Zabou the terrible

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mercredi, novembre 2 2022

Que reviennent ceux qui sont loin

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        Ayant aimé avec passion Des Âmes simples j’ai immédiatement craqué en voyant la parution d’un nouveau roman de Pierre Adrian : Que reviennent ceux qui sont loin

 

         Le thème est moins directement spirituel : il ne s’agit pas d’un vieux curé des Pyrénées et d’une abbaye perdue et accueillante à quiconque mais le talent reste le même pour camper une atmosphère d’une belle densité qui conserve un degré certain de pudeur. De plus, il s’agit du récit d’une expérience que nous pouvons tous faire à notre mesure, même si nous n’avons pas de maison de famille bretonne en bord de mer : ce retour chez les siens et l’expérience du temps qui file, insaisissable, inarrêtable. Évidemment, pour qui a connu ces grandes maisons qui vivent l’été avec leur tablée de cousins et leurs histoires à hauteur d’enfance, le récit prend encore plus de chair. 

 

         C’est l’histoire du narrateur qui, arrivé à la trentaine et après plusieurs étés de jeune adulte à rêver d’ailleurs plus luxuriants, choisit de retourner passer août dans cette maison où il a tous ses souvenirs estivaux et tant de famille. 

          C’est un simple récit de retour, dans ce qu’il a d’ordinaire et d’extraordinaire, de personnages qui vieillissent, d’autres qui grandissent, de générations qui se succèdent, de choses qui demeurent comme elles ont toujours été et qui voient les hommes passer. Mais le temps s’écoule ainsi que le sable et vient redonner, grâce aux grains de sable qui demeurent malgré tout collés, du relief aux jours d’antan où l’on s’ignorait si heureux. 

          C’est un présent doux et sans illusion – sans amertume cependant non plus – qui mesure l’écart avec le passé mais apprend à savourer l’aujourd’hui, à le redécouvrir avec des yeux d’adulte et à s’enraciner dans là d’où il vient, comme réconcilié avec le petit garçon qu’il fut et avec l’adulte qu’il apprend à être pleinement, en endossant le rôle d’oncle. 

         C’est comme un souffle tendre qui émeut malgré toute la retenue qui y figure et qui nous donne à notre tour les yeux un peu brouillés, nous renvoyant malgré nous à nos étés d'hier et à ceux qui en sont définitivement partis. 

 

mardi, décembre 31 2019

Habiter le monde ? Quelques mots au sujet du Goncourt 2019

 

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            J’étais terriblement curieuse de découvrir le roman qui avait détrôné mon « poulain » de l’année au Goncourt 2019, quel était cet ouvrage qui avait surpassé Soif – même si, entendons-nous bien, je maintiens aussi les limites réelles de ce livre mais il me semble tout de même méritant ce prix ! (Cf. https://www.nrt.be/fr/recensions/soif-13721)

 

            Donc le Goncourt 2019 signé Jean-Paul Dubois avec, dès l’abord, un beau titre, méditatif comme il faut Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon  et qui présente un rythme narratif intéressant : de sa prison close, l’imagination du narrateur s’échappe en souvenirs pour retracer le fil de sa vie. En termes ignatiens, on dirait certainement qu’il la relit et ce ne serait pas faux tant il y a certainement quelque chose d’un exercice spirituel là-dedans. 

 

            Ainsi le livre tout entier s’écrit et se tresse dans une alternance entre le fil de sa vie passée et le caractère glauque de sa vie présente, avec son co-détenu, un homme rustre dont l’unique raison de vivre est sa moto en bon – ou mauvais ? – Hells Angel. Évidemment, nous ne connaissons rien des raisons de l’incarcération du narrateur, si ce n’est qu’on devine que c’est extrêmement grave et c’est bien ce qui accroche la lecture puisque nous voudrions bien savoir ce qui a pu amener là un homme qui semble simplement être l’un de nous. 

 

            Pourtant le roman ne nous y mène pas en ligne droite et, si « Dieu écrit droit avec des lignes courbes » comme on le sait, ce qui amène à l’exercice de la violence s’écrit aussi avec les méandres d’une vie certes surprenante mais également très ordinaire, avec ses promenades primesautières, une famille qui connaît des bas, le travail quotidien ou encore un amour qui emplit l’existence. On a plaisir à la lire car on croirait lire le portrait simple d’un « honnête homme », aux nationalités plurielles. Mais c’est bien ce même homme, si simple et si bon, qui commettra un acte passible de la prison : toutefois, une fois que nous en sommes là, ce n’est plus vraiment ce qui importe. Car nous avons appris à aimer ce personnage et la fin semble affirmer que le narrateur est heureusement enfin parvenu à trouver et la paix, et ce qui fait le cœur de son identité. Et, oui, je dois le dire, sans être le livre du siècle, notamment à cause d’un style qui se lit bien mais qui n’est pas particulièrement remarquable, c’est un beau roman, comportant quelques clins d’œil intertextuels notamment à des fables de La Fontaine, comme si ce récit se voulait plus « moral » qu’il n’en avait l’air. 

