à-dire d’autres êtres en croissance qu’il va falloir aider à grandir et c’est toujours neuf, comme un défi à relever. Le mélange d’excitation et de stress qui nous habite les jours précédant la rentrée est assez caractéristique : saurons-nous non pas continuer mais bien commencer à nouveau cette année ? Avec un regard si neuf qu’il porte l’espérance chez ceux sur qui il se pose ? Pour moi, professeur de Lettres dans l’enseignement public, cette rentrée marquait aussi le passage dans un nouvel établissement, du collège au lycée mais qui n’est pas un grand déménagement puisqu’il se trouve dans la même zone de cette banlieue dite pudiquement sensible dans laquelle j’enseigne depuis six ans. Je n’ai pas choisi d’y être envoyée mais, touchée par ce que j’y ai découvert, j’ai décidé d’y rester. 

 

            Ici, la pauvreté, matérielle ou humaine, est fréquemment présente, parfois de manière cachée : il faut simplement gratter les apparences pour la voir apparaître. Tel élève n’a pas de famille, cet autre vient arrive toujours en retard mais c’est parce qu’il vient de chez son parent qui habite loin, tel encore est en situation de souffrance. Et il faut faire cours dans ce contexte trop souvent lourd qu’ils apportent avec eux : si ces soucis viennent de dehors, on ne peut leur demander d’en faire totalement abstraction. Je crois qu’il s’agit pour chacun de nous, enseignants, de rester présents et de savoir donner généreusement de notre temps dans des relations interpersonnelles, à leur écoute. 

 

Un problème dramatique ici est la quasi-absence de mixité sociale, notamment sur le plan culturel : comment montrer autre chose aux élèves que ce qu’ils côtoient au quotidien ? C’est l’importance pour moi des sorties scolaires, grandes ouvertures sur le monde, mais, sans changement sociétal réfléchi, cela ne peut aller loin. Comment favoriser une culture de la rencontre et non la ghettoïsation actuelle, aggravée par l’individualisme moderne ? Selon que votre banlieue sera riche ou misérable, votre établissement aura une réputation favorable ou bien minable. Cela a aussi des conséquences très pratiques sur la manière de faire cours : mes évidences culturelles ont dû faire place à de longues périphrases pour expliquer certains textes. Et j’avoue ne jamais être aussi heureuse que lorsque mes élèves comprennent enfin une œuvre en se l’appropriant avec leurs mots, parfois fleuris : la barrière de la compréhension a été franchie, on peut alors avancer et faire savourer la beauté d’une langue. 

 

En banlieue française fortement marquée par la présence de jeunes issus de l’immigration, la place des filles se pose également de manière cruciale : beaucoup se sentent en effet limitées par le poids culturel dans le choix de leurs études alors qu’elles sont d’une grande intelligence. Comment leur laisser les mêmes chances, les mêmes ouvertures qu’à leurs collègues masculins ? Il y a tout un travail de sensibilisation, ne serait-ce que pour les aider à croire en elles et je me rappellerai toujours de cette élève qui, un jour, s’était effondrée en larmes devant moi en me questionnant : « et vous, madame ? Vous croyez en moi ? ». Enfin, de manière plus large, dans l’ensemble de la France, la réforme du bac et du lycée laisse aussi augurer de nouveaux défis dont il va falloir apprendre à se saisir : les filières ont été supprimées au profit de choix de spécialités pour permettre des parcours normalement plus personnalisés. Cela sera-t-il le cas ? Le temps seul le dira. 

