Zabou the terrible

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vendredi, octobre 28 2022

Sais-tu le silence ?

 

         Dans les offices monastiques, il y a toujours du silence : un beau silence, un silence plein de densité, du côté des moines comme du côté de leurs hôtes. 

 

         Ce n’est pas que les gens se font la tronche ou qu’ils ne savent pas quoi se dire, encore moins qu’ils se cachent des choses. Ou plutôt, ce n’est pas tout à fait qu’ils se cachent, ils sont pleinement présents, c’est que ce silence est révélateur de quelque chose de plus profond. Un silence extérieur qui révèle en intérieur une écoute, un babil amoureux, parfois suppliant, un colloque avec Celui qui est au plus profond de nous-même : un espace, un temps, un blanc juste pour le Seigneur. 

 

          Et, dans ces offices, le silence des uns veille sur le silence des autres, qu’on y soit pleinement ou parfois un peu distrait, pas franchement présent, avec l’esprit qui rêvasse. Ce n’est pourtant pas le silence contraint d’un groupe avec un enseignant pour dire « chut les enfants » ou le silence mêlé de nos réseaux qui bruissent : c’est plutôt le silence des amoureux qui savent qu’il y a du temps à savourer simplement ensemble. Là, le silence amoureux s’est répandu et se garde comme un cadeau à s’offrir les uns aux autres avant de chanter, de parler ou de repartir dans le vaste monde : il est une source que tous s’entraident à garder la plus désensablée possible, l’oasis pour savoir mieux traverser les déserts de nos existences. 

 

         Et demain, je repartirai vers ma vie quotidienne pleine de ce beau silence qui viendra faire résonner autrement mes paroles et mes gestes, en les accordant un peu plus justement à Lui. 

 

dimanche, mai 15 2022

Madeleine Delbrêl nous parle du nouveau saint !

 

         Quelques mots, chère Madeleine, sur les canonisations du jour ? Oui, elle a des choses à dire car la vénérable Madeleine Delbrêl aimait profondément l’un des saints canonisés en ce dimanche 15 mai par le pape François : saint Charles de Foucauld ! Elle a même écrit un texte s’intitulant Pourquoi nous aimons Charles de Foucauld dont voici quelques lignes en ce jour de fête pour voir en quoi cet ami du Seigneur peut aussi pleinement être l’un des nôtres. 

 

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Source de  l'image : http://dessinsfranck.canalblog.com/archives/2015/06/06/32175971.html 

Besoin incoercible de prière devant Dieu, don sans mesure à tout être qui le sollicite. 

Imitation candide de la vie du Christ en Palestine, de ses gestes, de ses actes. 

Connaissance de son entourage et adaptation. 

Amour passionné du prochain. Amour fidèle de chaque instant pour l’humanité entière. (…) 

 

Il est pour nous le type de ces vocations théocentriques, qui captent l’âme directement pour Dieu dans le Christ. Ces hommes-là n’ont pas de choix à faire. Dieu touche tout l’horizon. Du fait même qu’il existe, il est éminemment préféré. 

Pour ces hommes, l’amour de Jésus Christ conduit à l’amour de tous nos frères comme pour d’autres la vocation à l’apostolat sera le chemin d’un don total au Christ. 

Cette gratitude vis-à-vis de Dieu se retrouve en effet vis-à-vis de son prochain. Charles de Foucauld lui donne sa vie de chaque jour, et l’on sait avec quelle largeur de don et de disponibilité, prêt à mourir pour lui – et il est mort par et pour lui – il n’attend pas les résultats, ne se trouble pas de son parfait échec, garde sa paix quand ayant passé presque une vie au désert, son seul bilan est la conversion, peu assurée, d’un nègre et celle d’une vieille femme. Il aime pour aimer, parce que Dieu est amour et que Dieu est en lui et qu’en aimant « jusqu’au bout » tous les siens, il imite autant que faire se peut, son Seigneur. (…) 