 

            Il est vrai qu’en creux de la trame romanesque se perçoit aussi un questionnement religieux – était-ce la condition cette année pour être finaliste du Goncourt ? – puisque le père du narrateur, personnage secondaire prenant beaucoup de place dans l’intrigue, est un pasteur qui a perdu la foi mais qui demeure attaché de manière assez désespérée à la morale et, derrière, à une forme de vie qui tressaille malgré l’accablement. Car c’est que « tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » dit ce pasteur dans son homélie finale, concluant en gardant une porte ouverte : « Que Dieu, s’il vous voit, vous bénisse ». Ainsi, si l’on devait mettre en relation ce questionnement dans les deux romans finalistes du prix Goncourt 2019, peut-être faudrait-il parler simplement d’incarnation et esquisser l’hypothèse que, dans un cas, celui de Soif, nous découvrons de manière originale Celui qui est venu demeurer, habiter parmi nous, homme au milieu des hommes. Dans l’autre cas, dans ce roman, c’est un homme qui découvre presque de manière initiatique qui il est réellement parmi les hommes : avant tout un être incarné, avant toute tribulation et même après, un fils qui s’est reçu de ceux qui lui ont donné la vie. 

 

mercredi, janvier 2 2019

Lectures marquantes 2018

Avant de clore le "chapitre" 2018, j'ai fait un tour dans ma liste de lectures de l'année civile... Voici les 10 sélectionnées parmi celles-ci comme les plus marquantes de mon année, il me semble et a posteriori. Certaines ont fait l'objet d'une recension ou d'une citation sur ce blog, d'autres non mais toutes ont marqué, à leur manière, mon année. Peut-être qu'elles viendront marquer votre année 2019 si le coeur vous en dit !  

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Littérature – romans 

Ava Olafsdottir, Audur, Rosa Candida, Zulma, 2015, 224 p.

Endô, Shûsaku, Silence

McDermott, Alice, La Neuvième Heure, Quai Voltaire, 2018, 288 p. 

Olmi, Véronique, Bakhita, éd. Albin Michel, 2017, 455 p. 

 

Essais et spiritualité 

Candiard, Adrien, o.p., Veilleur, où en est la nuit ? Petit traité de l’espérance à l’usage des contemporains, Cerf, 2016, 100 p. 

Giraudo, Cesare, Confesser les péchés et confesser le Seigneur, 2017, Les Éditions des Quatre Vivants, Mesnil Saint Loup, 96 p. 

Lécu, Anne, Sr, Ceci est mon corps, Cerf, 2018, 160 p. 

Sinety, Benoist (de), Il faut que des voix s’élèvent, Flammarion, 2018, 132 p. 

 

Théologie :

Balthasar, Hans-Urs (von), Ratzinger, Joseph,Marie, première Église, Mediaspaul, 1989, 75 p. 

Hennaux, Jean-Marie, s.j. "Le sacerdoce, vocation ou fonction ?", Le Sacerdoce, humain et divin, masculin et féminin, Cahiers de la NRT, CLD éditions, 2018,

Wénin, André, L’homme biblique – lectures dans le premier Testament, Cerf, 2004, 224 p. 

 

P.S. : S'il y avait eu une 11ème place, cela aurait été pour le roman A son image de Jérôme Ferrari... mais je vais m'arrêter là dans ce classement qui s'assume comme purement subjectif. 

vendredi, décembre 28 2018

La Neuvième Heure

 

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La Neuvième Heure ? Soyons clairs : c’est un livre qui pue la fange… Mais au milieu duquel resplendit, comme troublée de timidité, la grâce et, avec elle, la simplicité qui l’accompagne toujours. C’est un roman « sur les bonnes sœurs » diraient de bonnes âmes : non, c’est l’histoire d’un quartier de New York au milieu duquel vit une congrégation de religieuses, si incroyables, si humaines et si touchantes à la fois. Chacune avec son tempérament bien trempé… comme dans la réalité ! 

 

Les histoires où elles gravitent sont sordides, comme souvent nos histoires d’hommeries mais elles s’en savent non exemptes malgré leur choix de vie : elles ont simplement à rayonner de Lui. Elles sont pécheresses au service des pécheurs, ayant donné leur vie pour Lui et, par-là même, pour eux, ces pauvres auprès desquels elles sont envoyées. Petites mains de l’ordinaire : elles ont les doigts occupés à panser, les bras toujours prêts à soulager, le regard prompt à tout voir et l’intelligence du cœur qui prie pour tous, qui sait tout, comprend tout et aime, par-dessus tout, même avec rudesse comme c’est le cas de Sr Lucy. 

 

Et puis, il y a cette fille, Sally ou Saint-Sauveur de son vrai nom, qui est comme l’enfant du couvent puisque sa mère a été employée par ces sœurs depuis son veuvage. Un sauvetage comme un autre quand le mari se suicide et que c’est une tragédie, temporelle et spirituelle. C’est cette petite qui constitue la trame narrative de ce roman : comment grandit une fillette qui apprend la vie au milieu des cornettes amidonnées ? Il s’agit de découvrir la Vie et, aussi, de découvrir la vie, ce qui n’est jamais sans heurts. 

 

Plus qu’un roman d’apprentissage, c’est le récit d’une croissance dans les bas-fonds de la misère humaine où Il aime tout spécialement se nicher. 

 

La neuvième heure, c’est l’heure de la prière des sœurs mais c’est évidemment aussi l’heure de la mort du Christ en croix. 

C’est l’heure mystérieuse qui sonne à la fois le glas dans le noir absolu de la déréliction et, en même temps, l’ouverture du Ciel à notre salvation. Mystère de la rédemption qui court discrètement tout au long de ce livre et qui demeure comme en suspens chez chaque personnage. 

