Zabou the terrible

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dimanche, octobre 25 2020

Et demain

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Demain (ou presque), ce sera le lundi de la rentrée et il faudra retourner faire cours ; 

Demain, il y aura la joie de les retrouver mais, à cette idée, j’ai dans le même temps déjà le cœur serré : entre notre « au revoir » des vacances et notre « bonjour » joyeux de demain, il y aura eu un homme, un professeur, un collègue, qui aura été tué parce qu’il aura enseigné, parce qu’il aura cherché à faire goûter et éprouver la liberté et ses conséquences ; 

Demain, il faudra « en » parler avec eux : il y aura des réactions superbes d’humanité, de recul, de réflexion qui m’épateront pour leur jeune âge…

… Mais demain, je sais que, parmi eux, il y aura aussi de l’insouciance ou des réactions intolérables qui pourront aller jusqu’au « madame, il l’a cherché quand même » ; 

Demain, je sais qu’à côté de tout « cadrage » ministériel, sur le terrain, je me prendrai quelques directs du droit dans la poitrine à entendre ces réactions, le plus souvent même pas réfléchies, et il faudra parler, expliquer, encore, sans me laisser abattre mais en croyant et en espérant toujours plus, en eux et en ma mission ; 

 

Demain, comment réussirai-je à leur en parler ? 

Demain, mes mots seront bien trop pauvres... 

Pourtant, demain, il faudra sans doute surmonter mon haut-le-coeur de dégoût devant ces réactions insupportables et expliquer que, oui, une caricature, cela peut choquer, c’est même parfois fait exprès pour nous faire réagir ; 

Demain, je redirai que l’école c’est fait aussi pour s’ouvrir à l’altérité, que tout ne leur plaira jamais dans ce que nous étudions et plus largement que c’est également ainsi, au contact de la manière de penser d’autrui, en s’y confrontant, que l’on grandit mais que jamais nous ne leur imposerons une unique manière de voir : il en va de leur liberté ; 

Demain, j’aurai à réaffirmer que c’est pour cela aussi que nous travaillons le français et l’argumentation : pour pouvoir dire clairement ce qui nous choque et réfuter, et contrer celui qui s’érige en adversaire ;

Demain, ce sera vraiment dur, je le sais déjà, mais j’aurai, derrière des caricatures qui ne servent que de paravents à de nombreux autres problèmes, à réaffirmer que la langue est le meilleur des outils et la plus puissante des réponses civilisées quand nous nous sentons offensés, et que cela, nous voudrions toujours plus la leur offrir.  

 

Et demain, en réalité, ce sera dans une semaine, mais c’est comme si c’était déjà demain et, malgré toute ma peur, malgré toute la lourdeur de la situation et ma tristesse profonde, je sais que ce jour-là, je serai au cœur de ce qui fait l’éducation et le métier de professeur. 

Et j’en serai fière, malgré tout. 

 

P.S. : Les chrétiens commémorent le 2 novembre les fidèles défunts… l’occasion parfaite d’une prière pour Samuel Paty ! Mais, si vous me lisez et êtes croyant, n’hésitez pas aussi à prier pour tous les enseignants ce jour-là qui monteront sur le ring.  

 

 

mercredi, janvier 29 2020

Le projet en précommande

 
Addendum 31 janvier - le book-trailer 

lundi, juillet 15 2019

Vu de l’homme sur le bord du chemin

https://www.carmel.asso.fr/sites/carmel.asso.fr/local/cache-vignettes/L300xH429/buon_pastore_rupnik-43cb6.jpg?1539541573

 

            Depuis ma plus tendre jeunesse, j’avais cherché à être un bon juif, selon la Loi donnée à Moïse et à nos Pères. Je respectais au mieux les commandements et je venais régulièrement à Jérusalem, la ville où adorer le Seigneur qui avait fait alliance avec nous et nous avait donné la Torah. J’étudiais la Loi et les Prophètes et cela rendait mon cœur heureux que m’ajuster à cette Loi de Dieu. Mais c’est justement alors que j’étais allé prier au Temple et que je redescendais vers ma ville de Jéricho par le Wadi Qelt que des bandits me tombèrent dessus. Littéralement : je n’eus même pas le temps de dire « ouf » ! Mais pourquoi Seigneur ce malheur ? N’étaient-ce pas encore des vils Samaritains qui venaient se mettre là en embuscade ? Ceux-là ne supportaient pas qu’on adore le Seigneur à Jérusalem et pas chez eux alors, attaquer les Juifs pieux, c’était probablement un de leurs plus grands délices.