         Le père de Foucauld nous apparaît comme enraciné au carrefour de la charité. Il ne refuse aucune des démarches de l’amour. Il soude dans sa vie les deux extrêmes de l’amour : le proche prochain et le monde entier. (…) 

         Au mot caritas (c-à-d charité) écrit si souvent au-dessus du cœur et de la croix il fait rendre tout son sens en profondeur et en étendue. Il s’installe délibérément en vie de famille avec tout être humain qu’il rencontre. Et cette vie de famille, véritablement vécue, sera le signe nécessaire d’une autre vie de famille sans cesse approfondie et de jour et de nuit avec tous les hommes de la terre. (…) 

         Il est vraiment, en plein xxème s., un contemporain réel du Jésus de Nazareth. (…) L’Évangile, il est pour lui le tout de son apostolat visible. (…) 

         A côté de l’apostolat spécialisé, il pose la question du tout à tous. (…) il nous hisse au-dessus des compartiments sociaux, au-dessus des groupes humains pour que lisibles à tous, nous devenions comme un message universel. 

 

 

dimanche, novembre 28 2021

Vivement l’Avent ? Vive l’Avent !

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            Je crois que j’ai rarement autant attendu le beau temps de l’Avent dans lequel nous entrons. D’ordinaire, ça se vit un peu rapidement, même si j’aime marquer le changement d’année liturgique par un réveillon priant et, après, j’ai toujours besoin de quelques jours pour prendre mes marques et mettre en place mon calendrier spirituel de l’Avent. 

 

            Cette année, je crois que je n’ai jamais autant désiré l’Avent. Il ne vous aura pas échappé que nous sommes dans une grosse tourmente, ecclésiale et mondiale : les nuages sombres s’accumulent autour de nous, sur nous, auprès de nous… et l’étincelle de l’espérance semble parfois dure à garder. 

 

            Mais je crois, malgré tout, ou parfois même j’ose dire que « ça croit en moi », mieux que moi. Et ma foi m’incite à demander au Seigneur Sa lumière dans les difficultés, les galères et surtout dans les drames. Devant tous les nuages, ma foi m’incite à dire « viens Seigneur Jésus »… n’est-ce pas précisément ce grand désir que nous célébrons durant l’Avent ? Alors c’est maintenant bien le temps favorable ! 

 

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dimanche, octobre 31 2021

Lumière aimante

 

« Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur.
    Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.

    Et voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là.
 » 

Tiré de l’évangile de ce 31ème dimanche du TO année B

 

Mais aimer ? Aimer vraiment, cela veut dire quoi ? 

 

Ils avaient été invités dans ma famille il y a quelques jours. Lui souffrant d’une grave maladie neuro-dégénérative dont l’issue est la mort à court terme. Déjà, sa parole n’est plus articulée : on devine parfois, en faisant très attention, un mot et jamais rien de plus. Seule une personne n’a pas besoin qu’il écrive sur une tablette pour le comprendre : sa femme. Quand il s’exprime par borborygmes, elle le regarde dans les yeux et elle comprend tout, et elle traduit tout. 

 

Comme s’il y avait un langage de l’amour au-delà des mots, 

Comme un écho lointain du Verbe fait chair à l’amour plus fort que les mots, capable de se faire cri sur la croix… Amour plus fort que la mort. 

Au cœur de la nuit, j’ai contemplé bien plus qu’un langage de l’amour mais un miracle de l’amour ; 

Au coeur de la nuit, j’ai appris un peu mieux le sens du mot aimer. 

 

samedi, septembre 25 2021

Maux d’espérance

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            Ceux qui m’ont connue du temps de mes études littéraires ou avec qui j’ai discuté littérature un peu sérieusement connaissent mon goût pour le xixe s. et, parmi les auteurs de ce siècle, pour ceux que l’on regroupe commodément sous l’étiquette des « antimodernes » : pas pour leur propos mais pour leur style inimitable (Baudelaire, Huysmans, Barbey d’Aurevilly et Bloy demeurent mes insurpassables favoris). Alors quand, au gré d’un parcours d’accompagnement à Baudelaire et aux Fleurs du Mal, je peux me faire un peu plaisir dans le choix des textes, j’aime bien faire découvrir aux élèves le poème « Aux modernes » de Leconte de Lisle, critique virulente de la modernité mais tellement belle ! 

