Zabou the terrible

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Mot-clé - Douceur

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mercredi, février 23 2011

Espace de liberté + espace de fragilité = espace christifié

 

Les espaces de liberté se font rares lorsque les mois filent et approchent de l’échéance : il est du devoir de l’agrégatif de les recréer pour parvenir à respirer. L’un des miens est d’aller – oh, quand je le peux, certains jours – à ces messes de semaine : courtes, petites, sans gloriole ni trompette mais que j’apprécie tellement parce qu’elles m’aident à réinscrire sans cesse l’Essentiel dans ma vie.

 

Le 22 février, c’est une date un peu particulière pour moi et la messe y fait toujours partie de mon agenda, aussi chargé soit-il. Hier en fin de matinée, une panne d’oreiller, un concours de circonstances me fit aller non dans une de mes « paroisses de semaine » mais dans la mienne : ce concours de circonstances était finalement heureux ou, comme l’a dit mon vicaire conceptuel d’un sourire en me voyant arriver, avec une formule lapidaire dont il a le secret : « t’as bien fait ».

 

On fait toujours bien d’aller à la messe, je le sais bien, pas la peine de me le redire, padre enfin !

 

Ma présence rajeunissait de quelques décennies l’assemblée du jour, qui se comptait hélas sur les doigts des deux mains, dans une paroisse désertifiée (ah, les vacances scolaires !). Là, je sentis combien c’était bien ainsi, que j’avais eu vraiment raison de venir ici prier avec eux, les fidèles parmi les fidèles. Prendre exemple sur leur fidélité et leur apporter par ma petite présence l’inattendu de la jeunesse.

 

Sourires mutuels, salutations à chacun : petite communauté aux liens solides, tissés dans la fidélité et dans l’amitié.

 

Et puis, surtout, elle, là assise, sans force pour se lever.

Elle qui avait la tête baissée, les mains empêtrées dans son chapelet.

Elle dont les cheveux à moitié en bataille recouvraient le regard, visiblement perdu, un peu égaré.

Elle, qui allait recevoir le sacrement des malades, ce jour, maintenant, à cette messe.

 

« Zabou, viens m’aider »

Tenir le rituel pendant l’imposition des mains.

Tenir l’huile pendant que son front et ses mains étaient oints.

Regarder, admirer de toutes ses forces ce qui se jouait là.

Et prier, surtout, pour que le Christ soit sa Force,

Prier de toutes ses pauvres forces.

 

Être émue, profondément émue

De la confiance tranquille de celle qui recevait ce sacrement.

De la douceur de celui qui le lui donnait…

Quelque chose de tellement grand et de tellement simple se passait à côté de moi et j’avais la chance d’en être témoin.

 

Et puis surtout voir ce regard  fuyant se transformer soudain en regard rayonnant,

Un sourire aux lèvres revenu, des yeux emplis de gratitude.

Fantastique simplicité du geste où  le Christ advient :

Que le Christ soit sa force, toujours !

 

J’avais bien fait de venir, ici et non ailleurs, ce matin-là, oui.

 

samedi, décembre 25 2010

Belle fête de la Nativité à tous !




Nativité par Albrecht Dürer

Ce que j’aime dans cette Nativité au premier regard, c’est sa disproportion : des parents immenses, un Christ tout petit…

 

Ce que j’aime dans cette Nativité, c’est qu’il y a tout un jeu de regards pour nous faire comprendre Qui est l’important : l’Enfant. C’est-à-dire, le petit, le pauvre, le faible.

 

Ce que j’aime dans cette Nativité, c’est qu’il y a toute une humanité autour de la crèche… des proches, des lointains qui n’osent s’approcher, des joyeux et des interloqués ; et que je peux m’y voir, moi aussi, parmi eux.

 

Ce que j’aime dans cette Nativité, c’est que le Christ se met à la taille – ô pas bien grande, encore toute petite – de cette humanité qui l’entoure ; qu’il vienne en fait se mettre à ma hauteur pour me diviniser si je le mets de mon côté tout au centre, au cœur de mon humanité.

 

Alors, à chacun, un JOYEUX NOËL !

Que l’Incarnation du Christ nous donne de grandir chaque jour un peu plus en notre humanité, afin de l’écrire, comme Lui,  pleinement et joyeusement avec un A.

 

vendredi, décembre 10 2010

Aux poètes du theatrum mundi

« Ce qui permet de voir comment l’auteur ne se dit pas au théâtre, mais écrit pour qu’un autre parle à sa place. » (Anne Ubersfeld, Lire le théâtre I)

 

Douceur du livre théorique qui confine au spirituel, qui sonne comme une invitation à un apprentissage :

 

Non seulement à laisser notre plume, nos écrits, s’emplir du Verbe mais bien plus encore à le laisser illuminer notre vie ;

 

Invitation à l’écrire, cette vie, à la jouer, à la donner pleinement pour qu’elle s’inscrive comme un poème, particulier, unique ; pour qu’elle devienne comme une œuvre d’art que nul autre ne saurait jouer dans ses infimes nuances : tout simplement pour qu'elle soit une  vie qui résonne la Sienne dans l’immense theatrum mundi.