 

La Neuvième Heure, prix Fémina étranger 2018, c’est le récit que je viens de dévorer et que je vous invite à découvrir à votre tour. Tous liront un beau roman, finement construit, « ceux qui y croyaient et ceux qui n’y croyaient pas » et, nous les chrétiens, en ressortirons probablement le cœur émerveillé de la foi de ces femmes – mêmes quand elles grognent : « si j’étais Dieu, je ferais les choses autrement » –  et devenus un peu plus compatissants envers les plus pauvres d’entre nous, Son option préférentielle et la nôtre. 

 

Alice McDermott, La Neuvième Heure, Quai Voltaire, 2018, 288 p. 

 

mercredi, janvier 24 2018

Pierre et Mohamed, semence d'espérance

 

 

          En général, on connaît Mgr Pierre Claverie, évêque d’Oran, au moins de nom… Parfois, l’on sait qu’il fut assassiné (on peut en savoir plus en lisant ce dossier de La Croix qui lui est consacré) mais on sait rarement qu’il était accompagné de son jeune chauffeur musulman, Mohamed. C’est à cette rencontre entre deux hommes que ce petit livre, Pierre et Mohamed, est consacré : quelques pensées, de part et d’autre ; quelques réflexions de chaque côté, non isolées mais bien conçues en lien, en pont, bref, en amitié. Quand on se frotte par la quotidienneté de sa vie au dialogue islamo-chrétien, on ne peut que se sentir concerné. 

 

          Dans ce livre, dont le texte est joué au théâtre depuis plusieurs années, il ne s’agit pas d’une tragédie devant laquelle pousser des hauts cris, ni d’une dénonciation de la violence aveugle qui ne fait qu’empirer mais bien plutôt de graines de réflexion qui ne demandent qu’à germer. Ce dont il s’agit ici, c’est d’un appel : non à la tolérance souvent si condescendante mais bien à l’amitié vraie, celle qui nous permet d’entrer en dialogue avec l’autre, en restant nous-mêmes. Cultiver cette culture du dialogue en ces temps troublés, c’est très certainement d’une réelle actualité : on le perçoit a fortiori dans la postface inédite de l’auteur. Merci frère Adrien de ce bel ouvrage !

 

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« Toutes les religions sont sans cesse exposées à devenir des instruments d’oppression et d’aliénation. Ne laissons pas l’esprit être étouffé par la lettre. Nous pouvons lutter contre ces dénaturations de la foi, la nôtre comme celle des autres, en maintenant le dialogue malgré les remous de surface et les apparents durcissements. Le dialogue est une œuvre sans cesse à reprendre : lui seul nous permet de désarmer le fanatisme, en nous et chez l’autre. C'est par lui que nous sommes appelés à exprimer notre foi en l'amour de Dieu qui aura le dernier mot sur toutes les puissances de division et de mort. » (p. 37)

 

fr. Adrien Candiard (o.p.), Pierre et Mohamed, éd. Tallandier, 2018, 77 p.

mercredi, novembre 29 2017

Qu’est-ce qui vous donne votre vie ?

 

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« Qu’est-ce qui donne du sens à votre vie ? », c’est la question posée au poète-narrateur dans ce petit livre… Il la dépasse, la décale, la fait sonner autrement pour livrer un ouvrage d’une petite poésie en prose à la saveur si spéciale de cet élan indicible vers l’Autre.

 

« Le travail : du néant. La pensée : du néant. Le monde : du néant. L’écriture qui est travail, pensée et monde : néant. Reste l’amour qui nous enlève de tout, sans nous sauver de rien. La solitude est en nous comme une lame, profondément enfoncée dans les chairs. On ne pourrait nous l’enlever sans nous tuer aussitôt. L’amour ne révoque pas la solitude. Il la parfait. Il lui ouvre tout l’espace pour brûler. L’amour n’est rien de plus que cette brûlure, comme au blanc d’une flamme. Une éclaircie dans le sang. Une lumière dans le souffle. Rien de plus. Et pourtant il me semble que toute une vie serait légère, penchée sur ce rien. Légère, limpide : l’amour n’assombrit pas ce qu’il aime. Il ne l’assombrit pas parce qu’il ne cherche pas à le prendre. Il le touche sans le prendre. Il le laisse aller et venir. Il le regarde s’éloigner d’un pas si fin qu’on ne l’entend pas mourir : éloge du peu, louange du faible. L’amour s’en vient, l’amour s’en va. Toujours à son heure, jamais à la nôtre. Il demande, pour venir, tout le ciel, toute la terre, toute la langue. Il ne saurait tenir dans l’étroitesse d’un sens ».

 

in Christian Bobin, Éloge du rien, éd. Fata Morgana, 1990.

lundi, septembre 5 2016

Parce que Victor Hugo a dû être prof en collège

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Dieu fait les questions pour que l'enfant réponde.

"Les deux bêtes les plus gracieuses du monde,
Le chat et la souris, se haïssent. Pourquoi ?
Explique-moi cela, Jeanne." Non sans effroi
Devant l'énormité de l'ombre et du mystère,
Jeanne se mit à rire. "Eh bien ? - Petit grand-père,
je ne sais pas. jouons." Et Jeanne repartit :
"Vois-tu, le chat c'est gros, la souris c'est petit.
- Eh bien ?" Et Jeanne alors, en se grattant la tête,
Reprit : "Si la souris était la grosse bête,
À moins que le bon Dieu là-haut ne se fâchât,
Ce serait la souris qui mangerait le chat."