 

Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin 
De toute passion vigoureuse et profonde.

 

Lire tout le poème par ici >>

 

Ca « clashe » fort comme aiment le dire les élèves. J’aime bien le proposer en « devoir maison », moyen pour moi de vérifier en début d’année si les élèves ont bien compris d’une part les révisions sur la versification, d’autre part de vérifier par quelques questions comment ils réagissent face à un texte inconnu.

 

Ma dernière question est la suivante « ce texte est-il actuel selon vous ? » les invitant à un regard personnel et argumenté sur le texte. Si j’avais déjà eu des parallèles sur l’importance forte de l’argent aujourd’hui, c’est la première fois que j’ai tant de réponses portant sur l’actualité du texte quant à la crise écologique, faisant référence à la 3ème strophe du poème : 

 

Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin
Où, sur un grand tas d'or vautrés dans quelque coin,
Ayant rongé le sol nourricier jusqu'aux roches,

 

            Mais ce n’était pas seulement « c’est pareil, m’dame » : beaucoup m’ont écrit que la mort qui régnait dans ce poème était celle qui rôdait dans notre monde, dans une crise climatique pouvant aller jusqu’à l’extinction de l’homme et qu’ils en étaient inquiets. 

 

            C’est la première fois de ma vie de prof, je crois, que je lis des textes aussi désespérés et apeurés face à l’avenir. L’angoisse qui les étreint ne m’est pas étrangère mais, comme chrétienne, j’ai choisi et tente de choisir au quotidien l’espérance, cette vertu théologale qui est don de Dieu, celle qui nous fait rester dans la nuit et croire que Dieu, malgré tout, est bien là. 

 

            Quid en contexte de laïcité, en dehors de rester là, malgré tout à son tour ? Je n’ai pas de réponse sinon, bien évidemment, de les inviter à l’action si urgente mais pour le reste ? Je pense qu’un travail de l’année pourra être, en plus de la préparation du bac de français, une invitation non pas à chausser des lunettes roses bisounours devant un monde qui va réellement mal mais peut-être d’oser initier leur regard à voir les graines minuscules d’espérance, les petits actes lumineux qui restent dans le monde et nous aident à voir clair, en contraste, et à élargir les petits cercles où une lumière vacillante se diffuse et se répand, et cela même si c'est de nuit.  

 

mercredi, février 3 2021

Comme une lumière, de proche en proche

 

 

            Au lendemain de la chandeleur, je vous souhaite d’avoir dégusté le plein de belles et bonnes crêpes ! Même avec quelques taches plus brunes, avez-vous remarqué combien elles étaient d’un beau jaune ? (Sauf pour les petits malins qui auraient mis du colorant alimentaire, certes). C’est la couleur des chandelles ou l’on dirait aujourd’hui des cierges dont la bénédiction commence la messe de la Présentation de Jésus au Temple le 2 février. 

 

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dimanche, janvier 17 2021

Avec le Feu, à l'heure du couvre-feu

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Disponible en podcast à partir de 8h15 sur https://www.podcastics.com/podcast/episode/avec-le-feu-à-lheure-du-couvre-feu-57668/

 

            Aujourd’hui, dans l’évangile de Jean nous entendons ce moment où deux premiers disciples suivent Jésus : 

« Rabbi – ce qui veut dire : Maître –, où demeures-tu ? »
Il leur dit : « Venez, et vous verrez. »
Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là.
C’était vers la dixième heure (environ quatre heures de l’après-midi).

 

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lundi, décembre 21 2020

Ne soyons pas à l'ouest !