 

dimanche, novembre 21 2010

Roi très admirable, douceur ineffable...

 


Ils sont arrivés il y a maintenant un mois. Des pas très grands, des qui font petits, minuscules même à côté de leurs aînés devenus tout grands ; des qui ont tendance à se prendre les pieds dans le bas de leur aube et à s’emmêler les bras avec le cordon de leur croix. Ils s’appellent Antoine, Delphine, Rémi, Camille, Maxence ou bien Joséphine et, avec cinq autres, cela fait un mois qu’ils ont rejoint le groupe des servants d’autel.

 

A leur âge, on se perd vite et l’apprentissage de la liturgie n’est pas chose aisée : on se trompe, on ébauche des gestes, on en bafouille d’autres en interrogeant sans cesse des yeux les plus grands. Mais il est des sourires, des lueurs qu’on aimerait conserver ad vitam : et j’aime regarder et leurs premiers pas, et leurs premières bêtises…

 

Ce week-end, c’était fête et ils touchaient pour la première fois à ces torchères un peu particulières qui embellissent chez nous la consécration des jours solennels. Bien sûr, ils se trompèrent magistralement dans leurs déplacements. Puis, pour couronner le tout, rien n’était coordonné et les flammes penchaient dangereusement. Pourtant, qu’ils étaient beaux leurs visages rendus lumineux tant par la danse d’une flamme que par la naissance douce, délicate, d’un sourire de leur cœur !

 

La fête du Christ Roi à côté de cela, elle n’est pas très réjouissante tant elle est située du côté de l’échec et de la douleur. Pourtant, elle vient comme sonner et résonner dans le temps ouvert entre Toussaint et Noël : elle est la fête de la pauvre unique vraie royauté, celle de l’Amour. Celui qui ne domine pas, celui qui perd tout, celui qui se donne jusqu’au bout… Le vrai amour quoi !

 

Le Christ a les mains crucifiées : il n’a plus que les nôtres pour bâtir, maintenant, sur terre, ce royaume à la saveur un peu utopique mais tellement poétique, tonique et vivifiante. 


Oh évidemment, je sais bien que les gestes des servants, surtout des plus jeunes, ne font pas directement grand-chose et peuvent sembler dérisoires. Ils ne changent pas le monde, ils aident simplement quelques-uns, dont eux-mêmes, à prier avec la liturgie. Ce ne sont pas leurs gestes qui viendront sauver des vies, ni même faire de grandes révolutions : mais chacun de leurs gestes et actes, même ratés, posés avec amour, y contribuent comme autant de gouttelettes finement ciselées. J’ose croire que c’est la beauté du service dont ils ont commencé à percevoir, sans le savoir mais en le devinant dans leur cœur, le sens profond.  

 

mardi, juillet 27 2010

Kalos pater

 

Se trouver ici, comme je le fus durant tant d’étés.

Et regarder les étangs, les arbres, le soleil se coucher.

Capter les fragrances d’un passé échappé mais jamais oublié.

 

Respirer l’air à s’en faire péter les poumons,

Fureter dans la bibliothèque, caresser la couverture de ce livre qui était tien…

Se souvenir alors de cet autre, que tu m’avais donné parce que, disais-tu, gardé sur ta table de nuit, il t’avait tant aidé au long de ta vie : le savoir sur la mienne, lu, relu, avant que ne vienne le jour où je choisirai, à mon tour, de le transmettre.

Et lire ce soir, sur cette table des veillées, des éternels débats, cette vieille lettre retrouvée il y a quelques jours par ta femme où ce que tu disais était si… si juste, si émouvant. Dieu.

 

Dieu…

Tu en parlais si souvent, et de plus en plus, comme si c’était la seule question sur laquelle revenait sans cesse buter ton esprit de philosophe. Mais tu ne faisais pas qu’en parler… Je le savais, mais il est une pudeur en ces domaines qu’il est difficile de quitter, parce que Dieu n’est pas abstraitement concept mais, intimement, amour et vie.

Tu ne peux savoir comme ce que tu avais écrit là, alors que je n’étais moi-même qu’embryon « dans le sein de ma mère » me touche aujourd’hui, maintenant, me rejoignant en profondeur.

 

Et cet amour de Dieu sur lequel était ton dernier texte… Cet amour de Dieu que tu n’auras cessé de creuser, expérimentant même ces failles terribles où l’on ne voit plus rien. Cet amour de Dieu auquel tu auras cru jusqu’au bout.