 

            Et voilà un temps qui me semblait infini que je gisais là, prostré, sur le bord de la route. Je voyais à peine ce qui se passait tant je n’avais pas la force d’appeler et encore moins de me relever. A deux reprises, j’entendis passer du monde : il me sembla même entrapercevoir la frange d’un vêtement sacerdotal… mais ni l’un ni l’autre ne s’arrêtèrent. Peut-être me croyaient-ils morts et avaient-ils peur de se souiller ? J’avais pourtant essayé d’appeler mais seul un son rauque sortait de ma bouche : j’avais mal, j’étais sans force et, plus le temps passait, plus j’avais terriblement soif. 

 

            C’est alors que j’entendis encore un bruit approchant… Celui-ci allait-il s’arrêter ? J’espérais mais je n’y croyais plus : peut-être est-ce ainsi que je devais mourir et être réuni à mes pères, en revenant de Jérusalem. Mais, cette fois, l’homme qui passait s’arrêta et il s’approcha de moi. J’étais tellement soulagé que je m’évanouis dans ses bras, juste après avoir vu son regard compatissant posé sur moi et qu’il sortait de l’huile et du vin pour panser mes nombreuses plaies. C’est sur sa monture que je me réveillai : il continuait à prendre soin de moi et ne m’avait pas abandonné ! Nous avancions bien et je distinguais une maison : c’était une auberge. Nous nous y arrêtâmes et il vint vers moi : « Comment vas-tu ? ». J’eus du mal à lui répondre alors j’essayais de lui sourire pour le remercier de tout ce qu’il faisait pour moi. 

 

            Il m’emmena jusqu’à une chambre et continua le soin de mes plaies en demandant de l’aide à l’aubergiste. C’est alors que je m’aperçus à son accent qu’il était Samaritain… Quand il gardait mon chevet, me donnant régulièrement à boire, je parvins à articuler : « Mais pourquoi fais-tu cela ? A moins que tu ne sois un ange déguisé, tu es Samaritain, je suis Juif ! Nos deux peuples se haïssent et en plus, moi, je reviens de Jérusalem ». Le Samaritain me sourit avec tendresse : « ne crois-tu pas que, depuis Caïn et Abel, nous avons tout spécialement à nous montrer le gardien de notre frère ? De tous nos frères ? Même quand le plus proche croisé sur la route, est aussi un presque étranger ! ». Je fus frappé par sa sagesse et la sérénité qu’il dégageait. Je m’endormis, confiant et remerciant Dieu d’avoir mis cet homme sur ma route. 

 

            Au petit matin, il avait disparu. Mais l’aubergiste vint à sa place prendre soin de moi : « Quel drôle d’homme ce Samaritain ! Il m’a donné deux pièces d’argent pour prendre soin de toi et m’a dit qu’il me donnerait davantage en repassant si tu en avais besoin pour être à nouveau sur pied ! ». J’allais déjà mieux et je me disais sincèrement que cet homme-là avait beau être Samaritain, c’était un juste : moi je respectais les commandements et j’adorais le Seigneur à Jérusalem. Mais lui, il adorait vraiment Dieu aussi et en esprit et en vérité en aidant, en aimant, l’homme. Et moi, il ne me connaissait pas et m'aimait : j’en étais bouleversé jusqu’au plus profond de moi-même. 

 

lundi, décembre 25 2017

Conte pour la nuit

Une fois n'est pas coutume... Avant de vous souhaiter plus longuement un joyeux Noël, voici un petit conte rédigé pour cette Nuit différente des autres.