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Version podcast audio disponible à 7h15 sur : https://www.podcastics.com/podcast/episode/ne-soyons-pas-à-louest-55290/ 

 

21 décembre, l’antienne en O du Magnificat – si vous ne savez pas ce que c’est, j’en ai déjà parlé il y a quelques podcasts, je vous laisse aller l’écouter – nous invite à nous tourner en quelque sorte vers l’Orient, en appelant le Christ en ces termes : O Oriens,  Ô Orient, splendeur de la lumière éternelle. 

 

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vendredi, décembre 18 2020

Germinations

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Podcast audio disponible dès 7h15 sur https://www.podcastics.com/podcast/episode/germinations-55104/ 

Aujourd’hui, c’est un peu jour jardinage dans les textes de la liturgie. Ou peut-être davantage de germination. La 1ère lecture nous parle en effet d’un « germe juste » attendu tandis que le refrain du psaume nous fait prier en ces mots : « en ces jours-là fleurira la justice, grande paix jusqu’à la fin des temps ». L’évangile le dit moins explicitement mais Marie enceinte de Jésus, quelle germination quand même !

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dimanche, décembre 13 2020

C'est quoi ta joie ?

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Disponible en podcast audio à 8h sur  https://www.podcastics.com/podcast/episode/cest-quoi-ta-joie-54682/

 

            On appelle le 3ème dimanche de l’Avent le dimanche de Gaudete, c’est-à-dire « réjouissez-vous », autrement dit en plus simple le dimanche de la joie. La faute à St Paul qui dit dans la 2ème lecture : « Frères, soyez toujours dans la joie ! ». 

 

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mercredi, décembre 9 2020

Exercices de beauté

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Podcast audio disponible à 7h15 sur Podcastics : https://www.podcastics.com/podcast/episode/exercices-de-beauté-54336/ 

 

Aujourd’hui, la 1ère lecture – toujours Isaïe – commence en ces termes :

À qui pourriez-vous me comparer, qui pourrait être mon égal ? — dit le Dieu saint.
Levez les yeux et regardez : qui a créé tout cela ?
Celui qui déploie toute l’armée des étoiles, et les appelle chacune par son nom.

 

C’est super classe comme comparaison mais j’avoue qu’au quotidien, à moins d’une nuit à la belle étoile, ce n’est pas forcément ainsi que j’envisage Dieu. Mais c’est vrai, à qui Le comparer ? 

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mercredi, décembre 2 2020

Enguirlandons joyeusement !

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            Ici ou là les décorations de Noël commencent à se mettre en place : parfois plus lentement en raison du confinement, parfois avec plus de désir et d’intensité au vu de notre besoin de douceur. Même dans la petite salle des professeurs de Lettres de mon lycée, quelques guirlandes ont fait leur apparition… peut-être aussi pour nous aider à lutter contre l’absence de chauffage. 

 

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mercredi, novembre 25 2020

Aux lumières de la Création

Billet à écouter en podcast à partir de jeudi 7h15 par ici >> https://www.podcastics.com/podcast/episode/aux-lumières-de-la-création-53261/

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            Hier, après avoir eu la joie de visiter un ami en EHPAD, le trajet retour m’offrit un superbe tour dans Paris en voiture, Paris éclairé de la beauté des fins de journée fraîche où le ciel est net et la luminosité si subtilement belle. Le cœur déjà tout lumineux d’un bon moment partagé, j’ai laissé mon regard s’éclairer puis errer au gré des quelques ralentissements et contempler les reflets sur les monuments ou encore les irisations fluctuantes de la Seine, croisée à deux reprises et qui suivait son cours à défaut de suivre les miens. 