 

Cet amour de Dieu que tu es parti rejoindre au plus proche,

Il y a exactement un mois, à la fin d’une semaine déjà si étrange pour moi. Comme si ton départ achevait de marquer une page qui se tournait pour moi, fermant un chapitre, en inaugurant un autre. Comme c’était le cas pour toi, aussi.

 

Il y a une chose de ma vie que j’aurais aimé te dire et que tu avais, je crois, deviné mais que je n’aurai pas eu le temps de te dire en face. Mais ce soir, émue par une résonance, je crois comprendre qu’il n’y avait vraiment pas besoin…

 

Écraser une larme en lisant tes mots, tes traces tout en souriant ;

Et continuer, selon les mots que tu m’écrivais plus récemment, de « chercher dans le ciel le chemin de mon étoile ».

 

samedi, mai 15 2010

Tu te souviendras de la multitude infinie...

En 1909, Léon Bloy dédie son ouvrage Le Sang du pauvre à sa fille aînée Véronique, en quelques lignes si belles que m’est venue l’envie de les retranscrire ici.

 

            Que ce livre te soit dédié, mon enfant bien-aimée. Il convient mieux qu’un autre à ton esprit grave, à ton âme inclinée vers la Douleur.

 

            En le lisant, tu te souviendras de la multitude infinie des cœurs qui souffrent, des enfants de Dieu qu’on afflige, des tout petits qu’on écrase et qui n’ont pas de voix pour se plaindre.

 

            Ton père a essayé de crier à leur place, de ramasser en une sorte de Miserere toutes les souffrances de ces lamentables. Tu sais de quel prix il en a payé le droit et à quelle école redoutable il s’est instruit.

 

            Alors, ma Véronique, vraie image du Sauveur des pauvres, demande à ce Crucifié qu’il ne m’oublie pas – vivant ou mort – dans son Royaume éternel.

 

Léon Bloy

 

mercredi, mai 5 2010

D'un petit geste l'Autre

 

« Jésus n’a pas ouvert les yeux de tous les aveugles d’Israël, et on peut se demander si la guérison d’un aveugle a fait la moindre différence. Il n’a pas arrangé les affaires de toutes les noces où le vin venait à manquer. Mais ces petits signes appartenaient à la Parole de Dieu qui crée et recrée. C’est la fragilité et la petitesse même de tels gestes qui font qu’ils parlent si forts. Le Seigneur n’a pas laissé Gédéon écraser les Madianites avant d’avoir réduit son armée de trente-deux mille à deux mille puis trois cents hommes. Dans la Bible, on aime ce qui est petit. Jésus dit que ce qu’on fait au plus petit d’entre les siens, c’est à lui qu’on le fait. Les petits gestes sont à la fois une prière demandant que vienne le Royaume et la Parole de Dieu, qui le fait s’approcher. »

 

Timothy Radcliffe, o.p., Pourquoi donc être chrétien ?, p. 32-33

 

jeudi, février 4 2010

Au milieu de la grisaille, comme une lumineuse douceur


           « La douceur laisse être ce devant quoi (ou celui devant qui) elle se trouve, et pour cela prend du temps. Ce temps, elle ne le prend pas à autrui, mais à soi et sur soi, et par là le donne à autrui. Pourrait-il y avoir une douceur de la parole qui ne fût précédée de la patience de l’écoute ? Et pourrait-on être doux si l’on n’était d’abord attentif ?


             La douceur d’un regard, par exemple, ne consiste pas à faire les « yeux doux » […], mais à faire de notre présence un lieu d’accueil et d’hospitalité – laisser, sans hâte ni prévention, quelqu’un se manifester. […] « Doucement » veut dire « lentement », attention et précaution. C’est la force de la douceur que d’avoir comme une amoureuse divination de la fragilité des gens, des choses et des questions. »


J.-L. Chrétien, « Douceur », Pour reprendre et perdre haleine – Dix brèves méditations.

jeudi, août 16 2007

Guide de haute-montagne ou poete ?

 
Un p’tit billet depuis Chamonix, ville de montagne sans montagnes depuis que la pluie a decide de les escamoter.  
 
Lundi j’ai neanmoins pu faire un peu d’escalade. Mon guide etait un "vieux de la vieille" possedant le pas bien terrestre du paysan montagnard mais grimpant comme un cabri, aerien et, faut-il le dire ?, sublime.
 
Avant un rappel, alors que nous surplombions toute la falaise celebrissime des Gaillands, il se lanca dans le discours suivant que je tente de retranscrire au plus proche : " Tu vois, cette corde, c’est ton fil de vie. Ce que tu vois n’est pas le plus important, l’essentiel est a l’interieur, c’est l’ame ! La gaine permet de la proteger et donc, de proteger la vie. "
 
Belle metaphore ?

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