 

            Mon travail est d’être professeur mais mon être profond est tout au Seigneur comme vierge consacrée. L’insistance du pape François sur la joie me marque beaucoup : « Là où il y a des consacrés, il doit y avoir de la joie » a-t-il martelé à plusieurs reprises. C’est très vrai. Alors, je crois qu’il s’agit également d’une part essentielle de ma mission : diffuser cette joie profonde que donne l’amour de Dieu parce que, je le crois, mes élèves sont aimés eux aussi. C’est l’humble fidélité du quotidien, les manches retroussées pour servir, et c’est ma joie. Et ce métier de professeur, qui est aussi vocation, en devient alors à chaque rentrée plus rayonnant : il s’agit d’aider, chez nous par notre prière, en classe par notre témoignage et par notre proximité à tous, à faire signe vers un Amour plus grand, qui précède chacun. 

samedi, février 9 2019

L'huile de la prière pour l'entretien et pour quand ça grince

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Il y a des jours comme hier qui s’écrivent en mots trop gros :   

Violence, heurts, coups, douleur.

Des histoires qu’ailleurs on n’imagine même pas, 

Des pleurs d’élèves, des pleurs de collègues, 

De la colère, les côtés sombres de l’éducation prioritaire. 

Faire notre job de prof ? Comment quand la violence fait tache d’huile ? 

Et la suite ? Et l’accompagnement ?

Et moi comme consacrée là-dedans… Comment porter lumière et espérance ? 

 

 A contrario, une soirée faite de douceur, 

Avec une petite dizaine d’amies proches, 

Partager un repas « de filles », des nouvelles, des coups de gueule, 

Des rires et, parfois, dans l’intimité d’un ponctuel tête-à-tête, 

Me confier quelques lourdes intentions de prière sous-jacentes. 

Le soir, elles rentreront retrouver leur mari, certaines aussi leurs enfants, 

Leur joie et aussi ce qui fait quelques-uns de leurs soucis : 

Belle est notre vieille amitié, malgré les différences concrètes de nos vies. 

 

Moi je suis rentrée seule et je me suis agenouillée…  

Entre violence et douceur, 

Entre questions insolubles et poids des intentions, 

Entre la violence du jour et la douceur du soir : 

Porter cela de mes mains vides, 

De mon cœur un peu trop plein, 

Dans le silence amoureux de la prière. 

 

Les solutions ne s’écrivent pas là mais, en Lui, tout prend néanmoins une autre dimension. 

A l’aune de la prière, c’est à la couleur de Son amour plénier, offert, qu’on apprend peu à peu à nous laisser façonner : notre regard, les mots que nous posons sur les situations, les mots que nous oserons balbutier pour remettre un peu d’amour comme autant d’huile là où il faut entretenir, là où ça grince et enfin et surtout là où il semble tant en manquer que cela risque de casser. 

 

vendredi, novembre 23 2018

Entre gris clair et gris foncé

 

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            Je ne sais pas pour vous mais, pour moi, s’il existe des journées lumineuses, rayonnantes à 200 % et d’autres, plus rares, très sombres et bien noires, la majeure partie de mes journées s’écrit en gris – je n’ose écrire en nuances de gris –. Comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de peindre ici des journées grises qui, à force d’être monotones, en seraient moroses mais plutôt de se demander, au terme de la journée : quelle a été la teinte dominante du jour ? 

 

            Je pense que, dans ma vie, cela oscille souvent entre gris clair et gris foncé si je dois tout additionner. Les joies, les difficultés – surtout celle-ci, là, en arrière-plan du cerveau qui te pourrit la journée –, les découvertes, la prière, les rencontres, les discussions, les petites galères (j’aime appeler cela « les renards » à cause du Cantique des cantiques et des renards qui ravagent la vigne : c’est trop ça, non ?), la journée trop longue, le mal que je ne voulais pas faire et que j’ai fait et tout le reste. Mes journées sont humaines, mes journées sont mêlées. 

 

            Le soir, ce sont donc, simplement, des jours entre gris clair et gris foncé que je dépose devant le Seigneur. 

 

Mais, ce qui est beau, c’est que devant Lui, plus rien n’est en semi-teinte : malgré tout, Il vient tout emplir de Sa lumière, de l’intérieur. Et cela illumine, et cela rayonne ! 