V. Hugo, textes complémentaires de La Légende des siècles

lundi, juillet 13 2015

Lectures estivales 2015 #1 (Ph. Claudel & Erri De Luca)

Comme quasiment tous les ans, je proposerai à l’occasion sur mon blogue quelques partages de mes lectures estivales. Et, comme toujours, pas d’autre ligne conductrice que la la joie de la découverte et la sapidité de la lecture : ici, deux livres savourés dans l’avion, l’un à l’aller d’un voyage en Andalousie, l’autre au retour.

 

 

Philippe Claudel, La Petite fille de M. Linh

 

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Il est des livres mystérieux, qui s’ouvrent dans le brouillard et la lenteur et dont on ressort avec l’impression d’avoir vu se façonner un beau travail d’orfèvrerie. C’est le cas de ce roman extrêmement bref publié en 2005 : à voir arriver ce vieil homme en bateau, on pourrait croire qu’il ne s’agit que d’un livre sur le malheur des immigrations forcées en temps de guerre, un livre bien-pensant en quelque sorte, alors que nous en sommes bien loin. Il serait même trop facile de n’en faire qu’un simple livre sur l’exil et la nostalgie des racines : il en est question mais le romancier nous perd et nous entraine bien plus loin. Seule demeure la vraie question : qu’est-ce qui, finalement, nous fait vivre, même au plus sombre de nos pertes ?

 

Erri De Luca, Un nuage comme tapis

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Ce que j’aime le plus chez De Luca, c’est cette approche double des textes bibliques : hébraïsante et littéraire. Elle se décline ici en seize courts textes, cherchant à offrir un regard différent sur des épisodes précis de l’Ancien Testament. C’est simple, priant, beau et tout bon !

« Illustrer la Bible d’une note nouvelle : non pas pour apposer en bas de page, à l’infini, une autre signature, mais pour refléter une part de la lumière qu’elle offre, même au dernier de ses lecteurs. » (préface)

 

mardi, mai 26 2015

Parce qu'un puits porte loin

"Et cependant, nous avons aimé le désert. S'il n'est d'abord que vide et silence, c'est qu'il ne s'offre point aux amants d'un jour. [...] 

Si nous ne renonçons pas, pour lui, au reste du monde, si nous ne rentrons pas dans ses traditions, dans ses coutumes, dans ses rivalités, nous ignorons tout de la patrie qu'il compose pour quelques-uns. Mieux encore, à deux pas de nous, l'homme qui s'est muré dans son cloître, et vit selon des règles qui nous sont inconnues, celui-là émerge véritablement dans des solitudes tibétaines, dans un éloignement où nul avion ne nous déposera jamais. Qu'allons-nous visiter sa cellule ? Elle est vide. L'empire de l'homme est intérieur. [...] 

Mais voici qu'aujoud'hui nous avons éprouvé la soif. Et ce puits que nous connaissons, nous découvrons, aujourd'hui seulement, qu'il rayonne sur l'étendue. Une femme invisible peut enchanter ainsi toute une maison. Un puits porte loin, comme l'amour. [...] 

Nous avons accepté la règle du jeu, le jeu nous forme à son image. Le Sahara, c'est en nous qu'il se montre. L'aborder, ce n'est point visiter l'oasis, c'est faire notre religion d'une fontaine." 

in Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes 

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dimanche, novembre 30 2014

Joseph Roth, sainte Thérèse et la grâce

 

C’est un tout petit opuscule, une nouvelle d’une grosse cinquantaine de pages : rien à voir avec le grand chef d’œuvre de l’auteur qu’est La Marche de Radetzky que j’ai découvert avec tant de délectation cet été.

 

La Légende du saint buveur : d’abord un beau titre, ensuite, l’histoire d’un sans-domicile fixe, d’un buveur qui fait l’expérience de la grâce. Enfin, je positionne tout de suite cela en termes très chrétiens : la réalité est moins claire, moins éclatante que cela car elle est avant tout pleine d’humanité. Disons plutôt que le personnage principal fait l’expérience d’une grâce soudaine : de l’argent, donné par un homme converti grâce à sainte Thérèse.

 

Notre buveur se veut homme d’honneur : il veut rendre cet argent à la petite Thérèse. S’en suit tout un récit, chemin de rencontres, chemin d’un homme entre pauvretés et richesses, entre addictions et grâces immérités pourtant reçues et accueillies, entre zones sombres et coins rayonnants de sa vie. Le regard de l’auteur sur son personnage est aussi tendre que moqueur : c’est celui d’un homme sachant ce qu’il y a dans le cœur de l’homme.

 

L’homme sera sans cesse empêché de rendre l’argent… pourtant, il y a en lui ce désir profond d’être un homme d’honneur qui demeure malgré tout. On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions : est-ce le cas de cet homme, voulant et ne réalisant jamais ? Ou cet homme, ce buveur, aime-t-il à sa mesure, malgré le drame de son existence ? On aimerait le croire tant son ouverture à l’inattendu du jour, aux cadeaux que ce dernier peut faire est forte. Si la fin laisse planer le doute, on aimerait croire à sa rédemption, on oserait même croire à une intervention pas vraiment anonyme qui a nom intercession de sainte Thérèse.