 

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mardi, novembre 24 2020

Simples étincelles de gratuité

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Disponible en version podcast audio à partir de 7h15 :  https://www.podcastics.com/podcast/episode/simples-étincelles-de-gratuité-44492/

 

            La situation de confinement fait disparaître les espaces les plus ordinaires de gratuité, notamment dans le temps passé ensemble, les uns avec les autres, en dehors des seules relations de travail. Si on le respecte strictement, les moments les plus gratuits de notre vie, que cela soit un temps d’amitié partagé ou le fait même d’humer l’air d’automne dans une promenade un peu longue n’existent plus vraiment : quoique ces moments ne se monnaient justement pas, nous nous apercevons d’autant plus combien ces moments sont précieux et finalement très chers. 

 

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lundi, septembre 21 2020

Covid et coeur abattu

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            C’est vrai que, pendant le confinement, des liens différents se sont tissés avec nos élèves, au gré de confidences qui excédaient parfois de loin les échanges que nous aurions eus en temps plus ordinaire : la vulnérabilité commune et l’éloignement physique, induit par les écrans et le téléphone, autorisaient des conversations profondes, où la pudeur s’estompait de temps à autre pour parler de ce qui était trop dur dans leurs vies. Il serait d’ailleurs intéressant de relire à cette aune le confinement et je me demandais également, après avoir traversé ensemble tout cela, comment seraient les relations à la rentrée. 

 

            Dans les couloirs, c’est facile en échangeant quelques mots ; dans ma propre classe, j’en ai quelques-uns qui sont « anciens » élèves de l’an passé mais pas trop : cela va bien mais il est vrai qu’il y a quelque chose d’une confiance plus profonde qui s’est établie. Parmi ceux-ci, il y a un filou au grand cœur, malin, intelligent, quelques soucis de discipline mais jamais rien de grave et plutôt envie de lui tirer les oreilles quand ça lui arrive pour le remettre sur le droit chemin. Sa situation personnelle, comme beaucoup de mes élèves, comporte des traits à faire pleurer dans les chaumières : sauf qu’il ne s’agit pas d’un moyen télévisuel facile pour provoquer la compassion, c’est juste la vérité. 

 

            Nous avions parlé ensemble déjà du virus qui nous préoccupe parce qu’on savait, lui comme moi, à quel point dans son cas c’était particulièrement dangereux : sa mère l’élève seule et elle est malade. Alors s’il y en a bien un qui ne rigole pas quand je grogne et vitupère avec ardeur dans les salles pour obtenir le port du masque par tous -et-pas-en-mode-glissé-par-dessous-le-menton-zut-à-la-fin !, c’est bien lui. 

 

            Or, vous voyez, c’est notamment un de ces gars que j’ai embarqués sous le bras (enfin, euh, métaphoriquement) tout à l’heure parce qu’il n’allait pas bien du tout et que cela ressemblait bigrement toujours à un certain virus. J’étais bien embêtée et j’ai carrément eu le cœur fendu quand il m’a dit ce à quoi je pensais déjà : « Madame, vous savez… enfin, vous savez : si j’ai ça, je ne veux vraiment pas le transmettre à ma mère ».  

 

Alors, oui, je râle et continuerai à râler sur les mesures non prises ou non respectées, sur la croissance du virus dans nos établissements scolaires (tenez, allez voir cette carte collaborative par exemple : https://www.google.com/maps/d/u/0/viewer?mid=1qSrisw1eZhc_imfnmmIvqeq9jjZG7VY1&ll=48.390625604709925%2C6.537248840773245&z=4 ) mais ce n’est pas que pour le principe : c’est aussi parce qu’au-delà de la santé qui reste un enjeu crucial et clairement urgentissime, ils broient les cœurs de ces sacrés lascars qui sont mes élèves, qui peuvent être les vôtres, vos enfants ou ceux de vos proches. 

 

Je crois d’ailleurs aussi que, dans cet amour manifesté, il y a quelque chose de sacré, un peu du Seigneur à travers les plaies de l’inquiétude, et sans doute cela me donne-t-il de l’espérance : parce que ma foi me dit que cet amour-là ne sera jamais perdu ; parce que je crois aussi que le Seigneur, même s’ils ne Le connaissent pas, est auprès d’eux deux, comme de tous ces « petits » qui sont Siens, même si c’est de nuit, même si c’est en apparence de loin, mais Il n’en demeure pas moins là, tout proche du cœur brisé et de l’esprit abattu. 