 

mardi, octobre 30 2018

Chemin(s) de confiance

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Cette fois, j’avais pas mal de choses à dire : des cahots et mes K.O… des trucs que je ne dis pleinement que là, dans cet espace de confiance où l’on sait pouvoir tout dire, sans gants et sans circonvolutions inutiles. 

La prière ensemble, simple et fraternelle, l’échange, l’écoute, la confiance. 

Il faut, parfois, souvent, l’aide d’un frère pour dessiller nos yeux sur la grâce de Dieu quand elle se fait caméléon aux teintes nocturnes. 

« Mais je sais la source, même si c’est de nuit » 

C’est la place de l’accompagnement spirituel de toujours nous désigner la Source mais c’est aussi la place de tout l’accompagnement fraternel que nous avons à vivre les uns par et pour les autres. Le désigner : à nous, par nous, aux autres, nos frères, et réciproquement. 

 

Mais, pour cela, il faudrait retrouver le chemin présentement assez amoché et malmené de la confiance en Église, malgré tout. Chiche ? 

jeudi, septembre 27 2018

Aux arrêts de la grâce

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Je m’élançais vers mon rendez-vous parisien de 17h et, là, à la sortie de la gare, une drôle de petite bonne femme m’accoste : « S’il vous plaît, pourriez-vous m’accorder quelques instants ? Vous connaissez Jésus ? » 

 

Devant le caractère improbable et plutôt incongru de cette demande, j’arrête net mes grandes enjambées et lui fais un large sourire : « Oh oui, je Le connais mais surtout Il me connait…  à tel point que je Lui ai consacré ma vie ! » 

            Elle sourit et lève les yeux vers la croix qui est autour de mon cou : 

- Ah vous êtes religieuse ! 

- En quelque sorte ! 

- Et vous savez tout ce qu’Il a fait de grand ? 

- Oh, tout, je ne sais pas. Je ne crois pas non mais j’aime à le découvrir jour après jour. 

 

            Et la drôle de petite bonne femme de me raconter, après avoir évoqué le mystère de la croix, les grandes llignes de son histoire : une guérison, une conversion… Je ne sais pas si elle était catholique ou d’une autre confession chrétienne mais, à travers son récit un peu embrouillé dans certains détails se manifestait beaucoup d’amour et beaucoup de foi. Et elle de terminer : « et vous savez, je vous raconte cela car, moi qui étais timide, j’ai changé, je L’ai rencontré ! J’ai besoin désormais de raconter cela, de parler de Jésus et de tout ce qu’Il a fait pour moi aux gens ! » 

 

Et bim… Et moi, est-ce que je ressens si souvent ce besoin irrépressible de partager ce que le Seigneur a fait dans ma vie ? 

 

Post scriptum : Comme le disait la personne que je retrouvais ensuite et à qui je partageais cette rencontre improbable : « il n’y a qu’à toi que ça arrive des trucs comme ça ». Je n’en suis pas certaine pas mais je crois que Dieu avait envie de partager les merveilles qu’Il semait !

 

jeudi, septembre 20 2018

Mieux qu'un capitaine à bord, un évêque sur sa cathèdre !

 

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« Faire la fête en Eglise en ces circonstances ecclésiales difficiles ? Célébrer une ordination épiscopale ? » … Eh bien, oui, malgré tout, parce que l’Église demeure et qu’elle continue à nous donner le Christ et qu’il n’y a tout de même pas mieux possible que cela ! Ce fut dimanche à Nanterre et cela restera gravé en ma mémoire : non seulement parce que c’était la première que je voyais, avec ses rites magnifiques si signifiants, en chair et en os, et non pas d’un œil distrait sur mon ordinateur, mais aussi parce qu’il s’agissait d’un évêque que je recevais comme tel pour mon diocèse, comme diocésaine et, encore plus spécifiquement, comme vierge consacrée dépendant directement de lui. Accueil tout spécial de celui qui aura la charge de nous conduire, nous ses brebis, sur les verts pâturages du Seigneur, tel le Bon Pasteur : Dieu sait – c’est le cas de le dire – si la charge est lourde et peu aisée ! 

