Zabou the terrible

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Prof de banlieue et Covid

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Je suis en colère comme petite prof d’un lycée de banlieue. Oui, pour une fois. 

 

Ce matin, une surveillante est venue me prendre la moitié de la classe à laquelle j’étais en train de faire cours en me montrant un papier : elle me demande si j’étais au courant… Non, je ne l’étais pas. Un cas de Covid – malade – dans un groupe de langue : tous les élèves de ma classe faisant cette langue sont devenus d’un coup cas contacts et doivent partir en isolement. Il va falloir voir pour les spécialités suivies, d’autres vont devenir cas contacts, mais dans tous les cas, cela risque de devenir exponentiel et que vais-je faire avec encore 10 élèves sans doute pendant que les autres sont à la maison… en attendant que cette classe ferme à son tour ? Avec, comme cerise sur le gâteau, une élève qui fit une crise de panique.

 

A la récré, d’autres cas de Covid signalés, une autre classe fermée… des cas contacts en isolement, des suspicions chez des élèves : tout part exponentiellement. Quid de leurs profs ? On ne sait pas. Combien de temps avant que je ne sois considérée à mon tour comme cas contact et doive m’isoler ?

 

Sans doute, je l’espère, que nos lycéens ne mourront pas tout comme j’espère qu’il n’y aura pas des cas aussi graves qu’en printemps. En revanche, certains sont bien malades, d’autres encore vont le devenir, et les profs ont eu l’air d’être des voix criant dans le désert pendant tout ce temps. 

 

Je suis en colère, parce qu’on parle santé et économie, ce qui est important, mais qu’on oublie la pédagogie et la croissance des plus jeunes, en particulier des plus pauvres. On pontifie sur les profs décrocheurs ou au contraire gros bosseurs durant le confinement, on fait de pseudo-stats en oubliant simplement le présent, les profs qui font, simplement, bêtement, leur job ou peut-être qui aimeraient le faire convenablement. Ces profs qui répètent qu’ils sont considérés comme des pions par le ministère, sans réflexion sur leur sécurité (je suis encore jeune et en bonne santé, je vais volontiers et avec joie au lycée, mais je sais que c’est une vraie question pour mes collègues plus âgés ou à risque)… 

Mais surtout ces profs qui ne cessent de dire qu’un pseudo-protocole ne suffit pas, que si des choses sont applicables dans des établissements d’un certain milieu social, comment voulez-vous faire avec des élèves qui ont du mal avec des règles, dans des bâtiments vétustes, des salles trop petites et avec des classes dont les effectifs ont encore augmenté parce qu’on a fermé des classes ? N’oublions pas non plus qu’il nous manque des effectifs dans les équipes de vie scolaire pour veiller aux règles dans les couloirs et surveiller, et veiller tout court. De mon côté, j’ai passé mon temps depuis la rentrée à faire cours dans des salles trop denses, mal aérées avec des élèves portant mal le masque (je rêve de m’enregistrer leur demandant de le remettre tant c’est LA phrase de la rentrée pour moi !) : il était certain que le Covid viendrait nous rejoindre, à nouveau. 

 

            Je suis en colère, parce qu’autoriser des adaptations locales, permettre aux équipes de réfléchir en laissant de la souplesse, à avoir peut-être des plus petits groupes, quitte à ce que les élèves aient provisoirement moins d’heures, aurait été anticipation : et non, nous allons nous retrouver dans des semi-situations, à devoir préparer des choses comme on peut à moitié en présentiel, à moitié en distanciel, sachant que tout pourra changer le lendemain et que nos élèves commençaient seulement à reprendre pied dans le goût de l’école. Évidemment, on nous dira encore une fois dans les médias qu’on fait mal notre travail puisque cette rentrée s’est faite « dans la joie » et qu’il paraît que tout était prêt. Alors que je vois bien toutes les équipes sur le terrain, de la direction au personnel de service, faire ce qu’ils peuvent. 

 

Mais, si je suis en colère de cette n- ième non-anticipation je veux aussi espérer alors, de mon petit regard de prof de banlieue sensible, s’il vous plaît… S’il vous plaît, les uns et les autres, là où vous êtes, dans ce que vous faites, faites ce que vous pouvez pour limiter le risque. Cela peut vous sembler lointain mais on dit parfois « les banlieues s’embrasent » : c’est le cas, les malades sont là, nous allons nous efforcer de contenir tout cela, au mieux, de continuer notre travail, au moins mal, mais vous aussi, faites ce que vous pouvez pour ne pas augmenter le danger. 

 

 

Commentaires

1. Le mercredi, septembre 16 2020, 14:39 par Yayon

Notre petite banlieue s'embrase aussi et l'absentéisme des enfants surtout des ados n'a jamais été aussi important certains ne reviennent pas certains sont malade certains s'en foutent beaucoup ont peur.

Que dire de cette petite de 7ans amie d'Apoline souvent livré à elle même en bas de son immeuble,avec pour seul goûter (repas??) le mercredi après midi un sachet individuel de bonbons, alors avec une maman voisine (pourtant musulmane mais très bonne amie) on essaie d'être là partager le goûter de nos enfants (un poil plus équilibré) les voir jouer ensemble qq heures.

La maîtresse de ma fille en cp désespère de rattraper le retard en phonologie pour la lecture, avec un masque ça reste de l'ordre du miracle, à la réunion de parents elle a osé demander soutien aux parents, montré comment aider nos enfants à assimiler les sons pour les aider comme on peut aussi à la maison. Je te laisse imaginer la levée de boucliers de certains parents mais elle est là la réalité pour moi , il nous faut nous parents travailler mains dans la main avec vous enseignants, communiquer et être respectueux ! Cette période est dur pour tout le monde mais il n'y a que ENSEMBLE que nous arriverons à aider nos enfants à surmonter tout ça.

Je continue le distanciel, mais fort de notre expérience confiné on dialogue, on échange des pistes pour justement être le moins possible pris au dépourvu mais effectivement c'est physique et ça demande une volonté parentale que j'aimerais voir davantage autour de moi.

Courage ma belle

2. Le mercredi, septembre 16 2020, 19:18 par Darth Manu

Merci pour ce billet. De mon point de vue de gestionnaire, les effectifs d'agents techniques territoriaux, calculés au plus juste + le dépeuplement de leurs tâches du à l'application du protocole sanitaire même allégé sans aucun moyen humain supplémentaire (je pense notamment au lavage quotidien des sols) + le fait qu'ils peuvent eux - même être cas contacts ou suspicions Covid et beaucoup plus susceptibles d'être arrêtés une semaine du jour au lendemain (mon agent d'accueil est dans ce cas) est une source quotidienne de potentiellement très gros problèmes.

3. Le mercredi, septembre 16 2020, 19:19 par Darth Manu

Le *décuplement* et non le dépeuplement. Le correcteur orthographique m'a tuer.

4. Le jeudi, septembre 17 2020, 09:22 par Roycap

Bon courage, on ne peut pas grand chose, sinon être prudents, encore un peu plus. Allez, courage !

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