 

Saint François et la crèche

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En ce temps-là, François, celui qu’on nomme aujourd’hui Saint François d’Assise, avait déjà créé son ordre religieux et avait fait le choix de vivre dans une immense pauvreté. Il aimait dire qu’il avait épousé Dame Pauvreté pour être disponible afin de suivre le Christ. Malgré cela, il continuait à chercher tous les moyens pour mieux dire le message chrétien : c’était là toute sa joie et il y mettait toute sa force d’homme. Dire et transmettre la joie de l’Évangile à tous, en chantant la louange de Dieu. 

            Nous sommes en 1223. Cette année-là, l’hiver est rude en Ombrie, cette province d’Italie dans laquelle il vit, et François cherche comment il souhaite fêter Noël cette année avec ses frères. Il y faut de la joie et de la simplicité.

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jeudi, juillet 14 2016

C'était comme une relecture d'annonce

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C'était comme un murmure,
Le murmure un peu sourd, un peu caché, de l'onde se frayant un chemin capricant... L'onde vive, qui va, à chaque ressac, plus loin, qui creuse plus profondément la pierre à chaque passage.
Sillons d'eau comme sillons de vie cherchant à irriguer la profondeur. 

 

C'était comme un murmure qui d'un coup était passé à plein volume sonore : des écailles de mes yeux et de mon coeur étaient tombées.
Pas assez, mais suffisamment pour entendre clairement, du murmure, émerger une Parole. 

 

C'était comme un murmure toujours présent dans ma vie, qui sourdait, toujours plus fort, jusqu'à faire éclater tous les barrages bien construits, faits de sécurité et de certitudes. 

 

C'était devenu en réalité comme un torrent,
Le torrent du murmure de Sa joie,
Parole qui murmure en nos vies, n'attendant qu'accueil,
Parole qui n'attend chaque jour plus que notre "oui", comme adhésion à Son amoureux imprévu,
Pour se déverser à plein régime,
Pour offrir au monde comme un ru supplémentaire d'eau vive, où transparaît malgré les pierres le reflet irrisé de Sa joie. 

 

dimanche, mai 29 2016

Fête du Saint Sacrement

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Comme des ellipses de sens,
Où la raison se tait,
Où l’Esprit souffle en épiclèse,
Où deux mains se lèvent :
Silence.
Ce pain élevé,
Mes genoux posés,
Mes yeux irrémédiablement attirés.

 

Comme du temps perdu,
Comme du temps passé,
Où l’Esprit souffle la prière au cœur,
Où Tu es là, devant moi, exposé :
Silence.
Ton Don tout entier,
En Ton Saint-Sacrement exposé,
Et mon corps prosterné.

 

Comme des mains tendues et en même temps réservées,
Comme ma crasse indignité,
Où l’Esprit souffle en communion.
Chant et silence.
Ton Corps élevé,
Devant mes yeux souvent embués,
Et répondre, malgré tout, « amen » en vérité.

 

Consécration,

Adoration,

Communion :

Valse spirituelle de Ta vie offerte, donnée,
Valse de silence en trois temps, que nous contemplons.
D’un « Je t’aime » infini qui donne l’unique juste note,
Aux « je T’aime » balbutiants, hésitants, de nos vies qui cherchent l’unisson ;
Nourriture de la route,
Nourriture qui scande le rythme de notre vie,
Pour imiter la perfection gracieuse de Ton mouvement qui a nom charité.

 

mardi, novembre 24 2015

A fleur de peau, à fleur d’âme

 

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b9/View_of_a_kaleidoscope.JPG/220px-View_of_a_kaleidoscope.JPG

 

Il m’aura fallu du temps pour mettre par écrit ce que fut cette semaine post-attentats : je crois que j’ai rarement vécu une semaine aussi dense sur le plan professionnel et il était difficile de mettre des mots dessus. Ca l’est toujours.

 

Soyons clairs : l’immense majorité des élèves était autant sous le choc que leurs professeurs.

J’ai été touchée par les mots, les dessins des 6èmes, qui reflétaient beaucoup de peur ou de tristesse et, parfois, une grandiose espérance lumineuse en la vie ;

J’ai été touchée par le mot venu du cœur d’un collègue qui s’est répandu par la suite dans plusieurs classes : « les terroristes, c’est rien que des conn**ds » ;

J’ai été touchée par la douleur si forte de certains de mes collègues, abattus ;

J’ai été touchée par l’immense volonté de « comprendre » des 4èmes dont je suis prof principale, par cette très belle discussion que j’ai eue avec eux sur la différence entre religion et extrémisme : tous, nous en sommes sortis grandis.