 

Un petit joyau que cette nouvelle dans tous les cas qui sonne comme une invitation à laisser plus chaque jour être don de Dieu qui que nous soyons, quoi que nous fassions.

 

 

 

P.S. : Ah et puis, si vous êtes dans mon coin, il y a actuellement pour lancer l’Avent un grand temps fort paroissial autour des reliques de Ste Thérèse : n’hésitez pas à faire un saut, même si vous ne lui devez rien à la petite Thérèse ! Le programme est par ici >>

 

jeudi, août 21 2014

Lire l’été ? Quelle drôle d’idée ?

 

Dans le silence profond de la campagne où même le chant des oiseaux se fait murmure atténué,

Il y ce livre, et puis moi qui le tiens,

Des heures durant, solitude de la lecture.

Il y a la lecture sur papier, profonde, d’un ouvrage, généralement d’un bout à l’autre, parfois de tel ou tel papier transmis ou d’Écriture ; 

Il y a la lecture numérique, souvent plus légère, parfois plus profonde, de tel ou tel article que l’on n’a pas le temps de lire en temps ordinaire.

 

Temps de l’été, propice à cette activité de l’esprit,

Lecture qui nécessite le silence, ce silence profond,

Comme celui d’une bulle où se place le lecteur :

Non pour buller mais pour écouter, pour regarder, pour sentir,

Pour vibrer, pour goûter, pour s’instruire, pour ruminer ;

Pour savourer.

 

Lire, cueillir, se recueillir :

Il y a comme des racines communes,

Car il est question de butiner, de glaner,

De sélectionner pour prendre ce qui est bon,

Il est question de concentration pour recueillir le suc ;

Celui-là même qui nourrit en chemin.

 

Lire, cueillir, se recueillir,

Les trois activités s’exercent dans le silence,

Comme le silence des germinations même en dehors de la saison,

Quand le soleil commence à prendre sa teinte de rentrée,

Il y est question de reprendre souffle,

Il y est question de mieux capter Son Souffle,

Pour, substantiellement nourri, être mieux envoyé(e), vivant de Lui.

 

 

 

 

(Un peu comme ce panda la bulle du lecteur… mais pas avec les mêmes effets dans la vie !)

  

mercredi, août 20 2014

Lectures estivales #4 : sur les fins ?

 

Au gré de l’été, deux autres romans que j’ai littéralement dévorés.

 

Émile Ajar / Romain Gary, L’Angoisse du roi Salomon

 

C’est la même grossièreté apparente, c’est la même tendresse omniprésente que dans La Vie devant soi : le même altruisme, la même sensibilité à fleur de peau, le même amour de l’humanité qui  n’ose se dire que caché sous des mots dépravés. Cette fois, ce n’est pas dans le monde de la prostitution : c’est sur la vieillesse et, par là même, tout simplement sur la vie.

 

            C’est trop peu de dire que j’aime car on sourit plus qu’un peu, ne serait-ce que sur le grandiose passage sur la Connerie : 

 

« Moi, quand je suis en présence d'un con, d'un vrai, c'est l'émotion et le respect parce qu'enfin on tient l'explication et on sait pourquoi. Chuck dit que si je suis tellement ému devant la Connerie, c'est parce que je suis saisi par le sentiment révérenciel de sacré et d'infini. Il dit que je suis étreint par le sentiment d'éternité et il m'a même cité un vers de Victor Hugo, oui, je viens dans ce temple adorer l'Eternel. Chuck dit qu'il n'y a pas une seule thèse sur la Connerie à la Sorbonne et que cela explique le déclin de la pensée en Occident. »

qui pourrait paraître si grossier, si contre l’humanité. Mais, en réalité, souvent, le cœur nous étreint tant l’Amour paraît souvent sous l’amour dont on découvre les fils au long du livre. De la découverte de SOS bénévoles aux histoires sordides se cache ce regard si spécial signé « Ajar » qui nous donne envie de le porter à notre tour sur l’humanité… peut-être tout de même en moins désabusé.

 

 

Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard

 

 

 

Mis au programme de l’agrégation 2015 dans la question de littérature comparée intitulée « romans de la fin d’un monde », c’en serait un excellent résumé.

 

Le pitch en quelques mots : la Sicile, la chaleur, la révolution, la noblesse dégradée, la bourgeoisie gagnant en puissance, l’impuissance d’un « guépard » pourtant lucide. C’est du tout bon, malgré une première partie moins originale : à lire !

 

 

vendredi, août 8 2014

Lectures estivales #3 – un poil de Malraux et un brin de Yourcenar


Mais pourquoi donc associer ces deux livres dans ma suite de lectures estivales ?

 

Réponse 1 : Ce sont deux romans très célèbres du xxe siècle : vrai. Néanmoins, entre l’un publié en 1930 et l’autre en 1951, il semble délicat d’y voir un lien direct.

Réponse 2 : les noms des deux auteurs contiennent des lettres qui valent cher au Scrabble… si toutefois les noms propres y étaient admis !

Réponse 3 : Je les ai depuis longtemps (l’un me fut offert !), je les ai commencés tous les deux et, interrompue dans ma lecture, je ne m’y suis jamais remise. Il était donc temps de s’y mettre pour de bon et l’un se trouvant au-dessus de l’autre, l’occasion a fait le reste. Vrai aussi. 