 

« Avoir un nouvel évêque, c’est avoir un nouveau patron seulement ? Pas super original, c’est juste une occasion de faire la fête ». Certes mais, pour nous les chrétiens (qui aimons, de fait, faire la fête), un évêque, ce n’est pas le patron, ce n’est pas le boss : c’est avant tout un Serviteur (« Serviteur des serviteurs de Dieu » se fait appeler le pape, autrement dit l’évêque de Rome), un serviteur du seul « Boss » qui, Lui-même s’est fait tout petit, homme, et obéissant jusqu’à la croix. Pas de quoi parader mais, peut-être de quoi frémir pour lui tant, par son ordination épiscopale, il est désormais configuré au Christ en plénitude et entre dans cette grande succession apostolique ininterrompue depuis les premiers siècles. J’ai aimé voir mon nouvel évêque ému durant cette célébration : je ne suis pas dans son cœur mais j’imagine qu’en recevant cette charge, on se sent tout petit, tout simple instrument, et qu’on perçoit combien Dieu est grand ! 

 

            Et, à l’instar de la messe chrismale, l’ordination et l’installation d’un nouvel évêque, c’est une fête de la grande famille que constitue un diocèse en toutes ses composantes : on en accueille un nouveau membre, dans une spécificité toute particulière, car sans cet être qui nous manquait jusque-là, nous serions foncièrement dé-peuplés, moins « peuple de Dieu en marche »

 

Ainsi donc, les évêques ont reçu, pour l’exercer avec l’aide des prêtres et des diacres, le ministère de la communauté. Ils président à la place de Dieu le troupeau, dont ils sont les pasteurs, par le magistère doctrinal, le sacerdoce du culte sacré, le ministère du gouvernement. De même que la charge confiée personnellement par le Seigneur à Pierre, le premier des Apôtres, et destinée à être transmise à ses successeurs, constitue une charge permanente, permanente est également la charge confiée aux Apôtres d’être les pasteurs de l’Église, charge à exercer sans interruption par l’ordre sacré des évêques (Lumen Gentium, §20)

 

Alors, c’est une joie immense et combien elle se ressentait sur les visages et se reflétait à la sortie de la cathédrale ! 

 

            D’ailleurs, ce n’est pas un « programme d’action » que nous a donné notre nouvel évêque à la fin de la célébration mais bien des intentions de prière comme un signe du seul grand axe profond de son épiscopat, celui de la prière, de la relation à Dieu, où et en Qui tout trouve source. Et peu importe les réflexions entendues ici ou là à la sortie, les paris sur l’avenir : « il va être comme ceci ou comme cela », qu’importe s’il nous mène mieux à Dieu ! Et il est là pour cela, a fortiori dans les circonstances actuelles tragiques où le bon cap semble parfois difficile à distinguer. 

 

              A nous d’être de bons « Simon de Cyrène » pour l’épauler comme nous pouvons et, avant tout, par notre humble mais fidèle prière. 

jeudi, septembre 13 2018

Dites 33

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            Avant-hier, comme certains l’ont vu ou su ici ou là, j’ai eu 33 ans. Cette date d’anniversaire, finalement peu importante, a tout de même quelque chose d’un sympathique rituel de rentrée, permettant de retrouver quelques amis proches pour l’occasion après la relative séparation estivale. Cette année, toutefois, j’ai 33 ans, l’âge qu’on associe généralement au Christ, point anecdotique que je trouve très chouette.   

 

            Vrai ou faux cet âge du Christ au moment de sa mort et de sa résurrection ? Peu m’importe. J’ai désormais le même âge que le Bien Aimé, que Celui avec lequel j’ai décidé d’unir ma vie d’une manière toute particulière. En même temps, vous me direz qu’Il est éternel ? Certes mais, tout de même, Il s’est incarné, ce qui est extrêmement loin d’être dénué d’importance pour un chrétien ! 