Et pourtant, quand est arrivé vendredi soir, fatiguée à un point comme jamais je ne le suis, ce sont les quelques réactions extrêmement minoritaires inadmissibles qui me restaient en tête comme une ritournelle, comme des violences personnelles presque, ce qu’elles n’étaient pas.

 

Je n’ai pas envie de les écrire ici : elles donneraient une image du « jeune de banlieue » qui n’est pas juste parce qu’il s’agit de seulement quelques-uns, beaucoup dans la provoc’. Quelques-uns qu’on aimerait tant aider à mûrir, à grandir…

Je n’ai pas envie de m’y attarder quoique ce cas m’ait hantée.

 

Et pourtant, Dieu que cette semaine fut difficile…

La salle des profs était dans un  abattement certain, les élèves semblaient eux-mêmes spécialement « durs » : pourquoi ?

Je suis restée avec cette question.

 

Et soudain, j’ai repensé aux premières heures de lundi dernier,

Ces heures où j’ai pris en binôme une classe inconnue avec une collègue : elle n’était pas bien à cause de la situation et, à un moment, elle s’est éloignée.

Un de ses élèves m’a dit : « Elle est partie pour pleurer ?

- Je n’en sais rien, cela ne te regarde pas.

- Mais les professeurs, ça pleure ?

- Oui, les professeurs, comme tous les adultes même, ça pleure. Je crois que nous, vos professeurs, on a presque tous pleuré ce week-end ».

Pendant quelques instants, il y eut un silence étonné dans la classe.

Cette phrase était importante à leurs yeux.

 

Ce fut une semaine difficile, oui, une semaine difficile parce que nous étions tous plus qu’à fleur de peau : nous étions tous à fleur d’âme puisque ce que les terroristes avaient touché, c’était à la vie.

A fleur de peau, on réagit brusquement ;

A fleur d’âme, on réagit avec tout notre être : à la violence, à toutes les sollicitations… et l’on dit beaucoup de soi-même aussi : professeurs, aussi bien qu’élèves ;

Des êtres dans toute leur entièreté, ça fait peu dans la dentelle : c’est dense, mastoc et, dans le même temps, assez beau.

C’était peut-être surtout une semaine très véridique, une semaine exigeante pour chacun, pleine d’être.

Puisse cette semaine à la saveur si étrange amener un « supplément d’âme » ou un « supplément d’être » – selon votre religion – à chacun.

Merci à vous qui avez prié pour les professeurs. 

 

samedi, octobre 31 2015

Quelques béatitudes de simplicité

 

  Heureux es-tu toi qui sais ouvrir la journée d’un signe de croix et d’un sourire – ce n’est pas antinomique – comme l’axe sur lequel tu souhaites déployer ta journée : ta journée s’en embellira en profondeur ;

 

Heureux es-tu toi qui sais prendre le temps pour faire chaque chose, simplement mais bellement, sans courir ni faire à moitié : tes petits actes prendront le reflet d’un amour bien plus grand ;

 

Heureux es-tu qui fais le travail qui t’est confié sans trompette ni tambour et, dans le même temps, sans jamais le bâcler : en fidèle serviteur, tu entreras dans la joie de ton maître ;

 

Heureux es-tu toi qui sais adopter sur le monde et sur tes frères un regard inhabitué, sans les enfermer dans ce que tu as déjà vu d’eux : ton cœur saura s’ouvrir aux pauvretés de l’existence tandis que tu n’auras certainement jamais fini de t’émerveiller ;

 

Heureux es-tu toi qui sais admirer : ta vie tout entière apprendra à être action de grâce !