 

mercredi, septembre 2 2020

Vous avez dit bénédiction ?

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            C’est drôle : plusieurs fois au cours de ces dernières semaines, j’ai parlé avec d’autres personnes de « bénédictions ». Dimanche, c’était plutôt suite à une discussion plus musclée autour d’une bénédiction des cartables sur Twitter. Alors, sachez-le : je suis très pro-bénédictions et je ne parle pas que de la bénédiction finale à la messe ! Non, je parle ici de toutes celles qui existent en plus : bénédiction du pèlerin, d’une habitation, d’une voiture ou des cartables par exemple, ou d'autres encore ! 

 

            Cela fait-il de moi pour autant une animiste ou quelqu’un aimant une certaine magie féérique ? Je ne le crois pas. On pourrait répondre en travaillant l’histoire et la portée théologique de ce qu’est une bénédiction : je le ferai bien plus humblement, en précisant simplement ce qui fait que je les aime. Certains vont me dire de m’arrêter, qu’ils me voient venir et que je vais défendre la piété populaire. Cela pourrait être vrai d’une part mais ce n’est pas cela qui fait que j’aime les bénédictions. 

 

            L’étymologie de bénédiction, vous connaissez ? Cela vient de bene et de dicere, dire du bien… Et je fais partie de ces personnes qui pensent que dire du bien, non seulement ça ne fait pas de mal, mais surtout cela fait sacrément du bien sans mauvais jeu de mots ! Dans notre tendance à voir le mal, c’est comme annoncer et prononcer l’irruption du bien. C’est encore plus fort s’il s’agit de dire du bien de la part de Dieu sur une personne, évidemment, comme c’est le cas ici. Prier, de fait, c’est aussi croire à la mystérieuse fécondité des mots qui sont dits, que cela soit à voix haute ou dans le secret de notre cœur. 

 

            Mais quid d’un objet alors ? Il se conçoit aussi en relation avec la personne : en fait, ce qui est important pour moi, dans une bénédiction, sans doute plus que tout, c’est qu’il s’agit de « mettre Dieu dans le coup ». De poser, par un acte, que nous voulons nous mettre, dans ce lieu, dans les actions que nous ferons avec tel objet, sous la protection du Seigneur et Lui demander Sa grâce ! Et, ensuite, que nous voulons agir avec Lui et pour Lui. Rien d’anodin mais au contraire, c’est très fort et cela nous engage pour la suite à chercher à vivre en conséquence ! 

 

Ainsi, ce n’est pas parce que mon sac à dos a été béni lors de la bénédiction des cartables que mon stylo rouge qui était glissé à l'intérieur dans ma trousse corrigera mieux : mais c’est dans la mouvance de la bénédiction de Dieu que je désire vivre mon année de prof, lui demandant humblement sa grâce de m’en servir au mieux ! Peut-être que, dans le fond, c’est aussi pour que mon stylo rouge devienne à son tour instrument de bénédiction plutôt que de malédiction… peut-être ? 

 

dimanche, décembre 8 2019

L'Avent en s'enguirlandant

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Je vous avais proposé, voici deux ans, d’utiliser le même calendrier de l’Avent que moi >> . Cette année, si vous souhaitez me suivre (ou plutôt me rejoindre vu la date à laquelle je prends enfin le temps d'écrire ce billet), dans mon calendrier, sachez qu’il s’agit bien de s’enguirlander ! 

 

            Non, pas ce que vous imaginez de prime abord mais bien de réaliser une guirlande lumineuse, pas avec de grandes connaissances en électricité mais bien avant tout par le cœur. 

 

            L’idée ? Puisque nous nous préparons à accueillir Celui qui est la Lumière du monde, il s’agit de noter, au quotidien, une lumière qui nous parle de Lui. Une chose, simple ou complexe, petite ou grande : qu’importe pourvu qu’elle brille de Lui ! 

