Réciter, être acteur : les psaumes (P. Beauchamp)
Par Zabou le lundi, mai 26 2014, 22:41 - Lien permanent
« Comment désigner les chrétiens quand ils tiennent en main le livre des Psaumes ? « Lecteurs » des psaumes ? Cela ne satisfait pas entièrement, parce que, quand on adresse à Dieu le texte d’une prière, on fait autre chose et plus que le lire. Il arrive d’ailleurs qu’on la chante, cette prière.
Ne ferait-on même que la réciter, c’est déjà plus que la lire. « Réciter », je conviens que ce mot est peu attrayant : il fait penser aux leçons de l’école. Si pourtant nous cachons un moment cette ombre, comme on le fait en posant sa main sur une partie d’un tableau pour mieux voir les autres, nous découvrirons peut-être que le mot « réciter » a quelques avantages. Il signifie une absence et une présence.
Une absence : quand je récite un poème, j’exprime qu’il n’est pas de moi et je lui rends hommage. (S’il était de moi, je le réciterais pour dire qu’il n’est plus à moi, j’en ferais hommage, je m’en détacherais : ce serait pareil.). Mais réciter, c’est aussi faire « acte de présence », parce que c’est faire sien le texte intérieurement, en y adhérant avec sincérité. Je conclus de ces deux aspects que la « récitation » des Psaumes est un acte de tradition, dans le sens vrai (vivant) du terme : être soi-même l’actualité d’un message qui n’a pas en nous son origine. La récitation, la tradition est un acte, assumé par des « acteurs ». Des personnes qui jouent le rôle d’un autre. Saint Paul dit qu’il faut « revêtir le Christ », comme un vêtement qui n’est pas nous-mêmes. Ce vêtement, c’est le cadeau par excellence que Dieu nous fait. Et, quand on a reçu un beau vêtement, on le porte : il n’était pas à nous, il fait partie de nous. C’est la même chose pour les paroles de l’Écriture : nous entrons en elles et elles entrent en nous, qui sommes « acteurs ». »
in Paul Beauchamp, Psaumes nuit et jour, chap. 4 « Les psaumes du Christ et les nôtres »