 

… mais en réalité, la lecture successive des deux m’a fait apparaître un lien sans doute plus profond. Enfin, commençons ces quelques mots.

 

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dimanche, avril 27 2014

L’Espérance au-delà de la fin

 

A l’occasion de sa canonisation, voici un poème de Karol Wojtyla qui parle de mort et de vie, de Pâques.

 

1

Toujours à temps, l’Espérance s’élève

En tout lieu soumis à la mort.

L’espérance est le contrepoids de la mort,

En elle le monde mortel révèle à nouveau sa vie.

Dans les rues, les passants en blousons,

Les cheveux leur tombant sur la nuque,

Coupent au couteau de leur pas

L’espace du grand mystère,

Qui s’étend en chacun entre sa mort et l’espérance :

Espace élancé vers le haut

Comme la pierre de la tache solaire

Roulée du seuil du tombeau.

 

2

En cet espace aux dimensions plénières du monde

TU ES

Dès lors j’ai un sens, moi qui croule au sépulcre,

Qui coule vers la mort,

Ma poussière où retourne cet unique assemblage d’atomes

Est une parcelle de ta Pâque.

 

3

Je vais sur le trottoir étroit de cette terre,

Les autos roulent, les fusées cosmiques s’élancent…

Partout le même mouvement centrifuge

(l’homme… fragment du monde, est mû autrement…)

ce mouvement n’atteint pas au noyau d’immortalité,

ne libère pas la mort –

(l’homme… fragment du monde, est mû autrement…)

Je vais sur le trottoir étroit de cette terre,

Sans jamais me détourner de ta Face,

Que le monde ne me dévoile jamais.

 

4

La mort est pourtant l’expérience du terme

Elle a quelque chose de l’anéantissement.

Par l’espérance, j’arrache mon « moi », je dois l’arracher

Pour surmonter l’anéantissement.

 

Tous, ils crient alors de partout et crieront sans cesse :

« Tu déraisonnes, tu déraisonnes, Paul ! »

- Et je lutte contre moi-même

je lutte contre tant d’hommes poru l’espérance,

mon espérance qui ne m’est confirmée

par nulle couche d’une mémoire qui ne serait que mienne,

mon espérance que rien dans le miroir du fugace ne recrée :

seul la confirme ton Passage pascal

uni à la plus profonde inscription de mon être.

 

5

Ainsi par l’espérance suis-je inscrit en Toi,

Hors de Toi je ne puis être –

Si je place mon « moi » au-dessus de la mort

Si je l’arrache du champ de la destruction,

C’est parce que ce « moi » est inscrit en Toi,

Comme dans le Corps

Qui exerce sur moi sa puissance

Et sur chaque corps d’homme,

Pour édifier à nouveau mon « moi » de ses restes

Sur le champ de la mort,

Avec un contour tout entier différent,

Entre tous fidèle,

Où le corps de mon âme se ressoude à l’âme du corps,

Afin que mon être – qui reposait sur la terre –

Repose à jamais sur le Verbe,

Que toute fouleur soit oubliée,

Le cœur fouetté d’un Vent soudain,

Fracassant les forêts des frondaisons aux racines.

Voici : ce vent, lancé par ta main, devient silence.

 

6

Ces atomes du vieil homme qui lient

Le sol très ancien du monde,

Je les touche de ma mort,

Je les greffe en moi à jamais

Pour que tous ils deviennent ta Pâque

- ta Pâque, le PASSAGE.

 

 

vendredi, mars 28 2014

Le Carême, c’est comme…. #6


Le Carême, c’est comme…

 

…. le genre fantastique !

 

Le genre fantastique, vous connaissez ? Non, je ne vous parle pas de suite d’un truc bizarre avec des vampires et des fantômes mais je pense plutôt à la définition littéraire de la chose. Celle de cette hésitation entre le réel et le surnaturel, cette définition de Todorov par exemple :

 

« Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles face à un événement en apparence surnaturel. »

 

Parce que, dans nos vies, Dieu est là et que, parfois, souvent, nous ne le voyons pas, nous hésitons, nous renâclons. En un certain sens, il faudrait sortir de cette hésitation mais, avoir la Foi, ce n’est pas non plus oublier le « naturel ». Selon la belle formule de mon évêque administrateur apostolique Mgr Daucourt lors de la messe chrismale 2012, les « chrétiens sont des réalistes qui donnent le primat à la grâce ».

 

Du coup, il s’agit d’apprendre à mieux distinguer le Seigneur à l’œuvre dans notre monde. Et pour cela, 40 jours pour mieux distinguer le surnaturel gracieux des nos jours : bref, le carême, c’est fantastique ! ;-)

 

 

 

P.S. 1 : En plus, t’as même le droit de t’exposer à la lumière alors enlève ces machins qui te barricadent ! 

P.S. 2 : et puis, Dieu, il ne te demande pas ton sang, il aimerait juste tellement ton amour !

 

jeudi, février 13 2014

Hey ! Comment ça va bien ???

 

 

 

Dans Comment voyager avec un saumon – nouveaux pastiches et postiches, Umberto Éco nous donne de multiples « modes d’emploi » pleins de finesse pour survivre dans la jungle intellectuelle avec le sourire.

 

Parmi ceux-ci, un fameux « comment répondre à la question "comment ça va ?" » qui, je l’avoue, fait m’amuse énormément. Alors qu’aujourd’hui, certains récusent cette question comme étant purement rhétorique, voici quelques extraits de ce fameux chapitre un peu long pour être copié en son entier ici, dont certains sont très (ou pas) bibliques. 