 

Le tout fera ainsi une belle guirlande très lumineuse dont nous pourrons nous parer, nous enguirlander afin d’être davantage lumineux de Lui à la fin de l’Avent. Disciple missionnaire, à l'intérieur tout comme en sortie quoi ;-) 

samedi, août 24 2019

Lumineuses vies orientées vers la Vie

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Hier ont eu lieu dans ma paroisse les funérailles de Sr Solange, une religieuse que je connaissais peu, n’ayant eu l’occasion que de la croiser ici ou là mais il me semblait important de participer à la prière commune pour et autour d’elle. 

 

Je dois dire que j’ai été frappée par le caractère lumineux de ce moment, comme je l’avais été lors d’autres funérailles de consacrés morts assez âgés, après une longue vie de fidélité, comme feu mon première père spirituel moine ou encore le curé de mon enfance, dont les dernières semaines à l’un comme à l’autre m’avaient aussi particulièrement marquée et presque bouleversée tant elles parlaient du Christ. (Là par exemple : « D’actions de grâce mâtinées d’émotions ») 

 

Si les funérailles peuvent toujours être à la fois douloureuses et apaisantes, il me semble que celles-ci acquièrent une dimension particulière dans ce cas, à laquelle je suis particulièrement sensible. Leur vie a certainement été, comme pour chacun, une succession de lumières et de parts d’ombre mais, chez eux, il y avait aussi cette joie primordiale d’appartenir au Christ dans toute leur existence. Et cette joie s’est vécue dans une fidélité de chaque instant, du oui quotidien, malgré les obstacles, les tempêtes, les tribulations, peut-être malgré des infidélités suivies d’autant de relèvements par miséricorde… et tout cela est grand. Ainsi la célébration des funérailles chrétiennes sonne vraiment comme un achèvement heureux, comme le oui qui a tenu jusqu’à l’heure de la Rencontre avec son Seigneur, cherché avant, sur terre, amoureusement, par toute une vie dans le visage du frère et dans le cœur-à-cœur de la prière. Accomplissement d’un amour dans l’à-Dieu. 

 

Aux jeunes, on donne souvent des jeunes consacrés en exemple. C’est important pour l’élan, pour ne pas se savoir seul et pour oser la folie de l’engagement mais ces vieux consacrés sont aussi à ne pas oublier et à contempler, et fréquemment. Car ils sont aussi vraiment des exemples de fidélité : sans clairon ni trompette, ils représentent par leur vie et par leur mort la force d’un oui qui s’est déployé dans toute une existence, malgré les chemins de traverse parfois chaotiques que la vie fait emprunter, jusqu’au bout. Et alors la mort, en nous renvoyant certes à notre finitude, renvoie aussi et encore davantage à cette résurrection qui nous est promise en espérance, à cette Rencontre vers laquelle la vie consacrée est foncièrement tendue. 

 

Alors qu’ils soient auprès de Dieu, rayonnants, et qu’ils intercèdent pour ceux en pèlerinage encore sur cette terre, pour notre fidélité dans chaque petit et grand oui du quotidien. 

mercredi, juillet 10 2019

Quelles cloches

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La messe et les vacances, c'est toujours une grande histoire... En France, il y a un truc sensationnel qui s'appelle Messe info - certes, quand la dite "info" est renseignée - qui permet de trouver tout plein de messes (dans l'idéal) autour de son lieu de villégiature. D'accord, ça, c'est le cas dans lequel tout va bien. 

Alors, imaginez-vous maintenant en voyage itinérant à l'étranger avec des non-messalisants dans un coin dont vous ne parvenez pas à trouver le site internet de la paroisse, le tout dans un planning serré dans lequel vous n'avez pas votre marge de liberté... c'est moins sympa tout de suite, non ? Que faire ? 