 

            Je me dis que c’est un appel tout particulier à laisser résonner Sa vie en moi cette année où nous avons en quelque sorte le même âge – du coup, j’ai décidé de développer ma lectio divina de cette année tout entière autour d’un évangile (St Luc en l’occurrence, année C arrivant oblige). Mais, en même temps, je ne peux pas m’empêcher de me dire : « wouah ! Jésus, à 33 ans, Il a sauvé le monde ! Trop la classe ! J’ai franchement le meilleur époux qui soit ! » et… moi ? Ben, hum, pas pareil, c’est franchement pas gagné. 

 

            Mais pourtant, moi, je n’ai pas à sauver le monde, à 33 ans ni plus tard. Oh, parfois, a fortiori quand on a un tempérament quelque peu fonceur comme le mien, on a envie de se laisser prendre au jeu du sauveur de nos frères mais, sincèrement… c’est déjà fait ! Et c’est cela qui importe ! 

 

            Dieu ne me demande pas de sauver le monde, Il me demande de lui être, parfois, cette « humanité de surcroît » pour Le porter à mes frères. En fait, à 33 ans, comme avant, comme après, comme jusqu’au dernier jour de ma vie, Il me demande, humblement, de Le suivre toujours plus intimement, pas à pas, comme je peux, même en trébuchant, même en me ramassant bien une bonne gamelle, mais toujours avec Lui. 

 

            Alors, à 33 ans, je ne ferai pas d’action grandiose, je me contenterai du pas à pas émerveillé à la suite du Christ, dans Son compagnonnage si amoureux et si joyeux qu’Il nous pousse à chercher à l’imiter. Cette marche, toute simple, c’est ma plus grande joie et, comme programme d’année… ce sera bien assez pour moi ! 

 

mercredi, août 15 2018

Marie comme témoin

 

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C’était il y a environ huit ans, nous rentrions des obsèques de mon grand-père. J’avais conduit religieusement à l’aller tout comme je m’efforçais de le faire au retour vu la constitution de ma voiture : d’une part ma grand-tante religieuse et d’autre part l’ami d’enfance prêtre de mon aïeul qui avait célébré la messe. De mon côté, je n’avais encore rien dit sur le grand désir, le grand projet qui habitait mon cœur – même si ma perspicace grand-tante en avait deviné quelques brins – et j’étais heureuse d’avoir une occasion de les côtoyer plus longuement, dans une voiture finalement très pieuse. 

 

 Sur la route chargée d’émotions qui nous ramenait d’un fameux petit village de l’ouest vers la région parisienne, le père J. de s’exclamer : « Voici les clochers de Chartres ! Dans ma famille, on priait la Vierge Marie dès qu’on apercevait la cathédrale sur la route. Je vous propose de chanter le Salve Regina pour votre famille ». Et nous voilà de chanter tous les trois dans la voiturette, avec leurs voix marquées par l’âge et la mienne peu assurée, et de continuer à prier ensemble quelques minutes. C’était simple et c’était très beau. 

 

J’ai gardé précieusement ce souvenir dans mon cœur et, souvent, j’y pense quand je passe du côté de Chartres : je souris de ce beau moment et je prie pour ces deux aînés dans la foi, géants de la fidélité au Seigneur, qui s’éteignent doucement dans le très grand âge. Ce soir, alors que je rentrais de vacances, c’est entre chien et loup que j’ai aperçu au loin les majestueux clochers dominant la Beauce. Et, en cette veille de l’Assomption, est monté naturellement de mon cœur, cette fois avec assurance, comme un passage de témoin réussi, un Salve Regina, cette lente et belle mélodie qui semble courir le long des siècles, au fil des générations qui la disent bienheureuse et des « oui » à son exemple. 

 

O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria

 

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