 

Comment ça va ?

 

Icare : « Je me suis planté. » Proserpine : « Je suis au trente-sixième dessous. » Thésée : « J’ai un fil à la patte. » Œdipe : « La question est complexe. » Damoclès : « ça pourrait être pire ». Ulysse : « Je reviens de suite. » […] Pythagore : « Tout est d’équerre ». Hippocrate : « Tant qu’on a la santé. » Socrate : « Je ne sais pas ». Diogène : « Une vie de chien ». Platon : « Idéalement ». Aristote : « En forme ». Plotin : « Divinement ». Catilina : « Tant que ça dure… » […] Jules César : « Voyez mon teint rubicond ».

Lucifer : « Ca va Dieu sait comment ». Job : « Je n’ai pas à me plaindre ». Jérémie : « Lamentablement ». Noé : « Vous connaissez une bonne assurance ? ». Onan : « Je me contente de peu. » Moïse : « Oh ! La barbe ! ». Saint Antoine le Grand : « Selon ma vision des choses… ». […]

Jeanne d’Arc : « Quelle fournaise ! ». Saint Thomas d’Aquin : « Somme toute, bien. » Guillaume d’Occam : « Bien, je suppose. » Nostradamus : « Quand ? ». Érasme : « Follement bien ». Christophe Colombe : « Je ne touche plus terre ». […] Descartes : « Bien, je pense. » […] Pascal : « Et vous ? Bien, je parie ». Henri VIII : « Moi bien. C’est ma femme qui… » Galilée : « Ca tourne rond ». Torricelli : « J’ai des hauts et des bas. » […] Newton : « Votre question tombe à pic ! ». Leibniz : « Ca ne pourrait pas aller mieux ». Spinoza : « Bien en substance. » Shakespeare : « Comme il vous plaira ». Hobbes : « J’ai une faim de loup ! » […] Papin : « A toute vapeur ! ». Montgolfier : « Je mets la pression ! » Franklin : « Du tonnerre ! ». Robespierre : « Vous perdez la tête ! » Marat : « Ca baigne ! » Casanova : « Tout le plaisir est pour moi ! » […]

Beethoven : « En sourdine ». Schubert : « Aimez-vous la truite ? » […] Sacher-Masoch : « Grâce à Dieu, mal ». […] Cambronne : « Je vous réponds en cinq lettres… » Marx : « Ca ira mieux demain. » […] Nietzsche : « Au-delà de bien, merci ». Proust : « Donnons du temps au temps ». Henry James : « Ca dépend des points de vue ». Kafka : « J’ai le cafard ! » […] Larousse : « En un mot comme en cent, mal ». Marie Curie : « Je suis radieuse ! ». Dracula : « J’ai de la veine ». […]

Freud : « Et vous ? » […] Foucault : « Qui ? » Spielberg : « Vous avez un téléphone ? » Queneau : « Bien merci, merci bien, mien berci, nebi cimer, ieei bnmrc, crié nimbé ». Camus : « Question absurde ». […]

Mathusalem : « On rajeunit pas ». Mithridate : « On se fait à tout ». Chrysippe : « Sil fait jour ça va, mais il fait jour, donc ça va ». Apulée : « Hi-han ». Jean-Baptiste : « Ca ira, j’en mets ma tête à couper ». Cléopâtre : « Je reprendrais volontiers de l’aspic ». Jésus : « Je revis ». Lazare : « Ca marche ». Judas : « Un baiser ? » Pilate : « Où est mon essuie-mains ? ». Saint Pierre : « J’ai perdu mes clefs ». Saint Jean : « Apocalypse now ! ». Néron : « Je suis tout feu tout flamme ! ». Philippidès : « A bout de souffle ». Saint Laurent : « Je suis sur des charbons ardents ». Constantin : « J’ai mis une croix dessus ». […]

 

Il me semble que l’on pourrait compléter encore un peu pour le côté chrétien…

 

Adam : « Comme un terrien ».

David : « Chante ô mon âme la louange du Seigneur ! »

Zacharie : « … »

Marie : « Selon la Parole du Seigneur, magnifiquement ! »

Saint Matthieu : « Ca marche ! »

La Samaritaine : « J’ai soif »

Marie-Madeleine : « Bien mais avez-vous vu celui que mon cœur aime ? »

Saint Thomas : « Tu le vois bien ! »

Saint Augustin : « Comme un pauv’type mais enfin que Dieu est grand ! »

Saint Ignace de Loyola : « Je discerne si je vais bien ou mal ».

 

Etc. Etc.  à compléter.

 

vendredi, décembre 13 2013

Ce qu'est la grâce ? A la Comblée-de-grâce


"Miriam, tu sais ce qu'est la grâce ? 

- Non, pas précisément, répondis-je. 

- Il ne s'agit pas d'une belle démarche de nos femmes bien en vue. C'est la force surhumaine d'affronter le monde seul, sans effort, de le défier en duel tout entier sans même se décoiffer. 

Elle n'est pas féminine, c'est un talent de prophète. C'est un don et toi tu l'as reçu. Qui le possède est affranchi de toute crainte. Je l'ai vu sur toi le soir de la rencontre et depuis lors tu l'as sur toi. Tu es pleine de grâce. Autour de toi, il y a une barrière de grâce, une forteresse. Toi, tu la répands, Miriam : même sur moi." 