Pas question de sécher : si j'en avais les moyens matériels concrets, la messe, ce serait vraiment tous les jours et pas "la messe en semaine quand les horaires sont compatibles avec ceux du travail" parce que j'aime profondément ce moment d'une part, d'autre part parce qu'il est vital pour nourrir ma vie de consacrée. Et là, ce n'était pas la question d'une messe de semaine, c'était la question de la messe dominicale. 

J'étais donc assez embêtée samedi en fin de journée : il allait me falloir dénicher une église en espérant que les horaires seraient affichés et ne gêneraient en rien personne le lendemain. C'était sans compter sur la Providence et sur ses cloches... 17h45 : une volée de cloches bien caractéristique ! Chrétiens, venez prier ! Chrétiens, venez participer à ce moment où le ciel s'unit si spécialement à notre terre ! "Oh ! Je vous laisse, je vais à la messe" : l'église n'apparaissait pas sur l'application, je me suis guidée au son pour finalement arriver dans une petite chapelle avec une vingtaine de personnes. Je ne connaissais personne, je ne parlais pas la langue mais je venais retrouver des frères et des soeurs alors je leur ai souri... et nous avons prié ensemble, et nous nous sommes nourris de la Parole du Seigneur et de Son corps. C'était simple mais c'était, comme toujours, extraordinaire. 

Quand certains râlent contre le son des cloches, peut-être devraient-ils davantage se laisser interpeler par celles-ci pour leur bien ? Se faire sonner les cloches ainsi, ça fait toujours du bien ! :-) 

 

samedi, juin 22 2019

Comme une douce ondée de vie

 

 

            Ils sont jeunes, ils chantent en chœur pour la fête de la musique dans ce lieu de croisements de vies qu’est le hall d’un hôpital. 

 

            Il y a là quelques blouses blanches, peut-être venues égayer la pause trop courte de leur emploi du temps surchargé. 

            Il y a là des officiels venus moitié par devoir pour certains, moitié par plaisir pour d’autres. Ils sont venus aussi serrer quelques mains, prendre des photos, alimenter leur compte officiel certifié. 

            Il y a là des passants de tous les âges, il y a là des patients de tous les âges. 

 

            Les élèves chantent, la magie opère et l’ambiance naît dans ce lieu souvent plus triste qu’à son tour. Des sourires naissent sur les visages auparavant fermés, certains s’animent et tapent des mains : comme une joie, une allégresse qui se communique grâce à la musique chantée et surtout partagée à plusieurs. Il est l’heure de la fête. 

 

            Une petite enfant s’échappe des bras de sa maman dans le public pour rejoindre les chanteurs, tout sourire, toute chorégraphie : les sourires grandissent encore de cette vie toute pétillante. Oui, il est l’heure de la fête. 

 

            Certains brancards passent. Si certains sont indifférents, la plupart des alités regardent avec attention nos élèves et leurs regards sont touchants : comme s’ils attrapaient au passage une dose de cette vie qui défaille en eux présentement et la respiraient, et s’en emplissaient. D’autres sont encore plus touchants quand ils agitent une main en cadence ou saluent d’un signe faible mais volontaire nos élèves qui leur répondent. Instants furtifs sur la totalité du spectacle, instants précieux, d’une immense qualité humaine : il est l’heure de l’humanité. 

 

            Parmi nos élèves, certains vivent aussi des drames, même s’ils sont moins visibles en apparence : l’une enterre sa maman un peu plus tard dans la journée et, si je fais partie de ceux qui frappent dans leurs mains pour l’ambiance, j’ai le cœur serré et un peu envie de pleurer quand je la regarde. En attendant, elle chante, elle aussi pleine d’un espoir, d’une vie plus grande encore que ce qui est limité et vient de se terminer. Il est l’heure de l’espérance. 

 

Un spectacle sans rien de très spirituel en apparence et pourtant empli de nombreuses gouttelettes de vie à guetter, à savourer, à chanter : parce que, simplement, il y était question de la vie à célébrer malgré tout, de la Vie à espérer, malgré tout. 

 

 

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