 

Heureux es-tu toi qui sais écouter l’autre en profondeur et non pas seulement ce que tu as envie d’entendre : tu croîtras chaque jour plus en sagesse ;

 

Heureux es-tu toi qui réussis à ne jamais maudire mais à voir le beau en chacun : ces « lunettes de Dieu » s’imprimeront chaque fois plus en ton être jusqu’au plus profond de ton cœur ;

 

Heureux es-tu toi qui te lances chaque jour un peu hasardeusement dans la prière : le Seigneur te recevra et te guidera avec douceur dans l’intimité avec Lui ;

 

Heureux es-tu toi qui choisis le Christ comme maître de ton existence : l’aventure au large de ton histoire d’amour n’aura jamais de fin.

 http://www.blogforiowa.com/wordpress/wp-content/uploads/beatitudes.jpg

lundi, octobre 5 2015

Des mots pour dire les maux : carte postale d'un cours

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Pour la deuxième année consécutive, nos élèves de 4ème participent à un petit concours autour de la semaine de l’écriture.

 

Cette année, le thème est « j’ai de l’affection ». Ce n’est pas immédiat à comprendre. Cela a nécessité de l’explicitation et, justement, cela fut intéressant car, contrairement à l’année dernière, les écrits ne furent pas autant de billets d’amour confinant au ras des pâquerettes mais une véritable floraison de diversités : déclaration d’amour, lettres d’amitié, amour filial et… amour(s) familiaux dans la séparation ou dans le deuil, fréquents.

 

Un par un, ils passaient se faire corriger leur brouillon avant de passer à l’écriture au propre. Plus souvent qu’à mon tour, j’ai eu la gorge serrée en barrant d’un trait l'expression « histoire vraie » qui n’avait pas sa place. Ils la disaient, cela suffisait.  

 

J’ai vu quelques larmes pointer, j’ai peiné mais réussi à éviter les miennes.

Le vocabulaire était pauvre, j’ai souvent proposé : « tiens, ce ne serait pas cela que tu voudrais dire ? ». Ils étaient contents : « Ah si, c’est exactement ça ! » et, parfois : « vous, vous avez les mots pour dire ce qu’on a sur le cœur. »

Une porte pour goûter le cours de français bien au-delà de toute question de grammaire et de maîtrise délicate de notre langue ? J’ai senti que cette porte s’entrouvrait doucement : savoir écrire pour savoir dire avec le cœur.

 

Et puis, au milieu de tous ceux-là, il y avait elle dont je sais l’histoire récente si blessée, bien que le silence réciproque soit de rigueur. Elle osa écrire sur ce sujet… Elle osa pleurer à chaudes larmes. Tout le monde était à la fois aussi mal à l’aise que profondément respectueux : il y avait quelque chose de beau à voir ces ados souvent un peu balourds touchés par la douleur de l’une de leurs.

 

Il y avait quelque chose d’une tonalité très juste à ce cours bien que nous en soyons tous sortis bourrés d’émotions. Cela m’étonnerait que l’un ou l’autre gagne un prix mais aujourd’hui, nous avons peut-être avancé dans une réconciliation entre l’écrit et l’humain : faire, dire, écrire de belles choses qui viennent du plus profond, du plus humain, du meilleur d’eux-mêmes. A mon sens, le concours est gagné et ce soir, je me sens fière d’eux.

 

Si leur vocabulaire reste souvent indigent,

Dans le fond, mes mots, à moi professeur de français, le restent également dans ma prière…

Alors qu’importe si ce soir, ce sont quelques-uns de leurs mots, griffonnés sur des cartes, que j’ai envie de prier, en guise d’intercession maladroite.

 

jeudi, août 21 2014

Lire l’été ? Quelle drôle d’idée ?

 

Dans le silence profond de la campagne où même le chant des oiseaux se fait murmure atténué,

Il y ce livre, et puis moi qui le tiens,

Des heures durant, solitude de la lecture.

Il y a la lecture sur papier, profonde, d’un ouvrage, généralement d’un bout à l’autre, parfois de tel ou tel papier transmis ou d’Écriture ; 

Il y a la lecture numérique, souvent plus légère, parfois plus profonde, de tel ou tel article que l’on n’a pas le temps de lire en temps ordinaire.

 

Temps de l’été, propice à cette activité de l’esprit,

Lecture qui nécessite le silence, ce silence profond,

Comme celui d’une bulle où se place le lecteur :

Non pour buller mais pour écouter, pour regarder, pour sentir,

Pour vibrer, pour goûter, pour s’instruire, pour ruminer ;

Pour savourer.

