Habemus papam ! Je ne me prends pas pour le cardinal protodiacre mais je
parle bien évidemment du récent film de Nanni Moretti.
« Brillant,
peut-être mais peu priant » ; « beau film et drôle en plus
malgré ses longueurs » : je souscris complètement aux analyses de Mgr
Bernard Podvin d’une part (à lire ici) et du P. Emmanuel Pic d’autre part (à lire par là).
J’ai
admiré, j’ai souri, j’ai ri tout en trouvant les traits parfois un peu forcés
et l’absence de prière beaucoup trop flagrante : manque de réalisme
certain. (Bon, avouons-le, je suis ceci étant complètement fan du match de
volley cardinalice !)
Habemus papam : je n’aime pas non plus que le film se termine par le
retrait du pape, par le début d’une vacance puis ce titre apparaissant immédiatement
sur l’écran, suggérant que le seul pape possible, le seul pape régnant déjà
dans un monde empli de vacuité et de psittacisme théâtral, c’est le vide…
Et
pourtant, pourtant, j’ai été touchée par ce pape qui ne veut pas l’être incarné
à l’écran par un immense Michel Piccoli.
Parce
qu’au-delà de ce monde moderne qui évacue la question de Dieu, au-delà de ce
Dieu qui semble si absent ici, c’est un homme qui est présent et il a toute son
importance, y compris pour nous, croyants, qui visionnons ce film.
Le
cardinal Melville, c’est un homme qui reçoit, comme chacun d’entre nous, une
mission, une vocation… Charge immense : les autres cardinaux n’aimeraient
pas être à sa place et cela se comprend !
Mais
il n’y a pas que la charge pontificale qui peut sembler écrasante : chacun
d’entre nous, pour accueillir une mission, pouvons nous sentir comme ce pape,
d’abord écrasé, puis fuyant ce qui est demandé.
Oubliant
que ce qui est demandé est aussi donné…
« Da
quod jubes ; jube quod vis :
Donne ce que Tu commandes ; commande
ce que Tu veux. » (Saint Augustin)
Cela
est suggéré dans le film mais comme noyé par le frou-frou des cappa magna se frottant aux envolées
lyriques du psychanalyste ayant un grain alors qu’il s’agit de l’essentiel.
On
dit que le pape a une salle des pleurs à côté de la chapelle Sixtine quand il
accepte sa charge… Cela a dû arriver à plusieurs cardinaux de pleurer en
s’habillant pour la première fois tout de blanc mais ils ont prié, ils ont dit oui et ont alors avancé, confiants, pour répondre à l’appel qui leur était lancé. Parce qu’ils savaient
que ce n’était pas sur leurs propres forces qu’ils allaient devoir et pouvoir s’appuyer.
Finalement,
en forçant trop les traits d’un monde d’où la Transcendance semble en exil – et a
fortiori, ce Quelqu’un en qui nous croyons – le film de Nanni Moretti a,
au-delà du réel plaisir esthétique qu’il nous offre, le mérite de nous
renvoyer, chacun, à notre condition de pécheurs indignes et incapables, certes,
mais pécheurs pardonnés et rendus capables de tout en Celui qui nous appelle.