Zabou the terrible

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Mot-clé - Melville

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mercredi, novembre 30 2011

L'être au rebut ?

 

L’être au rebut ? Pour personne, je préférerais pas ! Un petit texte à la saveur aigre-douce pour vivifier notre humanité en ce début d’Avent.

 

« La rumeur, donc, voulait que Bartleby eût exercé une fonction subalterne au service des Lettres au Rebut de Washington, et qu’il en eût été soudainement jeté hors par un changement administratif. Quand je songe à cette rumeur, je puis à peine exprimer l’émotion qui s’empare de moi. Les lettres au rebut ! Cela ne rend-il point le son d’hommes au rebut ? Imaginez un homme condamné par la nature et l’infortune à une blême désespérance ; peut-on concevoir besogne mieux faite pour l’accroître que celle de manier continuellement ces lettres au rebut et de les préparer pour les flammes ? Car on les brûle chaque année par charretées. Parfois, des feuillets pliés, le pâle employé tire un anneau : le doigt auquel il fut destiné s’effrite peut-être dans la tombe ; un billet de banque que la charité envoya en toute hâte. Celui qu’il eût secouru ne mange plus, ne connaît plus la faim ; un pardon pour des êtres qui moururent bourrelés de remords ; un espoir pour des êtres qui moururent désespérés ; de bonnes nouvelles pour des êtres qui moururent accablés par le malheur.

Messages de vie, ces lettres courent vers la mort.

Ah ! Bartleby ! Ah humanité ! »

 

Excipit de Herman Melville, Bartleby le scribe

 

jeudi, août 4 2011

Ecrire, un tison ardent sur la langue

 

« Ainsi, avec tout le passé et tout le présent qui affluent en moi, je roule mes flots de la montagne à la mer lointaine.

 

En moi ? Non. Dieu est mon seigneur. Une foule de satellites tournent autour de moi mais moi et les miens nous tournons autour de la grande Vérité centrale, solaire, immuable et lumineuse à jamais dans un firmament que rien ne contient.

 

Le tison ardent est sur ma langue. […]

 

Tandis que j’écris, je pâlis, je tressaille au grincement de ma plume, ma couvée d’aigles fous me dévore et je voudrais renier mon audace ; mais un gantelet de fer serre ma main dans un étau et trace chaque lettre malgré moi. Je voudrais jeter bas ce Dionysos qui chevauche mes reins ; mes pensées m’écrasent et je gémis. Des champs lointains m’arrive la chanson du moissonneur tandis que je défaille, prisonnier dans cette cellule. La fièvre court en moi comme une lave. »

 

Herman Melville, Mardi