 

Lire, cueillir, se recueillir :

Il y a comme des racines communes,

Car il est question de butiner, de glaner,

De sélectionner pour prendre ce qui est bon,

Il est question de concentration pour recueillir le suc ;

Celui-là même qui nourrit en chemin.

 

Lire, cueillir, se recueillir,

Les trois activités s’exercent dans le silence,

Comme le silence des germinations même en dehors de la saison,

Quand le soleil commence à prendre sa teinte de rentrée,

Il y est question de reprendre souffle,

Il y est question de mieux capter Son Souffle,

Pour, substantiellement nourri, être mieux envoyé(e), vivant de Lui.

 

 

 

 

(Un peu comme ce panda la bulle du lecteur… mais pas avec les mêmes effets dans la vie !)

  

samedi, décembre 28 2013

Orgueil et vie


Enfants innocents, 

Toujours premières victimes de la folie des hommes ; 

Saints innocents d'hier, 

Comme jeunes innocents d'aujourd'hui, 

Comme ceux retournés à une certaine forme d'innocence dans leur vieil âge d'aujourd'hui. 

Le plus faible, 

Celui qui ne sait se défendre,

Incapable de répondre à la démesure de l'orgueil humain, 

Pensant, croyant mieux tout gérer, 

Voulant promouvoir son "moi", 

Ayant peur de la magistrale faiblesse 

De ceux qui ne peuvent "faire", 

de ceux qui ne savent, de ceux qui ne savent plus qu'aimer. 

Dans l'octave de la Nativité, 

Comme en chemin déjà vers la Croix, 

Les saints Innocents, 

Pas seulement rappel d'un bain de sang, 

Mais appel à l'attention à la Vie. 

jeudi, avril 18 2013

Sur l’idéal du blogueur catho ?

 

D’après Maupassant dans « Le Roman » :

 

« À force d’avoir vu et médité il regarde l’univers, les choses, les faits et les hommes d’une certaine façon qui lui est propre et qui résulte de l’ensemble de ses observations [ir]réfléchies. C’est cette vision personnelle du monde qu’il cherche à nous communiquer en la reproduisant dans un [blogue]. Pour nous émouvoir, comme il l’a été lui-même par le spectacle de la vie, il doit la reproduire devant nos yeux avec une scrupuleuse ressemblance ».

 

À force de chercher le Seigneur dans la  méditation,

À force de L’avoir trouvé dans toute sa vie,

À force de L’avoir contemplé en toutes choses,

Il reviendra vers ses frères,

Ému, infiniment touché, brûlé au cœur,  

L’écriture resplendissante d’une Rencontre,

Qu’il s’efforcera de toujours mieux dire.

 

 

jeudi, mars 21 2013

D’eau vivifiante en coucher de soleil

 

 

 

Comme l’eau sait se frayer un chemin dans la terre à l’insu des prévisions humaines,

Ainsi l’Amour de Dieu se glisse dans les fissures imprévues de nos cœurs,  

Les irrigue et vient les toucher au plus profond, malgré les méandres et les détours,  

Pour, peu à peu, travailler et remodeler la glaise de notre âme

En surface rayonnante d’une Lumière incandescente à jamais.

 

dimanche, décembre 23 2012

En méditant, en priant

 

Ce n’est plus un secret pour grand monde après le #teasingdeouf de @gdecoutard sur twitter :

 

 

J’assurerai donc une dizaine de commentaires d’évangile pour l’année 2013 dans le magazine Pèlerin à partir du 10 janvier.

 

Cela constitue pour moi une expérience quelque peu différente de celle de ce blogue. Et, après avoir gratouillé mon premier texte puis après l’avoir corrigé, je m’aperçois combien cette expérience pousse encore plus à la prière.

 

Car, finalement, commenter l’Évangile, avec toutes les contraintes formelles qu’impose l’exercice de la presse écrite (que je découvre !), c’est tâcher de comprendre mieux celui-ci. Pour cela, il faut le « prier » mieux, le « méditer » mieux, c’est-à-dire le « vivre » mieux pour dire et écrire mieux dans le même mouvement : pas facile facile…

 

Et je repense au fameux livre de critique de Julien Gracq, En lisant, en écrivant : exercice d’écrivain. Mais finalement, n’est-ce pas aussi l’exercice du chrétien priant la Parole de Dieu ? En lisant, en écrivant : exercice de lecture active, crayon en main, Esprit Saint au cœur... comme on peut ! 