Erri DE LUCA, Au nom de la mère, p.44

lundi, novembre 25 2013

Et l'homme prie ?


Un "Pour saluer La Fontaine", trouvé au gré d'un dossier pédagogique. Et comme une envie d'ajouter à cette belle liste : 

Et l'homme prie. 


"La cigale stridule, la fourmi s’active, le corbeau croasse, le renard glapit, la grenouille coasse, le mulet porte, le loup hurle, le chien aboie, la génisse mugit, le chêne tient bon, le roseau plie, la chèvre béguète, la brebis bêle, le lion rugit, l’hirondelle trisse, le rat des villes couine, urbainement le rat des champs couine, champêtrement l’agneau bébèle, l’homme bavarde, le singe hurle, le savetier chantonne, le financier s’inquiète, le meunier admoneste, le fils écoute, l’âne brait, le dragon crache du feu, la cigogne glottore, le coq coquerique, le frelon bourdonne, la mouche vrombit, le taureau beugle, la chauve-souris se peigne, abelettefouine,l’aigle trompette,


lacolombe caracoule, l’astrologue prédit, le lièvre vagit, le paon braille, la chouette ulule, le bouc pue, la laie nasille, l’araignée ourdit, le cygne se vante, le dauphin cabriole, le geai cajole, le cheval hennit, le cerf brame, l’alouette grisolle, le poussin piaule, le hibou bouboule, l’ours grogne, la tortue se hâte, le héron craquète, le vautour plane, la lapin clapit, la puce saute, l’huître bâille, le cochon grognonne, le mouton tricote, l’éléphant barrit, le faucon guette, le milan huît, le rossignol gringotte, la couleuvre chuinte, le canard cancane, le cormoran pêche, le perroquet répète, le chat-huant hue, le moineau pépie, l’écrevisse recule, la pie jacasse, le hérisson se hérisse, la gazelle court.


« Et moi ? dit la fauvette,


« et moi ? » 


« toi, tu n’es pas dans les fables de monsieur Jean » 


« oui, mais moi je zinzinule »"



Jacques ROUBAUD


Jean de La Fontaine, Œuvres complètes, Sources et Postérité d’Ésope à l’Oulipo

Edition d’ A. Versailles, Editions Complexes, 1995

(Illustration : "Le bestiaire de La Fontaine Dalinise" by Salvador Dali)


Et l'homme peut et pourra toujours bien s'activer, caracoler, sauter, tricoter ou se hérisser, 


Il est toujours inscrit, Lui, d'une manière unique et indépendante de ses actes, de toute éternité, dans le coeur de son Seigneur

:)

samedi, octobre 5 2013

Combien de temps fuirons-nous ?

"Bouhouhou ! mugit d'une voix suppliante le K. Quel long chemin j'ai dû parcourir pour te trouver ! Moi aussi je suis recru de fatigue… Ce que tu as pu me faire nager ! Et toi qui fuyais, qui fuyais… dire que tu n'as jamais rien compris ! 


- Compris quoi ? fit Stéfano piqué. 


- Compris que je ne te pourchassais pas autour de la terre pour te dévorer comme tu le pensais." 

in Dino Buzati, "Le K", Le K


mercredi, août 28 2013

L'humble éclat du pardon (Tolstoï)

Un peu de littérature, 
Pour parler de don, 
Pour parler de Pardon. 


"Alexis Alexandrovitch le retint et lui dit : 

- Veuillez m'écouter, c'est indispensable. Je me vois contraint de vous expliquer la nature des sentiments qui me guident et me guideront encore, afin de vous épargner toute erreur par rapport à moi. Vous savez que j'étais résolu au divorce et que j'avais fait les premières démarches pour l'obtenir, il faut l'avouer, après de longues hésitations ; mais le désir de me venger d'elle et de vous avait fini par lever mes scrupules. La fatale dépêche ne changea rien à mes dispositions. Bien plus, en venant ici, je souhaitais sa mort, mais…


 

Il se tut un instant, balançant de lui dévoiler le sentiment qui le faisait agir. 

- Mais, reprit-il, je l'ai revue et je lui ai pardonné. Le bonheur de pouvoir pardonner m'a clairement montré mon devoir. J'ai pardonné sans restriction. Je tends l'autre joue au soufflet, je donne mon dernier bêtement à celui qui me dépouille. Je ne demande qu'une chose à Dieu, de me conserver la joie du pardon. 


Les larmes remplissaient ses yeux ; son regard lumineux et calme frappa Vronski. 

- Voilà mon attitude. Vous pouvez me traîner dans la boue et me rendre la risée du monde, mais je n'abandonnerai pas pour autant Anna et vous n'entendrez pas un mot de reproches de moi. Mon devoir est nettement tracé : je dois rester avec elle, je resterai. Si elle désire vous voir, je vous ferai prévenir, mais je crois que pour le moment, il vaut mieux vous éloigner… 



Des sanglots étouffaient sa voix ; il se leva. Vronski fit de même, courbé en deux et le regardant en dessous. Incapable de comprendre les mobiles qui dirigeaient Karénine, il s'avouait cependant que c'étaient là des sentiments d'un ordre supérieur et qui ne cadraient guère avec le code de convenances auquel il obéissait d'ordinaire." 

in Léon Tolstoï, Anna Karénine


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