 

Et l’on pourrait ainsi tracer un programme en « en », anaphores poétiques chrétiennes vitales  :

 

En invoquant l’Esprit Saint,

En lisant,

En priant,

En méditant,

En écrivant,

En affinant,

En corrigeant,

En récrivant,

En aimant, 

En vivant…

 

À vivre ensemble tous ces gérondifs dans les mois à venir !

 

dimanche, juillet 8 2012

Cela


« Ainsi la conversation quotidienne n’est que rengaine jusqu’au moment où quelqu’un parle de son propre regard, de sa voix, remonte de son fond une impression, une révélation qui est sienne ; comme dans les livres tout est vain qui n’est pas cela, le jaillissement irrépressible de la vérité la plus intime qui appartient à tous… Et sans doute l’exil n’est-il supportable que parce qu’il y a cette frontière perdue, retrouvée, au-delà de ce qui protège et masque, mots, briques, papiers peints…

 

Comme si ces impressions qui peuvent surgir d’un magma de médiocre souvenirs et qui vous envoient à l’improviste un coup léger, vous griffent le cœur d’une fine blessure, comme si ces impressions, ces traces actives en nous, presque sans nous et souvent à jamais ignorées, étaient ce qu’il y a de plus intime, de plus incommunicable et cependant de plus universel, si du moins la parole vient à leur donner existence.

 

Point n’est besoin de toujours les avoir ressenties soi-même, chacun les croit reconnaître dans le tremblement de la voix, d’une écriture, participe au bonheur de celui qui les exprime sans les avoir peut-être vécues, mais parce qu’il les a reconnues sur un visage, car ce qui se tient aux profondeurs est aussi, une seconde, surface et forme, une lumière dans un regard, une ombre, ce pli du front, des lèvres, aussi nécessaire, inattendu, imprévisible que les traces sur la pierre que laissent la pluie, le vent, la mer, aussi vraies, plus vraies que les idées abstraites mais que nous ne savons déchiffrer, et les mots ne nous sont donnés que pour retrouver la palpitation de ces secondes perdues, retrouvées, immuables tout au long d’une vie, la joie secrète hors du temps, quand l’éternité déborde. »

 

in Jean Sulivan, Car je t’aime, ô Éternité !

 

jeudi, juin 21 2012

Qu’est-ce que je dis ?

 


« Il répète trop : la foi, la foi, il s’accroche au mot comme à une bouée.

Quand on veut parler d’une chose, il faudrait ne pas la nommer trop vite. Les mots ne sont pas des objets.

La poésie seule pourrait faire deviner que le sens est au-delà et ne peut surgir que d’une rencontre, la rencontre de l’esprit chrétien et du Saint Esprit prisonnier dans la lettre. »

 

in Jean Sulivan, Consolation de la nuit

 

 

A lire, je me demande : qu’est-ce que je dis, quand je dis « Dieu » ?

Qu’est-ce que je dis, quand, témérairement, j’ose dire que je prie… 

 

 

Donne-nous et trouve en chacun de nous des poètes épris de Toi,

Te remettant, jetant en Toi d’un élan quotidien, écrits et cris,

Tentant de chanter et ne sachant, et ne faisant, que balbutier ;

Mais gracieux jusque dans leurs balbutiements porteurs de fragments étincelants,

Parce qu’échos, parce qu’éclats, dans leur vie, d'une rencontre impossible à contenir. 

 

 

vendredi, février 17 2012

Lectihaïku (Marc VIII, 34-38)

 

Variation sur l’Evangile du jour : Marc VIII, 34-38

(In tribute to Mgr Hervé Giraud et ses twittomélies ;-) )

  

Anciens bois croisés ?

Perdre, sauver ; don, aimer

Joie d’éternité.


mardi, novembre 8 2011

Présent d'automne

 

Froid feutré de l’automne qui progresse ;

Froid de plus en plus silencieux, comme rendu opaque par cet amuïssement sonore progressif :  

Peu de marcheurs dans les rues, les êtres commencent à se terrer, à se blottir chez eux ;

Ici ou là, des fumées qui s’élèvent, signes des foyers bien chauffés,

Quand ce n’est pas celle s’échappant de ma bouche à force de respirer dans le froid.

 

Elles semblent loin ces belles et vastes étendues de l’été…

Ils semblent loin ces projets, ces rêves estivaux faits au doux soleil revigorant !

Et ces concours à préparer, qui riment si bien avec aridité ;

Et ces services à assumer, divers et variés.

 

Le champ de vision semble se réduire, se concentrer…

 

Pourtant, c’est ici, dans ce coin,

Dans ce tout petit coin d’automne,

Fait d’études, fait de rencontres, fait de travail,

Fait de peines et de joies, minuscules comme majuscules,

Que Tu m’appelles Seigneur.

 

Temps, espace,

Tout petit coin de vie…

Que Tu m’appelles, Seigneur, à habiter pleinement.

 

Parce que c’est aussi dans ces toutes petites étendues de rien du tout,

Dans ces espaces comme resserrés de l’automne,

Simplement ici, que Tu désires faire Ta demeure

Parmi nous, en nous : 

Se laisser travailler

Pour T’y rendre présent, un peu plus.

 

Et rendre grâce, soir et matin,

De ce qui a pu se vivre de grand dans le tout-petit du quotidien

Et Te demander la grâce de continuer, fidèlement,

A s’en émerveiller.


samedi, octobre 1 2011

Gris

 

Après un été grisant,

La pression retombée, l’esprit quelque peu dégrisé,

La tentation serait de vivre l’automne grisâtre.

 

Les soucis pointant subtilement ;

Le stress d’une année incertaine germant en chacun ;

La force de l’habitude cherchant à reprendre ses droits…

 

La tentation serait alors de ne pas s’accorder au soleil ambiant et de voir la vie lunettes embrumées par toutes nos grisailles, Bref, de voir la vie en gris.

 

Gris, couleur de la poussière ;

Ou plutôt gris, demi-teinte,

Variation médiane d’une intensité que nous ne parvenons plus à percevoir :

Voir la vie en gris, c’est ne plus en savourer les couleurs et les nuances.

 

Il ne s’agit pourtant pas de voir la vie en rose, avec la lunette candide du bisounours

Mais de la voir lumineuse.

Car c’est à l’aune de la seule lumière que nous distinguons les couleurs franches,

Que nous pouvons goûter à l'incroyable profusion des nuances,

Accommodant notre œil à cette lumière pour que se déploie un monde riche en contrastes.

 

Quand la farouche poussière cherche à habituer, c’est-à-dire à encrasser, nos regards les plus justes, les plus vrais, les plus ouverts et les plus beaux,

Redécouvrir que cette lumière porte un nom :

Lumière du Christ !

 

Loin des gris-gris et autres remèdes vitaminés,

Découvrir la Lumière : le Christ

Pour Vivre en enfants de celle-ci : en Lui.

 

jeudi, août 4 2011

Ecrire, un tison ardent sur la langue

 

« Ainsi, avec tout le passé et tout le présent qui affluent en moi, je roule mes flots de la montagne à la mer lointaine.

 

En moi ? Non. Dieu est mon seigneur. Une foule de satellites tournent autour de moi mais moi et les miens nous tournons autour de la grande Vérité centrale, solaire, immuable et lumineuse à jamais dans un firmament que rien ne contient.

 

Le tison ardent est sur ma langue. […]

 

Tandis que j’écris, je pâlis, je tressaille au grincement de ma plume, ma couvée d’aigles fous me dévore et je voudrais renier mon audace ; mais un gantelet de fer serre ma main dans un étau et trace chaque lettre malgré moi. Je voudrais jeter bas ce Dionysos qui chevauche mes reins ; mes pensées m’écrasent et je gémis. Des champs lointains m’arrive la chanson du moissonneur tandis que je défaille, prisonnier dans cette cellule. La fièvre court en moi comme une lave. »

 

Herman Melville, Mardi

 

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